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[IN TEDDY'S HEIGHTS] : #8. Terence Davies, poète mélancolique du passé

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#8. Terence Davies, poète mélancolique du passé


1972. Une cour d'école, un garçon, trois camarades plus grands. Ils se moquent de lui, et le frappent. Puis le titre Children apparaît. Les premières minutes du premier film de Terence Davies sont saisissantes. Elles évoquent déjà des souvenirs douloureux du cinéaste, ici de sa jeunesse. C'est même ce qui fait la particularité de son cinéma, car le cinéaste a choisi de toujours se tourner vers le passé. Et dans plusieurs de ses films, il s'agit de son propre passé, telles des autobiographies en différentes versions ou époques. A travers le temps qu'il remonte, Terence Davies cherche à lui donner une empreinte durable, une pérennité. Mais c'est aussi, et surtout, une manière de dialoguer avec les traumatismes de sa vie. L'art comme thérapie prend tout son sens sous sa direction. En mettant en scène ses expériences et ses souvenirs, le cinéaste cherche à la fois une sérénité et une paix.

Parce qu'en grand émotif et hypersensible qu'il était (de ses propres mots), il avait de nombreux regrets. Pas ceux qui font culpabiliser de ne pas avoir réalisé telle ou telle chose, mais ceux d'avoir dû subir une vie de laquelle il n'avait pu s'échapper. Comme il le disait lui-même en parlant de ses films, il était déprimé par le culte de l'apparence et de la gloire : il ne se trouvait pas beau ni séduisant, et il pensait ne pas avoir vraiment de talent. Ainsi, raconter le passé le rassurait et le confortait, parce que c'est ce qu'il connaissait et comprenait le mieux. Mais il ne faut pas se laisser tromper, Terence Davies ne s'est pas enfermé dans l'autobiographie. Malgré le documentaire (de commande) sur Liverpool en 2008, il s'éloigne des récits sur sa vie dès 1995. Il s'orienta vers des adaptations littéraires, dans l'une des plus grandes traditions du cinéma britannique. Cela dit, il y continue d'explorer le passé, en passant de l'histoire personnelle à la culture collective.


1. Le temps


Le passé et les souvenirs est l'un des thèmes récurrents des œuvres de Terence Davies. Jusqu'à mettre en scène sa jeunesse et son adolescence, dans ses premiers films. Même s'il n'a jamais raconté sa vie d'adulte, c'est parce qu'il s'est intéressé à ses périodes d'apprentissages (du monde, de l'amour, etc). Celles au sein de la sphère familiale et au cœur des questions d'éducation. Explorer ce passé et ces souvenirs lui permet d'étudier des personnages qui ont le sentiment d'être étrangers à eux-mêmes, d'être même étrangers au monde qui les entoure. Cette période où un certain raffinement de l'Angleterre des années 1950 est contrebalancée par des souffrances et de la violence. Revisiter le passé, à chaque film, était une manière pour Terence Davies d'à la fois contrôler ses traumatismes et de se réconforter avec une période culturelle qui l'a fait vibré. Comme s'il était temps de faire le point sur sa vie, en évitant les écueils de la reconstitution, mais dans le désir de la rapporter à autrui.

Distant voices, still lives - Copyright Bac Films

Dans sa trilogie de moyen-métrages, composée de Children (1976), Madonna and child (1980) et Death and transfiguration (1983), Terence Davies explore des traumatismes passés et des peurs futures. Il y a la violence subit en tant qu'enfant à l'école dans le premier, il y a la dépression avec un travail ennuyeux et le désespoir de pouvoir vivre son homosexualité dans le second, et il y a le bilan d'une vie au moment de mourir seul dans un hôpital dans le troisième. Dans tous ces souvenirs et angoisses qui s'entrelacent, le cinéaste se confie, et trouve dans le partage de ces images une rupture avec sa solitude. Fracturer le temps pour casser des peurs. Il n'est donc pas étonnant que les souvenirs soient mis en scène dans un éclatement du récit. Celui qui renvoie au chaos des traumatismes, mais surtout à la nature fragmentée de la mémoire. Les souvenirs chez Terence Davies sont des images éparses, ces flashs qui restent du passé. Pas nécessairement des instants vécus mais plutôt les traits qui en reste, rapportés à travers divers échanges et points de vus. Ce ne sont pas des formes palpables, mais bien quelque chose appartenant au lointain qu'il faut s'approprier (voire se réapproprier).

