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[CRITIQUE] : Love Lies Bleeding



Réalisatrice : Rose Glass
Avec : Katy O'Bryan, Kristen Stewart, Anna Baryshnikov, Dave Franco, Ed Harris, Jena Malone,
Distributeur : Metropolitan FilmExport
Budget : -
Genre : Romance, Thriller.
Nationalité : Britannique, Américain.
Durée : 1h44min

Synopsis :
Lou, gérante solitaire d'une salle de sport, tombe éperdument amoureuse de Jackie, une culturiste ambitieuse. Leur relation passionnée et explosive va les entraîner malgré elles dans une spirale de violence.



Critique :



Avec Saint Maud, Rose Glass instaurait déjà une fascination lesbienne plutôt discrete entre ses deux personnages. Elle se défait de toute subtilité dans Love lies bleeding et propose une représentation rafraichissante d’un couple homosexuel. Les relations entre deux femmes dans le cinéma grand public ont souvent été l’affaire de sous-texte à demi-mot, d'effleurements et de murmures, lorsqu’elles ne sont pas de bêtes histoires de relations charnelles unidimensionnelles pour le bon plaisir du regard masculin. Rose Glass propose un film qui ne penche ni d’un côté, ni de l’autre, en somme, une véritable histoire. Love Lies Bleeding était particulièrement attendu de la communauté LGBTQIA+, pour sa représentation sans fard et sans voile d’une amour lesbien mais aussi, car ce dernier est un vrai film de divertissement qui ne fait pas de cette relation un problème mais ne la relègue pas non plus au second plan. Une représentation positive portée par des personnalités concernées. Et c’est bien trop rare pour ne pas être noté. 

Copyright Metropolitan FilmExport

Mais derrière ce travail de représentation indispensable, que vaut Love Lies Bleeding ? Bien décidée à ne pas être cataloguée cinéaste de l'austérité, Rose Glass opère un changement de style assez radical. Love Lies Bleeding se veut pop et exubérant, quitte à envoyer balader quelques règles scénaristiques de base. S’il ne réussit pas à atteindre le niveau de méticulosité de Saint Maud, son affranchissement des conventions le rend immédiatement plus sympathique et certainement plus accessible. Cependant, la mise en scène de Rose Glass est toujours aussi minutieuse et la confirme comme réalisatrice de talent, tout genre confondu. 

Si Saint Maud était une plongée vertigineuse dans les codes du film de possession, Love Lies Bleeding reste à la surface d’une multitude de genres. Tantôt film noir cru 80s, puis délire fantastique façon série B 50s, en passant par le thriller érotique, Love Lies Bleeding se permet d’être moins bien sérieux et jongle (pas toujours) habilement avec les coupure de tonalités. Ces dernières rendent bien plus effrayantes la situation de la soeur de Lou, femme battue même si le ridicule des personnages masculins est parfois trop mal dosé. 

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On ressent dans le cinéma de Rose Glass une recherche de l’absolu. Ses personnages sont des idéalistes en quête d’un amour plus grand que soi qui touche au presque divin. Cette quête doit passer par la souffrance, qu’elle soit celle d’une martyre ou celle d’une culturiste, et l’accomplissement de soi dans un monde inhospitalier. Réussir à créer un corpus cohérent tout en jouant autant avec les genres ne rend que plus curieux de la suite de la carrière de cette jeune britannique. 

Impossible de ne pas évoquer le choix du casting. Kristen Stewart a été une évidence à tel point que cette dernière s’est même demandé qui d’autre aurait pu jouer le rôle de Lou. Kristen Stewart n’est pas vraiment ce qu’on pourrait appeler une actrice de composition et se rate souvent dès que les rôles sortent du spectre de sa persona. Cependant, dès qu’elle rencontre un rôle à sa mesure, elle brille et sa sensibilité suinte à l’écran. Le choix de Jackie a été bien plus complexe. Culturisme et féminité traditionnelle ne font pas bon ménage. Et il est assez évident que la belle famille du cinéma n’aime pas trop s’éloigner des représentations classiques. Katy O'Brian a été une perle trouvée sur le tard. Ayant déjà un pied dans le culturisme et l’autre dans des séries à succès telles que The Mandalorian ou Marvel : Les Agents du S.H.I.E.L.D., et surtout un charisme irradiant, elle fut un choix idéal. 

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Love Lies Bleeding réussit le difficile exercice du second film. Rose Glass se pose en tant que réalisatrice de talent, en proposant une nouvelle variation autour de thèmes qui lui sont propre sans pour autant se singer. Love Lies Bleeding en plus d’être un excellent film, au genre hybride et à l’énergie communicative, est avant-même sa sortie, le symbole d’un cinéma plus ouvert, aux représentations plus inclusives qui rend aux concernés le pouvoir sur leurs propres histoires et ressentis.
Un film, en ce sens, indispensable.


