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[FUCKING SERIES] : The Last of Us saison 1 : Preserve humanity



(Critique - avec spoilers - de la saison 1)


La blague est à peine exagérée, mais quel gamer (le mot est terriblement réducteur, c'est vrai) n'a pas ressenti en jouant à The Last of Us dès sa sortie en 2013, un pur esprit de " télévision prestige " face à une aventure qui se passait à la fois entre nos mains et devant nos yeux, un jeu qui poussait tellement loin son storytelling et la puissance de ses images que l'on regardait in fine l'histoire peut-être plus que l'on jouait.
De la série TV à la HBO façon Cormac McCarthy rencontrant la dure loi du joystick, et qu'elle ironie donc de voir une décennie plus tard la chaîne à péage la plus populaire des serievores, justifier pleinement cette filiation en cornaquant une adaptation en prise de vues réelles, appelée à être potentiellement décriée par une horde de fans pour une poignée de détails infimes tranchant avec le matériau d'origine (et c'est là où chacun devrait revoir la définition même d'adaptation).

S'il y a toujours quelque chose de troublant à l'idée de voir un jeu vidéo prendre vie, sur petit comme sur grand écran, de voir des interprètes de chair et de sang reprendre de manière programmatique des mouvements et autres scènes entières comme des passages obligés qu'il ne faut ô grand jamais manqué, cette adaptation détonne du tout commun tant la vraisemblance incroyable qui l'habite en font un objet savoureusement singulier qui va au-delà du concept même de bonne adaptation.

Copyright HBO

Au-delà car bien qu'il est jubilatoire de revoir dans un mimétisme solidement calibré, des séquences où des dialogues qui nous avaient sensiblement marqués, cette première cuvée ne se contente pas uniquement de jouer la carte du copier-coller facile et insipide, elle est sans aucun doute la plus fidèle et la plus engageante des adaptations produites à l'écran jusqu'à présent.
Tout comme le jeu, l'histoire se déroule à une époque (la notre ici, les années 2020) où le monde a succombé à une mutation sévère du champignon Cordyceps, qui transforme les humaines en de violentes créatures assoiffées de chairs, ressemblant - tout du moins dans les actes - à des zombies, avec des catégories bien distinctes pour les différencier.

Une tournure pour le coup rafraîchissante au sein d'un sous-genre de l'horreur déjà sclérosé avant même la sortie du jeu en 2013 (et endeuillé par la mort récente de son paternel et principal pourvoyeur de chefs-d'oeuvre, feu George A. Romero), tant le zombie traditionnel est ici infecté par un champignon parasite qui s'était déjà exercé sur les insectes avant de voir si une plus grosse proie - nous - lui sierait mieux.
Reste que ce pendant télévisuel, à l'instar de sa camarade désormais éteinte (la série originale tout dû moins, les spin-offs vont bien perpétuer la franchise) The Walking Dead, s'avère moins préoccupé par ses infectés terrifiants et emblématiques (on est même face à une sacrée carence de monstres sur ses neuf premiers épisodes, là où le jeu vidéo se montrait plus généreux) que sur une humanité devant négocier comme elle le peut avec les cendres du passé après l'effondrement du monde.

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L'intrigue se fixe sensiblement sur Joel, bien ancré dans la cinquantaine et toujours hanté par la mort de sa fille survenue vingt ans plus tôt (tuée par un soldat au début de l'épidémie), qui dans une Amérique post-apocalyptique doit faire un job qu'il ne veut pas : faire traverser tout le pays à la jeune Ellie, une ado rebelle, pour la ramener jusqu'à une cachette dirigée par les lucioles, une milice d'autodéfense opposée à ce qui reste d'un gouvernement fédéral excessivement totalitaire.
Pour des raisons que personne ne connaît ou ne comprend - tout dû moins pendant un temps -, Ellie est immunisée contre l'infection au Cordyceps et les Lucioles espèrent qu'Ellie sera la clé d'un hypothétique remède qui guérira le monde...

