[CRITIQUE] : Lee Miller
Réalisatrice : Ellen Kuras
Acteurs : Kate Winslet, Andy Samberg, Alexander Skarsgård, Andrea Riseborough, Marion Cotillard,...
Distributeur : SND
Budget : -
Genre : Biopic, Drame.
Nationalité : Britannique.
Durée : 1h52min.
Synopsis :
L’incroyable vie de Lee Miller, ex-modèle pour Vogue et muse de Man Ray devenue l’une des premières femmes photographes de guerre. Partie sur le front et prête à tout pour témoigner des horreurs de la Seconde Guerre, elle a, par son courage et son refus des conventions, changé la façon de voir le monde.Critique :
#LeeMiller où une célébration racée et prenante de la vie de la célèbre photographe de guerre Lee Miller, le portrait éclairant d'une femme de conviction, libre et imprévisible dont la vie n'avait définitivement rien de sûr, incarnée avec justesse par une Kate Winslet investie. pic.twitter.com/PWUJwRY6dy
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) October 7, 2024
Dans un paysage cinématographique populaire majoritairement dominé/gangrenné par des projets simplistes (pour être poli) usant inlassablement de la même formule établie et éprouvée, le biopic estampillé moderne se sent parfois comme la proposition la plus cheap et déclinable du marché et, paradoxalement, la plus usée parce qu'elle est justement l'incarnation parfaite de la facilité, pour peu que la figure choisie ait une existence un minimum remplie (quoique).
Rares sont alors les cinéastes à essayer un tant soit peu de se démarquer de cette popote familière et redondante de l'hagiographie Wikipedia-esque, avec des histoires ambitieuses, pensées autant pour divertir que pour instruire leur auditoire.
Lee Miller, estampillé premier long-métrage de fiction d'une Ellen Kuras qui jusqu'ici ne s'était essayé qu'aux documentaires, parvient en partie à tromper les attentes en s'éloignant de ce marasme créatif dénué de tout risque, en incarnant un effort tout aussi cohérent scénaristiquement qu'il est techniquement irréprochable, quand bien même il ne s'extirpe jamais totalement des oripeaux conventionnels du genre.
Un minimum tant une figure aussi libre, fascinante, imprévisible et dont la vie n'avait définitivement rien de sûr, telle que la célèbre photographe de guerre Lee Miller, méritait tout sauf un hommage banal et sans ambition, jouant un peu trop pour son bien la carte de la sécurité, du drame d'époque standard sans la moindre valeur ajoutée.
L'ambition, c'est justement l'une des clés du parcours exceptionnel de Miller, en constante évolution, elle qui passa d'une carrière dans le mannequinat à la photographie et au métier de reporter, avant d'acquérir le statut d'égérie - légitime - du surréalisme.
Conté à rebours à coups de flashbacks, la narration s'articule autour de la propre gimmick qui la définit : une interview à un âge avancé où elle hésite un temps à se plonger dans son passé et à laisser parler la puissance et la vérité de son travail.
Chaque séquence étant alors l'opportunité de revisiter le passé comme l'on renoue avec les souvenirs par l'entremise d'un album photo, donnant une solidité cohérente à l'écriture car quand bien même Miller est toujours au coeur de l'action, ce sont les situations dans lesquelles elle est impliquée qui priment avant toute idée de narration anthropocentrique - même si le film ne semble rien à voir à dire sur toutes les âmes qui l'entourent.
Un parti pris subtil qui permet à Kuras d'autant suivre frontalement son héroïne dans cette rétrospective de sa propre existence, que de capturer sa propre vision des horreurs de l'humanité à travers un récit chronologique - qui fonctionne justement par la force de son contexte - qui pointe crescendo l'ampleur des destructions et des souffrances de la guerre, au moins autant que l'enthousiasme de Miller lorsqu'elle fait parler son talent, son sens du détail et sa regard unique allant au-delà de la simple documentation.
Mais ce qui fait la force de Lee Miller est avant tout et surtout la présence imposante de Kate Winslet (auquel répond un fantastique mais trop rare Andy Samberg), qui se moule parfaitement dans la détermination inébranlable du personnage, dans son audace et son désir d'apporter une perspective féminine essentielle, même si souvent négligée, dans un univers férocement dominé par les hommes.
Elle est le phare lumineux d'une célébration racée et intelligente, d'un portrait éclairant d'une femme de conviction qui a capturé certaines des images les plus marquantes et les plus poignantes de la pire guerre de notre histoire.
Jonathan Chevrier