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[CRITIQUE] : F1® Le Film


Réalisateur : Joseph Kosinski
Acteurs : Brad Pitt, Damson Idris, Kerry Condon, Javier Bardem,...
Distributeur : Warner Bros. France
Budget : -
Genre : Action.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h35min

Synopsis :
Sonny Hayes était le prodige de la F1 des années 90 jusqu’à son terrible accident. Trente ans plus tard, devenu un pilote indépendant, il est contacté par Ruben Cervantes, patron d’une écurie en faillite qui le convainc de revenir pour sauver l’équipe et prouver qu’il est toujours le meilleur. Aux côtés de Joshua Pearce, diamant brut prêt à devenir le numéro 1, Sonny réalise vite qu'en F1, son coéquipier est aussi son plus grand rival, que le danger est partout et qu'il risque de tout perdre.




On vrombissait d'impatience telle une monoplace vibrant sur le bitume, flanquée sur une ligne de départ qu'elle ne demandait qu'à franchir le plus rapidement possible : un Top Gun : Maverick sur roues, dans le milieu fermé et sous tension de la Formule 1 (en comptant la présence de vrais pilotes en mode simili-caméos, et celles de véritables lieux de Grand Prix), avec non plus Tom Cruise mais bien un Brad Pitt au sommet de ses capacités, en pilote rebelle vieillissant engagé dans une double course contre la montre - profiter des meilleures arènes pour tâter de la course à grande vitesse pour ce qui sera son dernier run, et redresser/sauver une écurie menée par une graine de champion méchamment arrogante.

F1® Le Film était presque trop beau pour être vrai, un fantasme de cinéma poussant les attentes du spectateur à un degré presque insurmontable pour ce qui ne pouvait n'être, au fond, rien de plus qu'un blockbuster Hollywoodien ayant fait péter le chéquier d'une manière un peu trop décomplexée : on ne pouvait qu'être déçu, voire même un poil frustré.
Et c'est le cas, aussi belle et spectaculaire que soit cette expérience.

Copyright Warner Bros

Le tribu, évident, d'avoir voulu privilégier l'ivresse de la vitesse à tout autre chose, scrutant de tellement près la performance de son bolide qu'elle en oublie toute la mécanique derrière - sa narration, qui commence à fléchir dès la première chicane -, où même de rendre un tant soit peu plaisant à suivre - et consistant - ceux censés meriter de la conduire.
Un bonheur pour ce qui est des séquences de courses qui sont évidemment brillantes et dynamiques, follement immersives et réalistes, fruit d'angles absolument déments (pas un centimètre des pistes comme des véhicules, ne semblent avoir été mis de côté) mais aussi d'une union renversante entre une conception sonore dantesque et une photographie époustouflante de Claudio Miranda.

Chaque crissement de pneus, chaque changement de vitesse, chaque chicane surpassée brutalement sont d'un réalisme dingue, renforçant le souci de crédibilité et d'intimité extrêmes, presque à lisière du documentaire, voulu par Joseph Kosinski, et sa volonté de catapulter son auditoire au cœur du chaos magnifique d'un Grand Prix - quitte à, parfois, avoir des fausses allures de spot publicitaire.

Mais c'est un raffinement sensorielle qui ne fonctionne jamais à l'unisson avec son pendant narratif, plus en fibre optique qu'en fibre de carbone, tant tout n'est que clichés faciles et redondance, comme si la direction savait où aller là où l'histoire elle, reste clouée aux stands, vissée qu'elle est sur les aternoiements d'un pilote ex-prodige pas vraiment en quête de rédemption ni forcément armé pour jouer les figures modèles (le loup solitaire sans âge - une vraie absurdité pour un sport aussi exigeant - qui apprend sur le tard, que la course est un sport d'équipe, exit Maverick bonjour Cole Trickle).

Copyright Warner Bros

Il y a même presque quelque chose d'étrange (mais pas si déroutant au fond, car pas totalement éloigné de ses passages devant la caméra de Quentin Tarantino, surtout pour Once Upon a Time... in Hollywood) à voir Brad Pitt embrasser si effrontément son statut de mâle alpha/superstar Hollywoodienne, comme Tom Cruise finalement, à travers un personnage à l'arrogance tout aussi obstinée que son allergie pour tout notion d'autorité - même dans les échecs - est marquée, un connard qui a du charme (un personnage Cruisien, encore une fois) mais à qui l'écriture n'offre jamais une bascule suffisamment forte, pour que son virage à 180° soit suffisamment crédible, même avec un interprète de son calibre.

Un entre-deux artificiel qui se ressent sur chacun des personnages titres au fond, à l'image autant de celui de Damson Idris (un pro du volant au talent brut mais qui ne pense qu'à son image de marque, à qui l'on offre même pas un choc générationnel un tant soit peu émotionnel et substantiel), que de celui de la pauvre Kerry Condon, peut-être encore plus desservie.

Cantonnée au rôle - infiniment maladroit, pour ne rien gâcher - de love interest de Pitt, alors qu'elle brigue le statut de directrice technique de l'écurie et la première femme à occuper le poste de directrice technique d'une écurie - donc une figure inspirante, brillante et pragmatique que l'on aurait aimé suivre pour ses raisons.
Sa performance, merveilleusement investie, laisse tout du long l'impression d'une complexité salutaire que le scénario ne se fatiguera jamais à lui donner.

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Visuellement époustouflant comme un Top Gun : Maverick (voire même encore plus impressionnant, et à qui Hans Zimmer offre sa composition la moins écrasante depuis longtemps), mais écrit avec autant de finesse que le piteux Driven de Renny Harlin avec tonton Sly (on grossit un peu trop le trait... quoique), F1® Le Film est un pur blockbuster Frankensteinien tour à tour électrisant et stéréotypé, musclé et fragile, élégant et en roue libre, authentique et aseptisé.
Sous la graisse de moteur et le métal froissé, il y avait sans l'ombre d'un doute un meilleur film qui n'attendait qu'un bon rapport de vitesse, qu'une bonne aspiration pour exploser face caméra et prendre pleinement la lumière sur la ligne d'arrivée, à l'image d'un Rush voire même d'un Le Mans 66 - pas le même bolide mais surtout pas le même cœur à l'arrivée non plus.

Eux sont en pôle, lui peine quand-même mignon à dépasser les qualifications...


Jonathan Chevrier