[CRITIQUE] : L'affaire Nevenka
Réalisatrice : Icíar Bollaín
Acteurs : Mireia Oriol, Urko Olazabal, Ricardo Gómez, Carlos Serrano,...
Distributeur : Epicentre Films
Budget : -
Genre : Drame, Biopic.
Nationalité : Espagnol, Italien.
Durée : 1h57min.
Synopsis :
À la fin des années 90, Nevenka Fernández, est élue à 25 ans conseillère municipale auprès du maire de Ponferrada, le charismatique et populaire Ismael Alvarez. C’est le début d’une descente aux enfers pour Nevenka, manipulée et harcelée pendant des mois par le maire. Pour s’en sortir, elle décide de dénoncer ses agissements et lui intente un procès.
Inspiré de faits réels, L'affaire Nevenka révèle le premier cas de #MeToo politique en Espagne.
Critique :
#LAffaireVenenka se fait autant une auscultation méticuleuse de l'impunité crasse d'un pouvoir patriarcal dans toute sa surpuissance abjecte et tentaculaire, que le portrait dépouillé d'une femme courage qui a réussi à s'y opposer, non sans en avoir subit sa violence extrême. pic.twitter.com/vcEmLPqxAM
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) November 8, 2024
Tout par de faits indiscutablement réels et douloureusement familiers, le récit de Nevenka Fernández, qui a sensiblement contribué à propulser les projecteurs sur les comportements violents et abusifs au cœur de la classe politique espagnole - pas un cas isolé, évidemment -, sa plainte pour viol et harcèlement sexuel (les ravages d'une relation dont la toxicité était visible et connu de tous) ayant marqué un avant et un après dans la lutte contre les VSS : elle aboutira autant à une vague imposante de violentes campagnes de diffamation et de dénigrement, mais aussi à la première condamnation judiciaire d'un homme politique, pour de tels faits de l'autre côté des Pyrénées.
Copyright Epicentre Films |
Avec pour appui le roman fouillé de Nevenka Fernández et Juan José Millás, Icíar Bollaín (le mitigé Les Repentis, qui revenait sur la délicate question du pardon et de la réconciliation entre la veuve d'un préfet espagnol, et l'auteur de l'attentat lui ayant ôté la vie, un ancien membre de l’organisation terroriste ETA), aidé de la plume de Juan José Millás, fait de L'affaire Nevenka autant une auscultation méticuleuse de l'impunité crasse de tout un milieu/système (tout un microcosme soigneusement constitué et motivé par le silence et l'oppression, permettant à un agresseur de faire son office sans être nullement inquiété, et encore moins par une quelconque notion de consentement) autant qu'un témoignage digne, deux décennies après, d'une femme courage (incarnée avec justesse par Miraia Oriol), dont la souffrance est allé bien au-delà des violences physiques et psychologiques qu'elle a subis des mains du maire qui lui servait de " patron ".
Bien au-delà des abus de pouvoir d'une personnalité toxique mais adulée, qui a convoqué un esprit de solidarité à son égard - et celui de son parti politique - proprement terrifiant, retournant même contre Nevenka des membres de sa propre famille (l'obligeant même à traverser la Manche, pour trouver du travail).
Le pouvoir rassemble tout et tous, surtout dans le mal...
Copyright Epicentre Films |
Le procès d'un pouvoir patriarcal dans toute sa sur-puissance abjecte et tentaculaire (où non, la violence ne se produit pas toujours de manière soudaine dans l’obscurité, mais souvent en toute décontraction aux yeux de tous), opéré de manière claire et limpide, qui tant à montrer la maigre évolution passé la vague #MeToo (ce qui était normalisé hier, est devenu choquant - mais pas forcément mieux jugé - aujourd'hui), mais aussi et surtout qu'il y a clairement encore un long chemin à parcourir pour parvenir à une quelconque justice; L'affaire Nevenka marque d'autant plus qu'Icíar Bollaín réussit là où elle se plantait un brin avec Les Repentis : elle laisse les faits parler d’eux-mêmes à travers une mise en scène savamment dépouillée, écarte toute figure rhétorique et putassière pouvant interférer entre la douleur frontale et palpable de Nevenka, et la compréhension de celle-ci par un auditoire qui ne peut qu'être investi face à une œuvre aussi dense, racée et nécessaire.
La séance indispensable de la semaine, avec le merveilleux The Substance de Coralie Fargeat.
Jonathan Chevrier