Il n'y a jamais une volonté de linéarité claire dans le récit, mais un désir de connecter les souvenirs par une même émotion, un même sentiment. Les images se connectent entre elles, plutôt que les idées. Chaque scène n'est pas nécessairement la suite logique de la précédente, car le montage fait écho à la fluctuation de la mémoire, un mélange des souvenirs qui vont et viennent à leur gré. Dans Distant voices, still lives (1988), les joies et la violence, comme l'humour et le chagrin, se mêlent. Le film est construit sur des associations d'émotions et de sensations, car les sentiments se confondent et s'alternent. Tout comme le père peut être violent et colérique, il peut se montrer parfois vulnérable et bienveillant. Comme la mémoire est fragmentée et les souvenirs sont mélangés, les émotions sont ambivalentes et confuses. Le montage est alors construit telle une mélodie lyrique, avec les personnages chantant la plupart du temps, pour communier avec des humeurs qui changent en permanence. Une intériorité qui n'existe pas seulement dans la chronologie dispersée du montage, mais aussi dans ce paysage où Liverpool n'est pas reconnaissable physiquement / matériellement. L'objectif est de transcender un soi intérieur, de faire sortir chaque souvenir d'un rôle de médiation dramaturgique conventionnel.

Distant voices, still lives - Copyright Bac Films

Les moments – qui n'ont ni de début ni de fin – prennent aussi bien la forme d'une image en mouvement que d'une photographie fixe. Tout comme les ellipses et les flashbacks se mélangent, ou que les temporalités se croisent constamment. Autant qu'elle est fragmentée, la mémoire est également plurielle. Parce que ce qui compte le plus pour Terence Davies, c'est l'affect et toutes ses variations individuelles – au sein d'une intimité, d'une vie familiale, d'une communauté. Le temps serait alors une affaire d'enchevêtrements, d'images et de paroles qui se bousculent. Dans Une longue journée qui s'achève (1992), les souvenirs se mêlent souvent à des illusions, des visions. L'image ravive la mémoire du cinéaste, pendant que le peu de lumière dans le film met en valeur des sentiments qui sont faits pour disparaître quelques secondes ou minutes après. Les personnages traversent des moments qui ne dureront pas, et semblent en avoir déjà conscience. Autant que chaque parole semble aussi précieuse que les musiques, la lumière met l'accent sur ce brin d'enchantement qui finit par se dissiper. Alors que les sons ne vieillissent pas, tout ce qui concerne l'image et les objets physiques (donc ce attire les regards des personnages) sont voués à se désintégrer. Il s'agit alors de chérir chaque moment avant qu'il ne disparaisse et ne soit plus qu'un souvenir. Terence Davies trouve le réconfort dans les rituels du quotidien, dans la délicatesse radicale de la chronique. Le titre est même très évocateur : c'est la fin d'une temporalité, là où le bonheur ne dure pas et les tourments solitaires germent de plus en plus.


2. L'espace


En plus de s'ancrer dans le passé, les films de Terence Davies apportent aussi une attention particulière aux paysages dans lesquels ils s'inscrivent. Le lointain n'est pas uniquement une question de temps, il est aussi dans ces espaces qui n'existent plus. Là où les souvenirs sont explorés et remontés comme dans un travail d'archéologue (pierre par pierre, ossement par ossement, etc), les espaces sont des traces qu'il faut dépoussiérer et dont les traits reviennent par abstraction. C'est à dire qu'ils ne peuvent plus être habités de manière organique. Comme s'ils étaient égarés dans le temps, et les personnages avec eux. Tout commence pourtant avec les lieux que le cinéaste a connu, en quelque sorte. En débutant sa carrière par l'autobiographie, le décor de ses films est évidemment Liverpool. Il s'y trouve un univers rempli d'amertume, tant cette enfance et cette adolescence sont marquées par la pauvreté. Au-delà de la mémoire intime et familiale, c'est une mémoire collective des classes ouvrières qu'a exploré Terence Davies. Ses films sont remplis de détails sur le quotidien d'un foyer et la pénibilité liée au travail. Ils sont aussi un témoignage des humeurs de ces êtres modestes, qui se rassemblent dans les pubs ou dans des lieux culturels.

