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[CRITIQUE] : Fermer les yeux


Réalisateur : Victor Erice
Acteurs : Manolo SoloJosé CoronadoAna Torrent,...
Distributeur : Haut et Court
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Espagnol, Argentin.
Durée : 2h49min

Synopsis :
Julio Arenas, un acteur célèbre, disparaît pendant le tournage d'un film. Son corps n’est jamais retrouvé, et la police conclut à un accident. Vingt-deux ans plus tard, une émission de télévision consacre une soirée à cette affaire mystérieuse, et sollicite le témoignage du meilleur ami de Julio et réalisateur du film, Miguel Garay. En se rendant à Madrid, Miguel va replonger dans son passé…



Critique :

Force est d'avouer que même si les nœuds tortueux et le discours des personnages tentent de nous faire croire le contraire, Víctor Erice n'a de cesse de nous convaincre, face caméra, que les miracles existent bel et bien, et encore plus au coeur du septième art.
Dans un sens, Fermer les yeux est déjà un petit miracle en soi, lui qui incarne le premier long-métrage de son cinéaste après trois décennies (plus où moins) loin du cinéma, quatrième effort sur près de cinquante ans - difficile de faire moins prolifique.

Rien d'étonnant alors dans l'idée de voir le cinéaste se confronter à sa propre mémoire et à ses propres fantômes, quand lui-même en incarne presque un aux yeux des cinéphiles, en usant d'un médium - le cinéma - qui en est le vecteur par excellence, lieu immatériel et intemporel où le passé résiste à la force du temps, dont la poésie, la vérité, les souvenirs se perpétuent indéfiniment, ressurgissent des limbes de la mémoire.

Copyright Manolo Pavón

Désenchantée et triste, autant d'un point de vue formel (définitivement son long-métrage le plus austère et visuellement terne) qu'émotionnel, le film se fait la constatation de l'implacabilité de la vie, ou la volonté de disparaître se fait un désir pieusement souhaité, l'expression silencieuse de vouloir se réfugier dans les souvenirs d'une vie, d'en admirer le lent naufrage, de mieux supporter les pertes et les absences, de dialoguer avec ses fantômes.

Tellement qu'Erice décide lui-même de disparaître, tout comme l'un de ses personnages, d'user pleinement de l'artifice de la mise en abyme, d'être quelqu'un d'autre pour mieux être in fine lui-même, pour mieux se raconter et raconter ce qu'il n'a jamais pu être (comme cette manière de tourner, indirectement, une suite à son magnifique Le Sud, où de faire vivre son adaptation avortée des Nuits de Shanghai de Juan Marse), pour observer son propre cinéma et sa propre vie par le rétroviseur d'une bagnole lessivée (83 ans au compteur), conscient que la mémoire est éphémère là où la poésie de la pellicule reste, quand bien même elle se détériore.

Copyright Manolo Pavón

Moins poétique et plus discursif, moins emprunt à arborer une facture héritée au néoréalisme du cinéma italien (Rossellini en tête), qu'à opérer un retour vers un classicisme pur, Ferme les yeux se fait une œuvre profondément élégiaque et introspective, la quête impossible d'une vie inachevée, la recherche d'un cinéma révolu par un cinéaste qui a pleinement conscience du sens, de l'importance et de la force du septième art.
En une poignée d'heures, Víctor Erice
réitére la nécessité de le considérer comme un formidable lieu d'histoire, le médium le plus adéquat pour reconnecter l'humanité avec elle-même, chaque âme à ses propres sentiments.


Jonathan Chevrier


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