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[CRITIQUE] : Good One


Réalisatrice : India Donaldson
Acteurs : Lily Collias, James LeGrosDanny McCarthy, Diana Irvine,....
Distributeur : New Story
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h30min.  

Synopsis :
Sam, 17 ans, préférerait passer le week-end avec ses amis, mais elle accepte de rejoindre son père Chris, dans la région des montagnes Catskills de l’Etat de New York. Un endroit paradisiaque où Matt, l’ami de toujours de Chris, est hélas également convié.




Critique :



La société contemporaine bouffée par le modernisme et le consumérisme, n'a fait que renforcer la symbolique de l'opposition entre le cadre urbain et la campagne, qu'accentuer le processus d'association d'idées et de faits que l'on se fait d'elles : par exemple, associer la campagne au calme et au repos, là où la ville se fait plus bruyante et anxiogène.
Si l'humanité vient rarement bousculer ce discours, le septième art lui s'amuse parfois à en effilocher la vérité, parfois brutalement (le cinéma horrifique, le survival), d'autres fois plus subtilement.

Dans le même mouvement (toute propension gardée) d'un Lars Von Trier qui n'hésite pas - avec sensiblement plus de violence et d'excès, certes - à faire rimer ruralité et nature avec chaos, la wannabe cinéaste India Donaldson (oui, la fille de Roger Donaldson), à l'image d'une bonne frange de la nouvelle garde espagnole, vient gentiment triturer les racines de cette symbolique avec son premier long-métrage, Good One, à travers le week-end loin d'être tranquille d'une adolescente, Sam (formidable et naturelle Lily Collias), parti faire de la randonnée avec son paternel et le meilleur ami de celui-ci.

Copyright International Pigeon Production

Où comment ce qui était voulu comme une escapade salutaire pour échapper à la routine et aux petits soucis du quotidien, va se transformer en un enchevêtrement constant d'anxiété et de contrariétés pour la jeune femme; un voyage silencieux à travers les sentiers sinueux de l'inconfort, qui n'a rien de la toile de tranquillité dans laquelle elle était supposée être bercé.

D'un cadre profondément dépaysant dont elle ôte tout le caractère édénique et curatif, Donaldson tisse une expérience à la fois lyrique et oppressante, où l'attention se focalise moins sur l'immensité et la beauté des paysages arpentés, que la subtilité des gestes des personnages, de cette incapacité à communiquer et écouter à ces regards exaspérés qui se perdent dans des recoins sombres de douleur.
De ces silences qui s'étouffent lentement au fond de la gorge à cette insécurité de plus en plus distincte, écrasante, d'une gamine qui commence à voir son père plus comme un ennemi lâche qu'une âme compréhensive et tout en soutient, qui se fait l'unique voix de la raison face à deux figures toxiques et irresponsables qui se méprisent.

Sam sait que ce week-end était finalement moins destiné à laider à se rapprocher de son père, qu'à apaiser égoïstement la conscience de celui-ci face à la manière dont il l'a ignorée depuis le divorce d'avec sa mère, mais elle sait surtout mieux que personne que plus rien ne sera plus jamais comme avant, que ce week-end marquera au fer rouge et dans la douleur, la voie vers son émancipation.
Son père et son ami ne le comprennent peut-être pas encore, elle (et nous) si.

Copyright International Pigeon Production

Profondément intriguant dans son désintérêt à vouloir satisfaire son auditoire, préférant le catapulter sans réserve dans sa dynamique singulière plutôt qu'à lui mâcher des explications toutes faites, Good One choisit la voix la plus ardue mais, définitivement, la plus séduisante.
D'un simili-drame familial modeste sur une relation père-fille brisée, mutant en coming-of-age brillant et humble où la beauté des grands espaces contraste furieusement avec la laideur du cœur des hommes, le film vire in fine et avec une assurance folle, vers la fable percutante fustigeant la violence misogyne et ordinaire du patriarcat, où Kelly Reichardt et son Old Joy ne sont jamais loin.

On appelle ça un put*** de premier long-métrage, et le mot est faible.


Jonathan Chevrier