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[CRITIQUE] : Cuckoo


Réalisateur : Tilman Singer
Avec : Hunter Schafer, Dan Stevens, Marton Csokas, Jessica Henwick, Jan Bluthardt, Konrad Singer, Àstrid Bergès-Frisbey,...
Distributeur : -
Budget : -
Genre : Épouvante-horreur, Thriller.
Nationalité : Allemand.
Durée : 1h42min

Synopsis :
Gretchen s’installe avec son père dans les Alpes et est troublée par des mystères autour de sa demi-sœur muette.



Critique :



Quiconque aura eu la chance de découvrir en salles (il est, malheureusement, sorti en catimini par la case VOD dans l'hexagone), la petite bête de festivals que fut Luz (à la fois premier long-métrage et film de fin d'étude !), vrai tour de force sensoriel et esthétique visant intelligemment l'épure en prenant le parti pris d'un pitch simpliste (une fille dotée d'une perception extrasensorielle, est confrontée à un démon qui saute de corps en corps, et qui est bien décidé à ne pas la lâcher), tout en laissant s'exprimer un amour à peine masqué pour le bis rital et le giallo (le tout emballé dans le ton granuleux du 16mm), n'aura aucun mal à reconnaître la " patte " naissante du wannabe cinéaste teuton Tilman Singer, à la vision de son second effort, Cuckoo, tant tout baigne dans les mêmes eaux léchées de l'horreur à la fois furieusement conceptuelle et old school.

Le hic, c'est que si son premier effort à la durée méchamment clinique (1h10, pas un bout de gras supplémentaire), allait strictement à l'essentiel (pas besoin de trop fouiller l'écriture d'un thriller sauce possession démoniaque), ce second passage derrière la caméra, résolument plus ambitieux et moins condensé (plus de personnage, un cadre et une durée de temps plus étoffé,...), manque bien plus de consistance dans son déballage thématique et horrifique, quand bien même le bonhomme construit de manière assez inventive son univers comme son histoire, sensiblement conçues dans l'ombre du pape Argento (L'Oiseau au plumage de cristal en tête) voire même de Polanski (Répulsion).

Felix Dickinson/Neon

L'histoire, plutôt ramassée, suit celle d'une adolescente américaine désemparée et en manque d'amour, qui ne se remet absolument pas du décès brutal de sa mère.
Mais que deuil se fasse où non, elle est obligée de déménager à contrecœur avec son père Luis, sa belle-mère Beth et sa demi-sœur, de son Amérique natale à une station touristique dans les Alpes allemandes.
Un sacré bout de route, où son paternel a l'intention d'aider l'homme d'affaires local, le creapy Herr König, à construire un nouvel hôtel dans un cadre qui rappelle méchamment l'hôtel Overlook de papy Stephen King.
Tout va mal jusqu'à ce que tout empire encore plus, lorsqu'elle aura la maladresse d'accepter un job de réceptionniste dans l'un des établissements du König, dans l'espoir de se faire un peu de blé et de traverser à nouveau l'Atlantique...

Monumentale erreur donc, puisque ce choix va permettre à la péloche, qui démarre sur un terrain gentiment foutraque, de basculer un temps assez joyeusement vers l'étrange avec un enthousiasme à la fois ludique et tordu (superbe première rencontre avec la " screaming woman ", à vélo, est vraiment terrifiante et efficace), porté par un vrai travail sensoriel, avant de lentement mais sûrement étouffer son " coucou foufou " (même pas pardon) dans une sur-explication ridicule qui fait s'effondrer cet édifice bien trop délicat sur lui-même, malgré une violence, physique comme émotionnelle, grimpant crescendo - à défaut d'une tension presque totalement absent, et ce même si un sentiment de malaise persiste tout du long.

Peut-être moins symptomatique d'une horreur de festival - à forte consonance américaine, il est vrai - qui fait plus de bruit qu'elle ne marque, que Strange Darling de JT Mollner (dont l'enthousiasme contagieux de son buzz, ne méritait décemment pas une telle intensité après vision, à la différence d'un Late night with the devil qui tient bien plus la route et incite un revisionnage), Cuckoo aurait sans doute mériter d'entrer, tout comme ses personnages, plus généreusement, dans la spirale d'absurdité profonde qu'il semble regarder avec envie, sans jamais oser sauter le pas.
S'efforçant d'apparaître plus cool qu'il ne l'est réellement, errant dans le no man's land frustrant qu'il s'est lui-même construit, lui qui jongle maladroitement entre la fable onirique sauce mythe de Frankenstein, le body horror mâtiné de drame familial (sous fond d'autonomisation féminine) et le thriller sensoriel agité, le film a tout de la VHS retrouvée dans un carton dans l'arrière boutique d'un vidéo-club abandonné.

Courtesy of Neon, Berlin Film Festival

Un bal de personnages irrités et irritants où seules les prestations d'Hunter Schafer et Dan Stevens nous tiennent véritablement en haleine (d'autant qu'ils apportent parfois quelques soulagement comique salvateur), respectivement en final girl troublée et vulnérable qui ne trouve jamais la catharsis qu'elle recherche (pas même dans les messages qu'elle laisse sur le répondeur de sa mère décédée), et en propriétaire savoureusement creapy, qui semble ne demander que le feu vert du cinéaste pour laisser exploser la bête dingue qui est en lui (fallait lui laisser tout du long sa flûte, bordel !).

Cuckoo où la définition même d'un film inégal et bancal, qui recherche consciemment à ne jamais marcher droit, totalement conscient qu'il est de ses maladresses et de son envie d'imprimer des images généreusement indélébiles dans la psyché de son auditoire (cette balade à vélo nous restera longtemps en mémoire), plus que de lui offrir un vrai vertige.
Il y arrive partiellement même si, soyons honnête, on en attendait un peu (beaucoup) plus de la part de Tilman Singer...


Jonathan Chevrier