[CRITIQUE] : Cassandre


Réalisatrice : Hélène Merlin
Acteurs : Billie Blain, Zabou Breitman, Eric RufGuillaume Gouix,...
Distributeur : Zinc Film
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français.
Durée : 1h43min

Synopsis :
Été 1998. Campagne. Cassandre a 14 ans. Dans le petit manoir familial, ses parents et son frère aîné remarquent que son corps a changé. Heureusement, Cassandre est passionnée de cheval et intègre pour les vacances, un petit centre équestre où elle se fait adopter comme un animal étrange. Elle y découvre une autre normalité qui l'extrait petit-à-petit d'un corps familial qui l'engloutit...




Alors certes, c'est assez facile voire même un poil putassier, mais on pourrait dresser plus d'un lien résolument pertinent entre le délicat Wet Season de Justyna Mytnik et le plus singulier Cassandre d'Hélène Merlin, deux premiers efforts sortis cette semaine en salles, deux récits initiatiques et adolescents au féminin prenant la forme de deux quêtes de sens de deux ados aux personnalités - comme aux backgrounds - bien distincts, lancées autant dans le grand bain d'une puberté difficile, que dans celui encore plus troublé d'une lutte douloureuse face à la loi du silence et à des traumatismes (viols et inceste) pouvant briser leur pourtant jeunes existences.

Copyright Shanna Besson

Deux récits iniatiques qui négocient avec les codes inhérents au genre tout en swinguant sur leur propre groove, celui de Mytnik s'offrant quelques embardées oniriques - à la lisière de la folk horror -, tandis que celui de Merlin bifurque vers quelque chose de plus étrange et malaisant, une tragi-comédie qui n'en prend jamais totalement le nom mais qui en épouse décemment toute l'audace, d'autant plus avec un sujet rarement abordé à l'écran (les violences incestueuses et répétées sans la moindre impunité), directement inspiré de la propre histoire intime de sa cinéaste.
Où comment cultiver un décalage fièrement assumé, tout en rajoutant une couche de gravité et de densité supplémentaire à une œuvre qui, sur le papier, n'en manquait absolument pas.

On reste tout du long cloué aux basques de la jeune Cassandre, quatorze ans au compteur et un corps en plein changement, détail loin d'être anodin qui n'échappe ni à elle et encore moins à sa famille bourgeoise aux mœurs plus que légères - pour être poli -, dont la vie semble totalement déconnectée du monde au coeur de leur manoir, où l'intimité est un luxe qu'on ne peut se payer.
Un ordre familial oppressif et toxique qui va peu à peu se révéler à elle lorsqu'elle entreprend, à l'été 1998, d'intégrer un petit centre équestre qui va lui donner un aperçu de ce qu'est une vie " normale " sans jugement ni violence, et ainsi lui permettre d'ouvrir pleinement les yeux sur la brutalité de son quotidien cauchemardesque.

Copyright Shanna Besson

Tout en malaise et en inconfort dans son expression d'une emprise familiale férocement oppressive au climat sexuel/incestuel totalement décomplexé (une nudité quasiment omniprésente, des discours sans filtres à la limite du dérangeant,...), où une pauvre gamine incomprise et impuissante devient la victime directe de cette abolition totale des frontières de la transgression, avant de se faire (et de faire) violence pour trouver la force de reprendre le contrôle sur son existence et son corps; Cassandre, porté par la prestation imposante de la jeune Billie Blain, se fait un premier long-métrage d'une puissance et d'une maîtrise rare, notamment dans la nuance apportée dans son écriture et la profondeur de ses personnages, tous à la fois victimes comme bourreaux au sein d'une prison de verre qu'ils ont eux-mêmes constitués.

Un sacré premier effort qu'on vous dit.


Jonathan Chevrier




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