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[CRITIQUE] : Le Dernier Souffle


Réalisateur : Costa-Gavras
Acteurs : Denis Podalydès, Kad Merad, Marilyne Canto, Angela Molina, Charlotte Rampling, Françoise Lebrun, Karin Viard,...
Distributeur : Bac Films
Genre : Drame.
Nationalité : Français.
Durée : 1h39min

Synopsis :
Dans un dialogue amical et passionné, le docteur Augustin Masset et l’écrivain Fabrice Toussaint se confrontent pour l’un à la fin de vie de ses patients et pour l’autre à sa propre fatalité. Emportés par un tourbillon de visites et de rencontres, tous deux démarrent un voyage sensible entre rires et larmes : une aventure humaine au cœur de notre vie à tous.



Critique :



On avait laissé le grand Costa-Gavras sur ce que l'on peut sensiblement appeler une sacrée séance, où il s'attaquait à la destinee tragique de son pays natal, la Grèce, vilain petit canard d'une Europe malade : Adults in The Room, mécanique de compétition alliant propos grave et réaliste à une patine burlesque au doux ressort de farce corrosive et maline, traitant avec une minutie extrême et un souci de clarté admirable, d’un sujet géopolitique sensiblement complexe si l'on ne lui prête pas l'attention requise.
Du grand cinéma, entre le thriller politique racé et intelligent et la véritable tragédie grecque passionnée et volubile, didactique mais jamais redondant et encore moins pédant.

Six ans plus tard et surtout quatre-vingt-onze ans au compteur, le cinéaste grecque, à quelques heures de se voir recompensé d'un César d'honneur (amplement mérité) pour l'ensemble de sa carrière, nous revient plus en verve que jamais avec un sujet d'autant plus sensible qu'il lui est lui-même intimement lié : la fin de vie et notre lien avec l'inéluctable (à une heure où la question de l'accompagnement et de la fin de vie volontaire, n'a jamais paru aussi actuelle), qui servait déjà de fil rouge au magnifique La Chambre d'à côté de Pedro Almodóvar, sorti un peu plus tôt cette année.

Copyright Bac Films

Le Dernier Souffle - tout est dans le titre - s'échine donc à aborder l'universalité intime de la mort d'une manière très Costa-Gavrasienne, à savoir non pas comme un mélodrame sirupeux et tire-larmes mais bien comme une (ultime ?) leçon de cinéma fascinante, une méditation philosophique et intellectuelle à l'aspect épisodique, qui invite son auditoire à réfléchir avec lui sur ce sujet essentiel à travers le canevas de diverses figures comme autant d'approches et d'appréhensions, avec comme boussole le dialogue et l'amitié naissante entre un docteur en soins palliatifs (attachant Kad Merad) et un écrivain philosophe gentiment hypocondriaque (formidable Denis Podalydès).
La rencontre, naturelle finalement, entre un homme qui a peur d'affronter toute idée de mortalité et un autre qui le fait quotidiennement.

Avec une certitude tout autant clinique que sa mise en scène est précise dans son souci de réalisme au plus près des âmes et des discussions qui les animent (avec un rythme presque jazzy, où la rhétorique intellectuelle et existentielle ne vient jamais supplanter l'émotion), le cinéaste explore les notions de dignité et de vulnérabilité au détour de personnages et de patientes portant en eux diverses approches de la mort (si Françoise Lebrun et Charlotte Rampling sont fantastiques, c'est véritablement Angela Molina, incroyablement solaire, qui nous touche en plein cœur en matriarche accepte son trépas avec une sérénité absolument désarmante), enveloppant son examen dans une sorte de tension tranquille qui va lentement mais sûrement faire imploser sa vérité : la mortalité n'est pas un concept intellectuel à comprendre ni résoudre mais plutôt une expérience, un voyage en solitaire que nous vivons/acceptons tous d'une façon personnelle et unique.

Copyright Bac Films

Si l'on pourra certes lui reprocher un prisme résolument bourgeois (ses personnages sont incontestablement privilégiés, et quand bien même la mort nous réunis tous, nous ne serons pas tous logés à la même enseigne pour l'accueillir), qui annihile un brin l'universalité de son propos, difficile de ne pas se laisser toucher par la sincérité et l'humanité - voire même l'humour subtil - qui se dégage du Costa-Gavras nouveau, qui encourage de façon réfléchie, modeste et pertinente à l'introspection, qui suscite l'émotion par la force de son honnêteté.

Un drame solaire autant sur les liens essentiels et enthousiasmants de la vie, que sur la tristesse inévitable de la mort et comment nous humanisons, chacun à notre manière, sa fin, par un cinéaste expert dans l'exploration accrue des failles et de la complexité de l'existence humaine.


Jonathan Chevrier