[CRITIQUE] : Employé/Patron

Réalisateur : Manuel Nieto Zas
Acteurs : Nahuel Perez Biscayart, Cristian Borges, Justina Bustos,...
Distributeur : Eurozoom
Budget : -
Genre : Drame, Thriller.
Nationalité : Uruguayen, Argentin, Brésilien, Français.
Durée : 1h46min

Synopsis :
Un petit patron agricole, préoccupé par la santé de son bébé, tente de conjuguer sa vie personnelle à son travail chronophage. Pour son exploitation de soja, il recrute un jeune homme de 18 ans qui a un besoin urgent de gagner de l’argent pour subvenir aux besoins de sa famille, récemment agrandie. Un jour un terrible évènement advient sur la plantation.



Critique :

Vissé sur un rapport de force servant de moteur à une exploration saisissante sur la fracture socialo-économique qui divise et saigne l'Uruguay, #EmployéPatron est une bouillante tragédie humaine, un drame psychologique où les regards et les gestes en disent plus que les mots. pic.twitter.com/l9v3n6HBNk

— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) April 7, 2022

Il y a deux visions du monde radicalement différentes qui se confrontent et se déchirent au coeur du puissant et tendu drame mâtiné de thriller Employé/Patron de Manuel Nieto Zas, qui dresse un portrait furieusement évocateur (voire même universel) de la lutte des classes dans l'Amérique du Sud moderne, prenant ici pour cadre les paysages verdoyants d'une communauté rurale du nord-est de l'Uruguay, près de la frontière brésilienne.
Il y a celle de la vie aisée de Rodrigo et sa famille, le « patron », un jeune homme débrouillard qui fait son beurre dans l'exploitation agricole qu'il reprend peu à peu à son père vieillissant, mais qui vient de se faire planter par deux de ses employés.
L'autre, c'est celle résolument plus modeste de «l'employé», Carlos et des siens, un ouvrier agricole démuni passionné de chevaux, qui est bientôt embauché pour aider Rodrigo en raison d'une relation de confiance déjà préexistante entre leurs paternels.
Mais son incompétence va causer un incident qui va tragiquement rabattre les cartes et fragiliser l'équilibre précaire qui caractérisait l'union de leurs deux familles.

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C'est cette dynamique des contraires entre ces deux figures non-conventionnelles et aux antipodes sur l'échelle sociale, ce rapport de force ici ambiguë entre dominant et dominé, qui va devenir le moteur d'une exploration saisissante sur la fracture socialo-économique qui divise et saigne l'Uruguay depuis la crise économique du début des années (la production agricole du pays a dû passer de l'élevage traditionnel de bovins à la plantation de soja, et seuls quelques ouvriers sont amenés à gérer les machines sophistiquées pour la récolte).
Mais Nieto Zas ne s'échine pas qu'à opposer à distance les deux faces d'une même pièce finalement plus complémentaires et semblables qu'elles ne le pensent (ils travaillent tous les deux dans l'industrie agricole - bien qu'à des extrémités différentes de la chaîne de production -, ils suivent l'héritage de leurs pères mais sont surtout tous les deux papas de jeunes enfants qui leur servent de motivation principale pour leur ténacité), dans un affrontement contrasté entre modernité et traditions supposément irréconciliables, qui détourne subtilement les codes du western; ils les fait s'unir face à l'adversité pour mieux nourrir une bouillante tragédie humaine, un drame psychologique où les regards et les gestes en disent plus que tous les mots.
Une étonnante et grisante proposition de cinéma, portée par le brillant tandem Cristian Borges/Nahuel Pérez Biscayart.


Jonathan Chevrier