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[CRITIQUE] : Juliette au printemps


Réalisatrice : Blandine Lenoir
Acteurs : Izïa Higelin, Jean-Pierre Darroussin, Noémie Lvovsky, Sophie Guillemin, Liliane Rovère, Salif Cissé,...
Distributeur : Diaphana Distribution
Budget : -
Genre : Comédie Dramatique.
Nationalité : Français.
Durée : 1h36min.

Synopsis :
Juliette, jeune illustratrice de livres pour enfants, quitte la ville pour retrouver sa famille quelques jours : son père si pudique qu’il ne peut s’exprimer qu’en blagues, sa mère artiste peintre qui croque la vie à pleines dents, sa grand-mère chérie qui perd pied, et sa sœur, mère de famille débordée par un quotidien qui la dévore. Elle croise aussi le chemin de Pollux, jeune homme poétique et attachant. Dans ce joyeux bazar, des souvenirs et des secrets vont remonter à la surface.



Critique :



Passé les fantastiques Zouzou, Aurore et Camille Colère, au féminisme exaltant et merveilleusement affirmé, il y avait quelque chose d'étonnant, voire presque de déroutant si l'on est un tant soit peu honnête, à l'idée de retrouver le cinéma si précieux de la cinéaste Blandine Lenoir (définitivement trop peu célébré, même par les cinéphiles de bon goût), au détour d'une production qui lui faisait sensiblement quitter la voie singulière qu'elle arpentait jusqu'ici, pour un territoire plus familier voire même sensiblement casse-gueule : l'adaptation d'une bande dessinée (celle autobiographique de Camille Jourdy, Juliette, les fantômes reviennent au printemps), type de productions faciles et limitées devenues une habitude irritante sein d'un septième art hexagonal, qui arrive bien trop rarement à capturer les subtilités à bulles, des nombreuses œuvres passées dans son broyeur - souvent - aveugles (même si adapter c'est trahir, il y a des limites à ne pas franchir).

Copyright Carole Bethuel

Mal nous en a pris, tant Juliette au printemps rappelle joliment Aurore autant dans son ton (entre humour, fantaisie et émotion) que dans sa structure ramifiée - de véritables instantanés de vie - et ses thématiques (la maternité, la sexualité, le désir), magnifique et bienveillant récit choral qui aligne les personnages gentiment décalés (tous ayant ses propres et douces bizarreries) comme autant de fils d'un beau canevas familial et cathartique, à la fois coloré et sincèrement attachant.

Tragi-comédie burlesque et bouleversante aussi gentiment décalée qu'elle ne sacrifie jamais sa légèreté ni ses rires sur l'autel de la profondeur (après le divorce, la ménopause et l'avortement, c'est cette fois la dépression et l'incommunicabilité qui est au cœur de sa narration), le film célèbre la solidarité comme la folie absurde du quotidien avec une empathie toujours aussi charmante, à travers les atermoiements d'une jeune illustratrice de livres pour enfants en pleine dépression (Izïa Higelin, clairement dans son plus beau rôle), engoncée dans un passé et un traumatisme qui la rongent, qui va profiter d'un petit retour en terres familiales pour guérir même si elle n'a, pendant un temps, pas réellement conscience du mal qui l'assaille.

Copyright Carole Bethuel

Portrait de femme complexe tout autant que comédie familiale dramatico-tendre qui n'a jamais peur de ses oripeaux gentiment loufoque, à la distribution aussi affûtée que la caméra de la cinéaste se fait complice, Juliette au printemps est un petit bonheur de séance douce-amère et généreuse qui ne renouvelle pas la popote du film choral bien de chez nous, mais qui se déguste clairement sans faim.


Jonathan Chevrier