Cette dynamique férocement familière pour tout amateur du cinéma béni des 80s/90s, sert de colonne vertébrale aussi bien au jeu vidéo qu'à la série, cette dynamique qui voit un homme grincheux mais loyal protéger une jeune fille courageuse, alors que leur relation se développe lentement mais sûrement, passant du ressentiment partagé et de la défiance à de l'appréciation sincère voire même à de l'amour.
Aussi usé que soit ce genre de couple buddy moviesque (et encore plus intensément redondant donc pour les fans du jeu), l'alchimie qui lie ici Pedro Pascal et Bella Ramsey rend ce tandem furieusement plaisant à suivre, appuyé par leur propres interprétations des personnages (le Joel de Pascal est plus hanté que bourru, là où la Ellie de Ramsey à un caractère plus frondeur).

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Dans toute cette première salve d'épisodes (9 ici) où le jeu numérique se fait chair de manière assez troublante (certes scènes, directement adaptées à la ligne de dialogues près, donnent des frissons), The Last of Us prend in fine toute sa puissance lorsqu'elle vogue sur sa propre route.
Si le jeu vidéo se limite aux expériences subjectives d'Ellie et de Joel, le show voit continuellement plus loin - quitte à en décontenancer certains -, prenant le temps parfois de s'éloigner de ses héros et de montrer au spectateur à quoi ressemble la vie dans cet univers apocalyptique.
Et c'est là ou toute sa beauté et sa grandeur résident, dans ces petits bouts de grâce faussement futiles, d'échappées éphémères, tellement que le meilleur épisode (oui) s'avère in fine celui qui consacre quasiment toute son heure à une relation passionnée et émouvante à peine évoquée dans le jeu vidéo - le fameux épisode 3.

C'est en exposant un tant soit peu ceux qui habitent ce monde fidèlement recréé, en ne se résumant pas uniquement à la double quête de son duo vedette (en ce sens, l'épisode 7 est lui aussi une belle parenthèse enchantée, même si infiniment plus prévisible voire même expéditive), que la série s'élève au-dessus de la mêlée même s'il incombe dans le même temps au tandem de showrunners Craig Mazin/Neil Druckmann, de devoir rusher son intrigue originale à coups d'ellipses faciles, laissant dans le même temps de côté plusieurs personnages qui auraient très bien pu remplir l'espace offert par ce nouveau média.

Copyright Liane Hentscher/HBO

Et c'est peut-être ça qui est le plus frustrant au sein de cette première saison, le sentiment doux-amer d'être à la fois devant un magnifique moment de télévision, et l'idée que ses neuf épisodes comme presque autant d'heures, ne se laisse pas assez le temps d'exister et de respirer, d'installer plus durablement ses personnages et son histoire, d'autant qu'il véhicule pleinement l'idée d'un " après " (ce que, par exemple, The Walking Dead se refuse en alignant continuellement de nouveaux rebondissements et ennemis), d'une humanité qui se retrouve dans un vrai élan de solidarité et de communauté.
Survivre grâce et pour l'autre, embrasser l'optimisme et l'espoir même dans la noirceur, ce que la relation conflictuelle puis père-fille de substitution entre Joel et Ellie, retranscrit à merveille - tout comme le couple Bill et Frank.

À une heure où le genre est plus usé que jamais et où il est permis au spectateur de choisir son apocalyspe préféré parmi la pléthore de choix possible (on vit dans une époque alarmiste, et donc infiniment fertile pour la télévision), The Last of Us, bien que maladroite et même parfois pas assez pulpeuse, a le bon ton de ramener l'humanité au centre des débats, de la rendre essentielle en enracinant émotionnellement son auditoire dans une odyssée au plus près d'âmes dont on ressent la culpabilité (surtout dans leurs excès - souvent vitaux - de violence) autant que l'espoir d'un lendemain meilleur.

Copyright HBO

C'est dans son humanité perfectible, celle qui résiste à la méfiance et à la division, celle qui essaie juste de traverser sans trop de pertes cette immense tragédie, que la série se démarque le plus et mérite amplement sa vision.
Et puis quel bonheur presque nostalgique certes, que de pouvoir apprécier le temps d'attente entre chaque petite histoire, d'apprécier et réfléchir sur ce que nous venons de voir pendant une semaine jusqu'à ce qu'un autre épisode soit à nouveau diffusé.

C'est con certes, mais ça fait bien toute la différence...


Jonathan Chevrier