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[CRITIQUE] : A Normal Family


Réalisateur : Hur Jin-ho
Avec : Sul Kyung-gu, Jang Dong-gun, Kim Hee-aeClaudia Kim,…
Distributeur : Diaphana Distribution
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Sud-coréen.
Durée : 1h49min

Synopsis :
Deux frères, un avocat matérialiste et un chirurgien idéaliste, se retrouvent régulièrement avec leurs épouses pour dîner dans un restaurant chic de Séoul. Lorsqu’une affaire criminelle qui les implique explose sur la scène médiatique, leur sens de la morale va être mis à l’épreuve.




On ne choisit pas sa famille et encore moins ses rejetons, c'est clairement la vérité qui irrigue les veines du nouveau drame merveilleusement sombre, tendu et ironique du cinéaste sud-coréen Hur Jin-ho (absent des plateaux depuis six ans et son très beau Forbidden Dream, drame historique qui comptait l'histoire vraie de l'amitié entre le Roi Sejong et l'inventeur et astronome Jang Yeong-sil au début du XVe siècle), A Normal Family (titre volontairement sarcastique, lui qui s'inspire librement du roman Le Dîner d'Herman Koch, déjà plusieurs fois adapté à l'écran), qui sonde avec acuité et froideur la superficialité comme l'hypocrisie nichés dans les cœurs de deux familles liées par le sang - deux couples dont les deux hommes sont des frères à la relation tortueuse, tout en ressentiments et en loyauté fluctuante -, dont les luttes éthiques et morales atteignent des sommets particulièrement morbides.

Copyright Pandora Filmes

S'attachant à dévoiler la surface polie - dans tous les sens du terme - de leurs relations avant de lentement mais sûrement la faire voler en éclats, le film nous présente deux frères aux vies radicalement opposées et frappé par un vrai complexe de richesse : l'aîné, Jae-wan, un avocat influent et fortuné qui fait son beurre sur des clients tout aussi aisés, et le plus jeune, Jae-gyu, pédiatre plus modeste et fièrement (tout du moins un temps) campé sur une éthique et un code moral strict.
Les deux hommes sont mariés (avec deux femmes, Yeon-kyung et Ji-su, qui ne s'apprécient guère et aux interactions toutes aussi tendues) et père de trois enfants, un bébé et une jeune fille adolescente pour le premier, et un ado pour le second.

C'est d'ailleurs par cette jeune génération, Hye-yoon et Si-ho, à travers un acte proprement abject qu'ils vont commettre avec un détachement incroyable (une pique percutante et brutale sur une jeunesse contemporaine totalement insensible à la violence et aux conséquences de leurs actes), qui plus est filmé comme pour lieux devenir un cauchemar viral tout autant qu'une vraie bombe à retardement pour leur famille (une amoralité à laquelle Jae-gyu est d'autant plus confronté puisqu'il défend une cliente toute aussi détachée de ses actes, que sa propre fille), que le cinéaste va articuler sa mécanique clinique et tendue sur deux visions du monde à la fois conflictuelles (protéger son enfant à tout prix, quitte à être en total contradiction avec soi-même et ce que l'on croit; où sacrifier la légitimité comme le poids d'un système judiciaire que l'on est censé respecter et représenter ?) mais tout aussi bien liées par la chair et le sang, que renvoyées à leurs propres failles et manquements (parentales comme humaines).

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Chronique tragico-philosophique et machiavélique d'un effondrement moral tout en hypocrisie et en désespoir silencieux, que le cinéaste scrute au microscope avec une crudité et une méticulosité chirurgicale, faisant de chaque dîners/réunions formelles de véritables champs de bataille, A Normal Family, entre la satire social percutante et grinçante, et le drame psychologique implacablement sombre et retors, est de ces séances savoureusement captivante et déstabilisante qui marquent joliment les esprits comme les rétines.
L'un des incontournables du moment, avec les cauchemars de Kurosawa et la douce ode à ma vie de Flanagan...


Jonathan Chevrier