Of time and the city - Copyright Jour2fête

Dans son documentaire Of time and the city (2008), le cinéaste revient sur la vie sociale et intime des années 1950-60 à Liverpool, qu'il met en miroir avec le début du XXIe siècle. Il montre la ferveur et la routine qui composaient cette époque, en contrebalançant avec des actualités nationales durant cinquante ans. Il cite même le roman Ulysses de James Joyce avec "as you are now, we once were" (comme vous êtes maintenant, nous étions autrefois). Le film est fait sur la base d'une opposition entre le passé et le présent, entre la joie des souvenirs et la tristesse de quelque chose qui a disparu. Se mélangent alors des images en mouvements et des photographies fixes, des images d'archives et d'autres actuelles, la couleur et le noir & blanc. Le tout dans une chronologie non linéaire, pour créer un dialogue constant. Celle du montage, mais aussi celle de Terence Davies envers les deux époques (passé et présent) par le biais de sa voix-off. Pleine de sensibilité et de convictions, elle illustre les caractéristiques d'une société avec ses règles, ses contraintes, ses impasses, ses désillusions – mais aussi un profond respect pour toutes les images qui défilent. Les espaces ne sont donc jamais un simple contexte ou décor, ils sont des moments charnières à part entières, où des êtres se révèlent et se distinguent. La mémoire se matérialise alors par l'importance de chaque lieu pour les personnages. Ils les construisent et définit leur rapport au monde. Alors que le temps et la parole sont destinés à s'estomper, comme un plan est destiné à se terminer au montage pour en faire apparaître un autre, les espaces sont ce qui incarne le mieux une appartenance à une génération.

En cela, Terence Davies cherche à garder tous ces lieux dans le lointain. Ils sont des fantômes autant que les êtres qui les traversent. Au-delà des photographies utilisées ici et là, le cinéaste aimait mettre en scène les corps frontalement à de nombreuses reprises (comme des poses devant un appareil photo), créer une dualité présence / absence de corps à l'image (entendre des voix, des chants ou des bruitages, mais ne pas voir les corps les émettant), désaturer les couleurs. Comme si les traits ne pouvaient pas toujours être précis, comme si les espaces étaient déjà expirés au moment où ils sont présentés à l'image. Et ce même loin de Liverpool, quand le cinéaste a commencé à adapter des romans. Dans Sunset song (2015), les promesses d'une liberté, d'une indépendance, de l'amour après la disparition de son père, sont vite rattrapés par la guerre pour Chris. Derrière la voix-off à la troisième personne faisant le deuil des désirs tout en étant une rétrospection propre à Terence Davies, se cache un isolement qui prend de plus en plus de place. Les aspirations des personnages se perdent dans l'immensité de ce paysage rural. Si cet espace écossais semble expiré, c'est parce que tout ce qui gravite autour (la guerre, la disparition d'êtres chers, la société qui évolue loin des campagnes) semble l'avoir abandonné. Alors que gérer cette ferme et vivre dans ce paysage est un accomplissement, le temps qui passe finit par survivre à cette terre. Terence Davies met en scène une association spirituelle et de chair avec la terre, autant dans le passage des saisons que dans le travail manuel quotidien à effectuer, qui semble fonctionner uniquement en vase clos. Rien ne peut sortir de ces paysages ruraux, ils sont un lointain qui a toujours été labouré et cultivé, qui le sera éternellement avec de multiples recommencements.