Éléonore Tain


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Au sein d'une proposition américaine, télévisée comme cinématographique, sensiblement ancrée dans une nostalgie pas toujours affûtée, mais aussi et surtout une capitalisation/exploitation extrême et au-delà du digeste, de l'aura des années 80, rares sont les cinéastes à se délester des productions conçues presque sous-IA, pour voguer vers une démythification à la fois de cette époque charnière, mais aussi de tout un pan de ce cinéma ayant fermement imprégné la pop-culture.

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Passé un fantastique moment d'épouvante sauce possession, Saint-Maud, Rose Glass passe la seconde en suivant scrupuleusement cette voie, à l'instar du récent Iron Claw de Sean Durkin, avec son second long-métrage, Love Lies Bleeding, où elle plonge dans les entrailles des années Reagan à travers un récit savoureusement corrosif, pointant du bout de sa caméra toutes les tares savamment cachées sous le tapis mélancolique de la nostalgie : les derives du culte du corps et du triomphalisme artificiel, l'acceptation de la violence de genre et même de la violence tout court (ou la possession et le fétichisme des armes, devient presque une forme de lien social), la haine - pas uniquement physique - de la communauté LGBTQIA+, la corruption policière exacerbée, la présence accrue de la drogue, la précarité et la lutte des classes, le patriarcat étouffant et sa soumission imposée,...

Tout un programme donc, un poil indigeste sous certains aspects (surtout tonales), mais pas dénué d'ambition ni d'adresse, puisque Rose Glass tisse ce canevas de l'envers du décor du tableau Reaganien au sein du genre le plus à même d'incarner le tissu conjonctif parfait pour incarner le miroir puissant de cette mise en images rétroactive et inconfortable de la réalité : le film noir (flanqué, de manière assez rare, dans un cadre purement westernien), avec ses codes familiers comme ses figures savamment stéréotypées (là où, nuance, l'écriture elle sait toujours bien se tenir à l'écart de tout stéréotype), sa patine rétro presque irréelle comme son sarcasme subtil et accrocheur.

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Polar noir sous fond de romance homosexuelle et obsessionnelle à la lisière du thriller érotique (avec un doigt de body horror), où le désir - altruiste et sauvage - comme la sexualité, plus encore que l'amour, se fond les seuls saluts d'une société malade et aux rapports violents, le film n'hésite jamais à jeter réalisme dans la gueule de l'étrange et du fantastique, dans une sorte de délire poétique profondément audacieux, tant l'important n'étant pas tant ce que le spectateur doit voir mais bien ce que les personnages ont besoin de voir, pour lutter contre les vicissitudes d'un monde cauchemardesque.
Une fusion, une transmutation des imaginaires qui rappelle le cinéma bis éclectique des 50s, tout comme les figures même qui habitent le cadre, ses fantômes en quête de rédemption, qui n'ont de choix que d'aimer ou mourir tout en étant continuellement vulnérable face à la brutalité de la nature humaine - la leur comme celles de ceux auxquels ils se confrontent.

Car tout est une question de corps, de ceux que l'on accepte, que l'on combat, que l'on transforme, que l'on violente, que l'on désir voire que l'on dégoûte.
Dans Love Lies Bleeding comme dans l'Amérique rurale et profondément conservatrice des 80s (d'aujourd'hui ?), où les femmes doivent payer au prix fort leur liberté, leur corps est un marqueur de leur altérité face à l'homme, condamné à la marginalité, à la monstruosité s'il n'est pas sous contrôle (le mariage, la maternité).
Et c'est lorsqu'il se rebelle, par la violence (gore et psychédélique) où la force de l'artificiel (l'imaginaire où les stéroïdes, qui dilate, explose les muscles jusqu'à la démesure), qu'il trouve une solution pour se libérer du drame de la/leur vie.

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Trip musclé et saillant, tout de stéroïdes, de sang et de poussières, tourné comme un polar noir et pulp à la fois sale et désolé sur deux femmes (superbe tandem Katy O'Bryan/Kristen Stewart) tellement consumées par leur colère, qu'elles trouvent dans leur union la force d'agir pour se venger face aux ignominies de l'homme; Love Lies Bleeding, qui a le bon ton de s'opposer à toute idée binaire - et rétrograde - que les personnages féminins se doivent d'être moralement convenables dans un monde au masculin qui dégouline de toxicité (Lou comme Daisy, ne sont pas des anges et c'est justement ce qui en fait des femmes fortes et libres), est clairement de ses œuvres passionnées et passionnantes qui, même dans leurs - petites - imperfections, marquent longtemps après vision.


Jonathan Chevrier
 

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