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[CRITIQUE] : Walk Up


Réalisateur : Hong Sang-soo
Avec : Kwon Haehyo, Lee Hyeyoung, Song Sunmi, Cho Yunhee, Park Miso, Shin Seokho,…
Distributeur : Capricci Films
Budget : -
Genre : Drame
Nationalité : Sud-coréen.
Durée : 1h33min

Synopsis :
Byungsoo, un réalisateur célèbre, accompagne sa fille chez une amie de longue date, propriétaire d'un immeuble à Gangnam. La visite des lieux entraîne pour Byungsoo un voyage hors du temps où se dessinent, à chaque étage, ses amours passés et à venir. Fin portraitiste, Hong Sangsoo transforme le quotidien d'un immeuble en puzzle des relations humaines. Un terrain de jeu qui explore les désirs, les regrets, les rêves, et bien sûr, le cinéma.


Critique :


Il n’est pas rare de voir les personnages de Hong Sang-
soo déambuler dans un parc ou une ville, un moment propice pour des rencontres. Dans Walk Up, nouveau long métrage d’un des réalisateurs les plus prolifiques du moment, les rencontres se concentrent sur un seul et même immeuble. La caméra va investir chaque étage. Comme un revêtement de rêve, les histoires s’imbriquent, se superposent mais sont belles et bien distinctes l’une de l’autre et forment une sorte de déambulation immobile.

Copyright Capricci Films

Les détracteurs de Hong Sang-soo aiment dire qu’il fait les mêmes films. Il y a un peu de vrai dans cette affirmation. À chaque film, nous retrouvons son épure, l’alcool, les discussions interminables. Nous retrouvons aussi ses acteurs et actrices fétiches. Ici, Kwon Haehyo interprète une sorte de variation du même personnage, tantôt réalisateur, tantôt peintre mais avec toujours la même pointe de mélancolie. Lee Hyeyoung, sa romancière dans La Romancière, le film et le heureux hasard, nous offre de nouveau son regard de braise et ses petites piques bien senties. Dans Walk Up, elle campe le rôle de Ms Kim, celle qui régit l’espace de l’immeuble. Elle peut rentrer partout, demander des comptes à tous et toutes. Elle aime savoir qu’elle a le contrôle, c’est en tout cas comme ceci que Jules (Shin Seokho), l’employé de Ms Kim, la présente à Jeongsu (Park Miso), une apprentie décoratrice d’intérieur qui rêve de travailler avec elle.

Le film nous donne vite l’impression que l’extérieur est un espace vide où l’on disparaît. Byungsoo laisse sa fille dans l’immeuble le temps d’un rendez-vous et n’y revient qu’à la fin, comme avalé par le monde extérieur. Un autre Byungsoo apparaît entre-temps, des semaines, des mois après. Plus l’acteur s’élève d’étage en étage, plus ses différents personnages semblent en proie à la dépression et à des réflexions existentielles. La maladie pointe aussi le bout de son nez, immobilisant de plus en plus le corps. Allongé dans un lit, le corps de Kwon Haehyo se détache presque du matériel pour atteindre une solitude spirituelle. Comme si monter, to walk up, était synonyme de questionnement intime. Une pensée vertigineuse mais Hong Sang-soo s’extrait de cette douleur par l’humour et l’alcool.

Copyright Capricci Films

Ce dernier a toujours une place de choix dans les films du cinéaste coréen. Un compagnon qui délie les langues et qui déchire la timidité pour sonder le Moi profond des personnages. Après quelques verres, ils ne peuvent plus se cacher derrière la vitrine des règles sociales. Ainsi, un personnage peut dire sans sourciller qu’elle boit en regardant les films de l’autre, que ses films ne l’irritent pas et qu’elle les aime pour cela en particulier. Ces séquences de discussions - séquence phare dans l’univers de Hong Sang-soo - ne sont pas aussi longues que d’habitude, comme si l’alcool, cette fois, n’arrivait pas à étouffer leurs angoisses. Passant d’un récit à un autre, d’une manière si fluide qu’elle nous perd un peu, Walk Up a le goût des peurs intimes. Le film questionne la place de l’art dans nos vies (peut-il vraiment élever notre âme ?), de même qu’il questionne le sentiment de solitude (est-il vrai ou juste un symptôme de dépression ?) dans une mise en scène si harmonieuse, si fluide, qu’on aimerait qu’il ne se termine jamais.

Avec l’aide de personnages qui contrôlent leur vie comme ils le peuvent, Walk Up interroge les peurs et les doutes, les illusions qui nous bercent et la solitude qui nous ronge. Hong Sang-soo transforme un espace restreint en sas de questionnement, les escaliers étant présents pour contrer une chute trop brutale vers le monde extérieur, là où nos peurs prennent vie.


Laura Enjolvy