Sunset song - Copyright Sunset Song Ltd Iris ProductionsThe British Film Institute 2015

L’œuvre de Terence Davies se fait écho des transformations sociales et paysagesques, dans lesquels les êtres passent avec leurs traditions, leurs joies et leurs peines. Pour cela, la dramaturgie n'est jamais très dense ou étirée, il n'y a pas de recherche de construction par étapes. Les structures narratives sont resserrées (par les images éparses, par la non linéarité chronologique des souvenirs, par la nature instantanée des scènes) pour mettre en avant la puissance d'une émotion sur le vif, ainsi qu'une tension permanente. Celles qui font état d'une forme et d'une sensibilité à un moment donné, qui disparaissent et ont laissé la place à d'autres dans le moment suivant. Des moments caractérisés par des sauts dans le temps, des images fixes, des lents travellings horizontaux ou des fondus au noir.


3. Les rêves et les déchirements


Terence Davies part donc du principe que l'existence est faite de multiples flottements ambiguës, que c'est dans la confusion et l'abstraction que les transformations se manifestent. Celles où l'atmosphère est un mélange d'amour et de souffrance, de rêves et de déchirements de l'âme. Dans Chez les heureux du monde (2000), il y a un grand trouble derrière le raffinement, provoqué par une dualité. La protagoniste Lily fait partie de la haute bourgeoisie, venant d'une bonne famille, mais dont les parents sont décédés. La haute société attend qu'elle se marie à un bon parti, issu de son rang social. Sauf que Lily est amoureuse d'un avocat ne faisant pas partie de la bourgeoisie. Ce mélodrame de la romance impossible va de paire avec les apparences chics mais toxiques de la haute société. Derrière ces couleurs et lumières flamboyantes, se cache une cruauté qui n'attend qu'à dévorer l'innocence de Lily. Ainsi, le film est constitué des errements de la protagoniste, entre ses désirs d'amour personnels et ses apparitions dans les événements mondains.

Chez les heureux du monde - Photograph from Alamy

L’œuvre de Terence Davies tient à ce que les sentiments et les souffrances rapportent eux-mêmes, d'une ambiance et d'un environnement tourmentés. Alors que la tragédie circule partout dans les images et dans les temporalités, une superposition se dessine. La mélancolie côtoie le lyrisme, la gravité côtoie la poésie, et l'apaisement se fond dans le mélodrame comme une reconfiguration possible. Il n'y jamais de colère ou de violence, mais plutôt de la pudeur et de la douceur. Il n'est donc pas étonnant que la musique soit autant présente dans les films du cinéaste, par dessus les réminiscences lointaines. La musique classique est omniprésente, pour considérer les films telles des partitions musicales. On y retrouve même l'idée de fragmentation de la mémoire, du montage comme les flashs d'images éparses. Malgré les structures narratives resserrées et l'épuration au maximum d'une chronologie dramaturgique, le rythme est important. Terence Davies aime les plans longs, qu'ils soient en mouvements ou pas. Parce qu'en même temps, il pouvait y placer plusieurs notes d'une même musique. Là où l'oralité est une affaire de récit et de points de vue dans les déchirements de l'âme, la musique est l'affaire de sentiments et de sensations en rapport avec les désirs et les rêves.

Dans La bible de Néon (1995), qui se situe dans le sud des États-Unis dans les années 1940, Terence Davies applique à nouveau la narration éclatée de Distant voices, still lives et de Une longue journée qui s'achève. Comme avec ces deux films, il y intègre également beaucoup de musiques. C'est l'histoire du jeune David adolescent, assis dans un train, repensant à son adolescence. Tout le film est donc un flashback, morcelé par divers moments de la jeune vie du protagoniste, accompagné de sa mère très résiliente vis-à-vis de leur pauvreté. Dans un environnement difficile, David trouve du réconfort dans la spiritualité. Parce qu'il y a un choc entre les valeurs religieuses traditionnelles et le monde qui change autour des personnages. Les croyances influencent les comportements des êtres, portés par le lyrisme et la musique, tandis que l'évolution économique de la société la rend de plus en plus inaccessible. Alors les personnages, en quête d'affirmation d'une identité, se reposent sur la spiritualité. D'où le bon nombre de scènes musicales et chantées, illustrant subtilement les luttes intérieures et la confusion d'une place à trouver dans ce monde changeant. La musique relie les êtres à leur besoin d'onirisme et d'affection, tout en rappelant le vernis superficiel d'une ferveur qui les éloigne des transformations de la société.

