[CRITIQUE/RESSORTIE] : Malcolm X
Réalisateur : Spike Lee
Avec : Denzel Washington, Angela Bassett, Albert Hall, Al Freeman Jr., Delroy Lindo,...
Distributeur : Metropolitan FilmExport
Budget : -
Genre : Biopic, Drame, Historique.
Nationalité : Americain.
Durée : 3h21min
Date de sortie : 24 février 1993
Date de ressortie : 27 novembre 2024
Synopsis :
Une évocation de la vie de Malcolm X, leader du mouvement noir américain Nation of Islam : son enfance difficile à Omaha, son séjour en prison où il apprend à cultiver la fierté de sa race, son entrée dans l'organisation d'inspiration islamiste, son mariage avec l'infirmière Betty Shabazz, son pèlerinage à la Mecque et son assassinat le 21 février 1965 au cours d'un meeting.
Critique :
Ce n'est pas une injure faite à Spike Lee, que d'affirmer que les plus belles heures de son cinéma sont derrière lui, aussi réussis que furent BlacKkKlansman et Da 5 Bloods, mais c'est justement proprement fascinant de se replonger dans la vision de ses premiers efforts, dont l'aspect furieusement engagé allié à, assez souvent, une candeur et un naturel envivrants - pas dénués de maîtrise pour autant - n'ont strictement rien perdu de leur superbe.
Si School Daze et Do the Right Thing sont toujours aussi enthousiasmant malgré le poids des années, c'est sans doute vers ses films les plus matures tels que He Got Game et Malcolm X, peut-être ses deux plus beaux chefs-d'œuvre, avec lesquels il est passionnant de renouer - d'autant plus quand l'opportunité d'une ressortie, pointe le bout de sa pellicule.
À une époque résolument dense, où le biopic n'incarnait pas encore un genre à la fois cheap et confondant de banalité (surtout dans son penchant propret et académique), Malcolm X incarnait, décemment, ce qui se faisait de mieux, épopée puissante et douloureuse (jusque dans sa production complexe entre menaces et autres soucis de budgets, racontée avec beaucoup d'ironie par Lee et Ralph Wiley dans le livre By Any Means Necessary: the Trials and Tribulations of Making Malcolm X) dépeignant la vie tumultueuse mais captivante de Malcolm Little, fils de pasteur au cœur d'une Amérique bouffée par la ségrégation, appelé à devenir l'une des figures politiques afro-américaine les plus importantes de l'histoire, dont les opinions et les actions se heurtaient frontalement à l'Amérique blanche.
Basée - malgré quelques libertés artistiques - sur l'autobiographie co-écrite par Malcolm lui-même et Alex Haley, et scindée en trois actes bien distincts évitant soigneusement tout contour hagiographique, le film dresse avec une énergie pop et provocatrice le parcours vibrant du bonhomme, de sa jeunesse difficile et criminelle à son passage par la case prison, periode transformatrice où il s'est converti à l'islam, et qui l'amènera à être un activiste/prédicateur fougueux et populaire, jusqu'à sa séparation controversée avec la Nation of Islam (il entreprendra pèlerinage à La Mecque, reniera le racisme latent derrière l’enseignement de l'organisation et semblait prêt à l'union avec les autres organisations luttant pour les droits civiques), qui culminera à son assassinat à Harlem, le 21 février 1965.
Et dès son introduction accrocheuse (un cocktail entre les images de l'affaire Rodney King, un drapeau américain prenant la forme d'un X littéralement en feu, et un discours incantatoire par Malcolm lui-même, s'adressant directement au peuple afro-américain), Lee laisse pointer la férocité incisive de ses intentions, sa volonté radicale de percuter autant un contexte social bouillant (le film sort dans le sillage des émeutes de Los Angeles, suite au passage à tabac brutal et impuni par la police, de Rodney King), que de bousculer un septième art jusqu'ici trop tendre - voire révisionniste - face à la réalité de l'histoire.
Le tout en ne donnant jamais une image idéologiquement monolithique de son sujet, nous plaquant littéralement dans son sillage comme pour mieux nous faire comprendre le cheminement de sa pensée et de ses croyances : le discours du cinéaste est plein de fureur mais jamais en colère, son film n'est pas tant un coup de poing qu'un prêche essentiel (sur la pensée de X et même sur le regard apporté sur l'islam, dix ans avant les attentats du 11 septembre), porté par la voix et la prestance d'un Denzel Washington halluciné et hallucinant.
Alors certes, on pourra, assez logiquement, lui reprocher une écriture assez fragile pour ce qui est de ses personnages féminins, le papa de Jungle Fever n'a jamais vraiment été à l'aise avec - et encore moins avec ses élans romantiques -, voire une objectivité plus que relative (quel biopic l'est réellement ?), tant il n'observe jamais totalement à la loupe l'ambiguïté comme l'ambivalence psychologique de Malcolm.
Mais cela n'enlève en rien la puissance qui se dégage d'une oeuvre dense et éclairée, essentielle... pour X raisons.
Jonathan Chevrier
Avec : Denzel Washington, Angela Bassett, Albert Hall, Al Freeman Jr., Delroy Lindo,...
