[Y-A-QUOI A LA TELE CETTE SEMAINE ?] : #159. Semaine du 13 au 19 mars
Chaque semaine je continue à faire — pour vous — le tour des programmes TV en extirpant de tout cela une offre cinématographique autour de trois œuvres. Mais, je vais aussi vous proposer des contre-programmations ainsi que des secondes parties de soirée pour les cinéphiles insomniaques.
Semaine du 13 Mars au 19 Mars.
Dimanche 13 Mars. Joker de Todd Phillips sur TF1.
Arthur Fleck, comédien raté, rencontre des voyous violents en errant dans les rues de Gotham City déguisé en clown. Méprisé par la société, Fleck s’enfonce peu à peu dans la démence et devient le génie criminel connu sous le nom de Joker, un dangereux tueur psychotique.
De son Lion d’or à Venise à ses innombrables récompenses glanées au fils des Oscars, Bafta ou autre Golden Globes, Joker à bousculer l’image de l’adaptation des comics en « anoblissant » le genre. Mais, aujourd’hui, il vaut quoi le long-métrage de Todd Phillips ? Même si le lustre du film est un peu moins éclatant, il demeure une proposition dense, sombre et bien plus tortueuse qu’on ne veut bien le croire. Clairement inscrit dans un héritage Scorsesien, l’œuvre est une évocation d’une société en pleine déliquescence, prête à iconiser tout et n’importe quoi. Sorte d’agonie de l’American Dream crachant son Nemenis absolu, créature de l’époque tout autant qu’animal sauvage bouffant autrui pour devenir emblème, le minable et le mythe, le rien et le tout. Mais, la véritable force du film repose sur sa dernière scène qui vient flouter notre perception des évènements : et si tout cela n’était qu’un pur délire ? Comment pourrait-on raconter le vrai dans une époque biberonnée à la fake news ?
Lundi 14 Mars. Philomena de Stephen Frears sur France 3.
Irlande, 1952. Philomena Lee, encore adolescente, tombe enceinte. Rejetée par sa famille, elle est envoyée au couvent de Roscrea. À l’âge de trois ans, son fils lui est arraché par les religieuses pour être adopté par des Américains. Pendant des années, Philomena essaiera de le retrouver. Quand, cinquante ans plus tard, elle rencontre Martin Sixmith, journaliste désabusé, elle lui raconte son histoire, et ce dernier la persuade de l’accompagner aux États-Unis à la recherche d’Anthony.
Inspiré par une histoire vraie, Philomena prend l’apparence d’un road movie mettant en avant un duo malassorti. Cependant, bien rapidement Stephen Frears dévie pour déployer une œuvre plus sinueuse, doucement naïve et sérieusement dévastatrice, le récit s’empêcher — pour notre plus grand plaisir — de plonger dans le mélodrame dégoulinant. Peut-être que cela vient du naturalisme avec lequel le cinéaste filme et dirige son casting, cherchant en permanence à ne pas être dans une dénonciation offusquée. Non, Philomena préfère s’attarde sur une femme plus nuancée, pétrie par les douleurs passées oui, mais s’émancipant de cela par pardonnant et acceptant une réalité délicatement amère.
Vendredi 18 Mars. Heat de Michael Mann sur France 5.
La bande de Neil McCauley à laquelle est venu se greffer Waingro, une nouvelle recrue, attaque un fourgon blindé pour s’emparer d’une somme importante en obligations. Cependant, ce dernier tue froidement l’un des convoyeurs et Chris Shiherlis se retrouve obligé de « terminer le travail ». Neil tente d’éliminer Waingro, mais celui-ci parvient à s’échapper. Parallèlement, le lieutenant Vincent Hanna mène l’enquête…
Dans la filmographie de Michael Mann, Heat fait figure de chef-d’œuvre. Il faut dire que le film est une pure vision Mannienne, un western urbain qui colle au basket comme le goudron sous forte chaleur. Dans sa précision filmique, le cinéaste brouille la perception du Mal et du Bien, pour capter des êtres en proie avec leurs contradictions nous faisant douter de l’issu que l’on souhaite. Dans cette ambiance où la testostérone règne, Mann fait de la figure féminine une douce poésie venant apaiser le lugubre. Heat s’inscrit, non pas, comme un nouveau thriller a l’efficacité redoutable, mais comme une œuvre totale, radicale, qui va voir naitre dans son sillage d’autre merveille Mannienne, Collatéral et Miami Vice.
Mais aussi... Cherie25 propose Le Gout des Autres de Agnes Jaoui. Suite de la collaboration fructueuse entre Jean-Pierre Bacri et Agnes Jaoui après notamment Cuisine et Dépendances, Smoking/No Smoking ou Un Air de Famille, Le Gout des Autres est un bijou de comédie amère. Bien aidé par le sens des dialogues du duo, le film traite avec tact et intellects de comment le schéma social fait de préjugés et d'exclusion se trouve imploser par un homme qui, sans savoir pourquoi ou comment, ressent face à une œuvre une émotion.
Thibaut Ciavarella