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[CRITIQUE] : The Wall


Réalisateur : Philippe Van Leeuw
Acteurs : Vicky Krieps, Mike WilsonHaydn Winston,...
Distributeur : Bodega Films
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Belge, Luxembourgeois, Danois, Américain.
Durée : 1h36min.

Synopsis :
Jessica Comley est border patrol. Le secteur de Comley, c'est une portion de la frontière entre le Mexique et l'Arizona, un désert que les migrants traversent malgré le danger, et qu'elle est fière de défendre malgré tout.


Critique :


La question de la frontière entre le Mexique et les États-Unis avait déjà été au centre de divers films à travers les années, et ce avant que Donald Trump n’arrive au pouvoir en abordant frontalement ses inquiétudes que nous pouvons qualifier de racistes. On pouvait donc alors s’interroger sur ce que Philippe Van Leeuw, réalisateur multirécompensé pour Une famille syrienne, allait aborder de différent avec son dernier long-métrage. Nous en avions même parlé avec les deux acteurs principaux de The Wall, Vicky Krieps et Mike Wilson, lors de la dernière édition du BRIFF de ce regard européen :

C’est clairement par ce biais que le film diffère des autres sur le sujet et trouve son intérêt parce que quelqu’un a osé aborder cela avec un angle européen. La possibilité d’échec était élevée car on aurait pu se demander pourquoi avoir fait cela. Ce que le film fait, c’est de mettre en lumière ce sujet et c’est peut-être pour le mieux que la source soit neutre. - Vicky Krieps

J’étais hésitant à participer à ce film. Je l’ai dit à Philippe il y a trois ans. Mon hésitation venait du fait que ce film était abordé par un homme blanc du nord de l’Europe. Ma perception était que, plus on vient du nord, plus on est raciste. Donc pourquoi j’accepterais qu’un homme venant du nord de l’Europe débarque sur mes terres pour raconter mon histoire ? J’ai donc demandé à Philippe de me convaincre en m’expliquant ce qu’il allait faire de différent, ce qu’il allait raconter de différent et comment le public verrait cela différemment. Quand j’ai lu le scénario, j’ai dit à Philippe que je ne parlais pas comme ça. Une part de mon respect devait venir de sa quête d’authenticité. J’ai dit que si je m’engageais sur son film, j’allais critiquer son travail pour avoir cette authenticité sinon je n’y participais pas. - Mike Wilson

© O'Brother

Il est alors intéressant de constater que ces réponses cristallisent bien l’intérêt du long-métrage par l’éloignement imposé de son regard. Basculant pleinement dans les yeux froids de ce bourreau qu’est Jessica Comley (jouée avec un équilibre fort par Vicky Krieps), The Wall s’oblige à conserver un point de vue quasi documentaire tout en dessinant dans sa mise en scène une opposition humaine entre ses deux protagonistes. La balance fonctionne, notamment grâce au calme naturel de Mike Wilson dans son premier rôle de fiction. Il véhicule ainsi la colère intériorisée d’amérindiens cherchant à éviter de devenir les énièmes témoins d’une violence territoriale pleinement inscrite dans l’histoire américaine.

Le film questionne alors ses nuances d’humanité, notamment en se concentrant beaucoup sur Jessica Comley. Sa distanciation apparente dans le regard permet alors de mieux y faire vivre un bouillonnement de frustration, celle d’une femme subissant les violences sexistes d’un milieu raciste auquel elle participe pleinement. Pourtant, Philippe Van Leeuw n’hésite pas à chercher l’humain derrière, presque pour comprendre la violence internalisée aussi bien dans son cœur que dans le fonctionnement de la frontière. La bascule dans la mise en scène permet alors de mieux ausculter la situation avec une brutalité interne, celle d’une sécheresse où les émotions ne peuvent finalement pas subsister dans ce sentiment de peur permanent.

© O'Brother

The Wall trouve alors dans cet éloignement européen une mise à l’écart judicieuse dans le questionnement, tout en essayant de ne pas tomber dans une certaine froideur d’apparence. Philippe Van Leeuw cherche alors à conserver ce regard fort sur une thématique compliquée d’un point de vue humain. C’est justement alors en se confrontant aux failles de ce système et à l’internalisation d’un racisme territorial que le film trouve son intérêt thématique ainsi que sa pertinence dans sa quête d’émotion et de faillibilité assumée.


Liam Debruel