Distributeur : Metropolitan FilmExport
Budget : -
Genre : Biopic, Drame, Historique.
Nationalité : Americain.
Durée : 3h21min
Date de sortie : 24 février 1993
Date de ressortie : 27 novembre 2024
Synopsis :
Une évocation de la vie de Malcolm X, leader du mouvement noir américain Nation of Islam : son enfance difficile à Omaha, son séjour en prison où il apprend à cultiver la fierté de sa race, son entrée dans l'organisation d'inspiration islamiste, son mariage avec l'infirmière Betty Shabazz, son pèlerinage à la Mecque et son assassinat le 21 février 1965 au cours d'un meeting.
Critique :
Avec #MalcolmX, un Spike Lee littéralement on fire ressuscite avec fougue la figure emblématique de Malcolm Little au cœur d'un biopic qui n'est pas tant un uppercut pop qu'un prêche éclairé, porté par un Denzel Washington habité. Une oeuvre dense et essentielle... pour X raisons pic.twitter.com/N1LDYY9Eme
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) December 1, 2024
Ce n'est pas une injure faite à Spike Lee, que d'affirmer que les plus belles heures de son cinéma sont derrière lui, aussi réussis que furent BlacKkKlansman et Da 5 Bloods, mais c'est justement proprement fascinant de se replonger dans la vision de ses premiers efforts, dont l'aspect furieusement engagé allié à, assez souvent, une candeur et un naturel envivrants - pas dénués de maîtrise pour autant - n'ont strictement rien perdu de leur superbe.
Si School Daze et Do the Right Thing sont toujours aussi enthousiasmant malgré le poids des années, c'est sans doute vers ses films les plus matures tels que He Got Game et Malcolm X, peut-être ses deux plus beaux chefs-d'œuvre, avec lesquels il est passionnant de renouer - d'autant plus quand l'opportunité d'une ressortie, pointe le bout de sa pellicule.
À une époque résolument dense, où le biopic n'incarnait pas encore un genre à la fois cheap et confondant de banalité (surtout dans son penchant propret et académique), Malcolm X incarnait, décemment, ce qui se faisait de mieux, épopée puissante et douloureuse (jusque dans sa production complexe entre menaces et autres soucis de budgets, racontée avec beaucoup d'ironie par Lee et Ralph Wiley dans le livre By Any Means Necessary: the Trials and Tribulations of Making Malcolm X) dépeignant la vie tumultueuse mais captivante de Malcolm Little, fils de pasteur au cœur d'une Amérique bouffée par la ségrégation, appelé à devenir l'une des figures politiques afro-américaine les plus importantes de l'histoire, dont les opinions et les actions se heurtaient frontalement à l'Amérique blanche.
Basée - malgré quelques libertés artistiques - sur l'autobiographie co-écrite par Malcolm lui-même et Alex Haley, et scindée en trois actes bien distincts évitant soigneusement tout contour hagiographique, le film dresse avec une énergie pop et provocatrice le parcours vibrant du bonhomme, de sa jeunesse difficile et criminelle à son passage par la case prison, periode transformatrice où il s'est converti à l'islam, et qui l'amènera à être un activiste/prédicateur fougueux et populaire, jusqu'à sa séparation controversée avec la Nation of Islam (il entreprendra pèlerinage à La Mecque, reniera le racisme latent derrière l’enseignement de l'organisation et semblait prêt à l'union avec les autres organisations luttant pour les droits civiques), qui culminera à son assassinat à Harlem, le 21 février 1965.
Allstar/Cinetext/Warner Bros |
Et dès son introduction accrocheuse (un cocktail entre les images de l'affaire Rodney King, un drapeau américain prenant la forme d'un X littéralement en feu, et un discours incantatoire par Malcolm lui-même, s'adressant directement au peuple afro-américain), Lee laisse pointer la férocité incisive de ses intentions, sa volonté radicale de percuter autant un contexte social bouillant (le film sort dans le sillage des émeutes de Los Angeles, suite au passage à tabac brutal et impuni par la police, de Rodney King), que de bousculer un septième art jusqu'ici trop tendre - voire révisionniste - face à la réalité de l'histoire.
Le tout en ne donnant jamais une image idéologiquement monolithique de son sujet, nous plaquant littéralement dans son sillage comme pour mieux nous faire comprendre le cheminement de sa pensée et de ses croyances : le discours du cinéaste est plein de fureur mais jamais en colère, son film n'est pas tant un coup de poing qu'un prêche essentiel (sur la pensée de X et même sur le regard apporté sur l'islam, dix ans avant les attentats du 11 septembre), porté par la voix et la prestance d'un Denzel Washington halluciné et hallucinant.
Alors certes, on pourra, assez logiquement, lui reprocher une écriture assez fragile pour ce qui est de ses personnages féminins, le papa de Jungle Fever n'a jamais vraiment été à l'aise avec - et encore moins avec ses élans romantiques -, voire une objectivité plus que relative (quel biopic l'est réellement ?), tant il n'observe jamais totalement à la loupe l'ambiguïté comme l'ambivalence psychologique de Malcolm.
Mais cela n'enlève en rien la puissance qui se dégage d'une oeuvre dense et éclairée, essentielle... pour X raisons.
Jonathan Chevrier