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[CRITIQUE] : Sabotage


Réalisateur : Daniel Goldhaber
Avec : Ariela Barer, Kristine Frøseth, Lukas Gage, Forrest Goodluck, Sasha Lane, Jayme Lawson, Marcus Scribner, Jake Weary, …
Distributeur : Tandem
Budget : -
Genre : Thriller
Nationalité : Américain
Durée : 1h48min

Synopsis :
Un groupe de militants environnementaux qui s’organisent pour commettre un acte de sabotage de grande envergure : faire exploser un pipeline.


Critique :


La récente Palme d’Or et le discours de Justine Triet nous l'ont rappelé. Il est difficile pour les cinéastes de porter une parole politique d’actualité sans être taxés d’hypocrisie parce qu’ils profitent également d’un système à leur avantage. Le cinéma doit-il être avant tout un lieu de divertissement apolitique ? La réponse est toute trouvée (tout est politique) mais s’il faut citer un film divertissant ET politique, ce sera vers le nouveau film de Daniel Goldhaber qu’on se tournera. Son titre français, Sabotage, évoque un film d’action de série B. Son titre original, beaucoup plus équivoque, pose le ton : How to blow up a pipeline. Aucune dérision, ni métaphore. Point par point, le réalisateur adapte un manifeste éco-militant à l’écran, du géographe suédois Andreas Malm, qui étudie la violence dans la lutte environnementale.

Copyright fugu films


Le film a fait sensation lors de sa sortie en salle aux États-Unis courant avril. Il faut dire que Sabotage filme sans concession ni discours moralisateur un groupe d’activistes organisant l’explosion d’un oléoduc au Texas pour mettre en lumière la cause climatique. Sujet bien évidemment sensible suite aux derniers rapports du GIEC et les débats autour de ce que l’on appelle l’écoterrorisme. Le FBI avait accru leur surveillance autour des infrastructures pétrolières à la sortie du film, au cas où celui-ci viendrait donner des idées. Si la cause climatique et la sabotage industriel n’ont rien de nouveau au cinéma (Nights Moves de Kelly Reichardt ou le merveilleux film islandais Woman at War), le cinéaste arrive à raviver la flamme du genre. Sabotage a beau être un film tout à fait fictif, il s’inscrit dans une réalité qui est la nôtre. A l’écran, on aime imaginer un futur violent après une catastrophe climatique à coup de dystopie mais il est difficile de trouver des récits où l’on essaie d’empêcher ce futur sombre. Daniel Goldhaber et son équipe nous proposent de regarder la réalité dans les yeux. Elle n’a rien d'idéal. Elle est dangereuse. Elle génère beaucoup de questions morales et éthiques.

La volonté de faire bouger les lignes, à l’écran et au dehors, est présente. Produit en indépendance, en partie avec les acteur⋅ices du film, Sabotage s’éloigne idéologiquement d’une forme hollywoodienne tout en respectant les codes d’un film de braquage. C’est tout l’ironie du projet : parler d’un sujet qui donne des frissons aux majors tout en se rapprochant du style mainstream. Daniel Goldhaber est persuadé qu’il faut entourer le discours militant par du divertissement pour que le public s’y retrouve, pour que le film parle au plus grand nombre. En théorie, ce n’est pas une si mauvaise idée. En pratique, Sabotage pâtit vite de la comparaison avec ses aînés. Plus proche d’un Ocean's Eleven que d’un Night Moves (qui partage pourtant sa production indépendante), le film s’attache à montrer les rouages de la préparation avec une tension permanente, pour mieux nous berner dans sa conclusion, comme Soderbergh aime le faire. Les flash-back, pas toujours bien rythmés, veulent nous faire comprendre les motivations de chacun. De la colère d’un natif américain face à la dégradation de sa terre et de son peuple, à celle d’un américain texan classique (arme au poing et Trump dans l’urne) qui voit les conséquences de l’oléoduc directement dans son quotidien, ce petit groupe d’activiste n’a rien de glamour, pour peu qu’on essaierait d’accuser le cinéaste de faire l’apologie de l’écoterrorisme. Les flash-back deviennent nécessaires pour comprendre que tout ceci découle d’un sentiment d’urgence et d’impuissance. Le collectif impulse l’action, cependant la narration s’intéresse à l’individu. Ce sont plutôt leurs émotions 
 — la colère mais surtout la tristesse et le sentiment d’injustice — qu’une haine froide du gouvernement qui emmènent le récit à travers l'explosion finale.

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Voilà les limites de Sabotage, qui doit slalomer entre divertissement, militantisme et explication sensée sur les motivations. Dès qu’on essaie de penser le film comme un produit audiovisuel et non comme une pensée politique, il retombe comme un soufflé.


Laura Enjolvy


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