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[CRITIQUE] : Walden


Réalisatrice : Bojena Horackova
Acteurs : Ina Marija Bartaité, Laurynas Jurgelis, Fabienne Babe, Andrzej Chyra,...
Distributeur : La Traverse
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français, Lituanien.
Durée : 1h25min.

Synopsis :
Après trente ans d’exil à Paris, Jana revient à Vilnius. Elle veut retrouver le lac que Paulius, son premier amoureux, appelait « Walden ». Chronique de la jeunesse lituanienne d’avant la chute du bloc communiste, où, entre premiers émois et marché noir, les rêves de liberté s’incarnent à l’Ouest.



Critique :


Catapulté au coeur d'une Europe de l'Est et, plus directement ici la Lituanie et sa capitale Vilnius, vivant ses dernières heures sous le joug de l'Union soviétique avant la chute du mur de Berlin, le troisième effort de la cinéaste Bojena Horackova, née en Bulgarie mais qui a vécu dans l'ancienne Tchécoslovaquie, sobrement intitulé Walden (qui convoque directement l'oeuvre éponyme, Walden où la vie dans les bois, de l'auteur texan Henry David Thoreau, dont l'étang éponyme du Massachusetts a depuis 1854, connu une vie étonnamment métaphysique et pas uniquement au coeur de son cadre géographique).
Une oeuvre embaumée par les cinémas de Bartas, Rohmer et Bergman, autant portée par une force tranquille sincèrement séduisante qu'un brin neutralisée par un hermétisme parfois frustrant, tant la narration cherche continuellement à tenir à distance son auditoire au travers du périple nébuleux de son héroïne, Jana (excellente Ina Marija Bartaité), à la fois dans une Lituanie pré-effondrement du communisme où elle épouse ses premiers émois amoureux, et un présent plus amer vissé sur un retour au pays après plus de trente ans d'exil.

Copyright La Traverse

Épisodiquement construit à coups de flashbacks et de légers retour au présent, le film cherche à dresser deux portraits bien distincts comme deux faces d'une même pièce aussi opposées qu'elles se répondent, comme le passé et le présent, le présent et l'avenir, l'Est et l'Ouest.
Celui d'une jeunesse déboussolée et ambiguë tout d'abord, coincée entre un optimisme prudent mais enthousiaste pour un avenir post-communiste qui peut incarner un champ de tous les possibles, et une méfiance compréhensible et même blasée à l'égard de devoir passer à autre chose et d'enclencher le moindre changement.
Puis celle de cette même jeunesse désormais à l'âge adulte, tout aussi désenchantée et engoncée dans son idéalisation des souvenirs et d'une vie qui n'est plus, que dans sa culpabilité face à un bouleversement qui n'est jamais réellement venu et qu'ils n'ont pas aidé à se concrétiser .
Le paradoxe déchirant de personnes qui, dans leur jeunesse, plaçaient tous leurs espoirs où presque dans le futur et qui, une fois à un âge bien avancé et face à un optimisme fané, placent désormais leurs espoirs dans les réminiscences nostalgiques de leur propre passé.

Copyright La Traverse

C'est d'ailleurs ce second versant, taillé à la serpe et n'apportant strictement rien au pendant juvénile (cette volonté de vouloir renouer avec son passé émotionnel sans la responsabilité de parler avec ceux qui l'ont fait vivre, ici le jeune Paulius), qui vient achevé un récit déséquilibré mais captivant, finalement plus sensorielle que profond et dense, dont la froideur de la plume empêche il est vrai toute réellement empathie avec des personnages caractérisés au strict minimum.
Dommage tant la mise en scène épurée et sensible d'Horackova, pleinement ancrée dans la physicalité de lieux dont elle épouse méticuleusement le tempo du temps et des saisons, apporte un sentiment d'apaisement, une chaleur et une poésie qui tranchent avec la retenue frustrante de son écriture.


Jonathan Chevrier


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