The deep blue sea - Copyright Diaphana Distribution


Un cinéma à l'image de cette époque où les gens chantaient pour couvrir le bruit des bombardements, pendant la seconde guerre mondiale. Dans l'intimité existe tout de même cette communion avec un environnement. Il y a toujours des tas de personnages, de visages, d'âmes qui gravitent autour. Parce que même si Terence Davies a exploré le passé (différentes époques) par le biais de l'adaptation (de sa vie, de romans, de biographies), il a toujours fait preuve d'une ouverture sur le monde. Malgré tout ce qui piège ses personnages, dans une condition sociale ou dans un espace ayant peu à offrir, le cinéaste était comme eux : il rêvait d'un monde auquel il n'a jamais eu accès. Que ce soit à travers un monde ouvrier, ou les costumes d'un statut social relevant davantage d'une apparence trompeuse, le seul refuge est celui constitué des rêves et des souvenirs. Ceux qui se trouvent à l'intérieur des images, mais aussi ceux qui n'apparaissent pas dedans. Au-delà des portes, des fenêtres, des murs, il y a un autre monde qui pourrait se dessiner, mais qui ne prend jamais forme. Le lointain est autant le passé exploré que ce territoire poétique impalpable et insaisissable (la musique, les lents travellings, etc).

Dans The deep blue sea (2011), un mélodrame est confronté à l'horreur de la guerre, une romance est rattrapée par le chaos d'un air épais et brumeux. Vers les années 1950, Londres est toujours partiellement constitué de ruines, des dégâts causés par la guerre. Terence Davies a grandi dans les années de pénuries et de misère d'après guerre, et ça se ressent dans ce film. Dans les couleurs ternes décaties, se jouent deux versions de Londres. Celle des souvenirs traumatisants de la guerre (dont une fabuleuse scène où des gens, des familles, s'abritent dans le métro durant les raid aériens qui bombardent la fille). Puis celle des soirées dans les bars, comme des bulles où les personnages peuvent s'extraire de leur vie maussade. Pourtant, au sein ces deux visions de Londres qui tracent une continuité infiniment triste, se trouvent des scènes d'amour où le temps semble se suspendre. Parce que dans une atmosphère crépusculaire et dans les contraintes sociales qui écrasent les personnages, il y a cette chronique délicate des derniers instants d'une romance. C'est alors que la multiplication des flashbacks sème la confusion, piégeant les êtres dans des espaces mentaux. Reléguant la réalité historique (des transformations sociales) dans le hors champ, comme un spectre invisible qui projette son ombre macabre sur la vulnérabilité émotionnelle des personnages.


Epilogue


Que reste t-il donc de l’œuvre de Terence Davies, dans cet irrésistible élan de nostalgie pour le passé ? Surement cette volonté de trouver une poésie dans la souffrance, ce sentiment que quelque chose de précieux se dissipe et a besoin d'être rapporté. Comme le sont les récits de souvenirs, ou les biographies, ou même les films d'époque qui ravivent une mémoire collective, il s'agit de retracer les courbes d'une vie qui s'enfuit. C'est même l'approche adoptée dans Emily Dickinson (2016), sorte de film-vie où le raffinement se fane, qui accompagne sa protagoniste à la fois dans ses désirs mais aussi dans ses désillusions, jusqu'à porter à l'image sa lente agonie dans sa condition sociale. Malgré les détails des décors qui ornent de manière charnelle les images, le monde semble se retirer progressivement pour laisser place au crépuscule. Si les œuvres de Terence Davies nous apprennent une chose, c'est qu'il n'y a pas de paradis perdu ou d'idéal dans le passé. Les souvenirs et les rêves sont autant révélateurs d'une part morte et d'une part vivante de soi. Les joies et les peines sont autant constitutifs d'une mémoire, qu'elle soit intime ou collective.


Teddy Devisme


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