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[CRITIQUE] : Une mère


Réalisatrice : Sylvie Audcoeur
Avec : Karin Viard, Darren Muselet, Samir Guesmi, Farida Ouchani, …
Distributeur : Memento Distribution
Budget : -
Genre : Drame, Thriller
Nationalité : Français
Durée : 1h27min

Synopsis :
Aline n’a jamais réussi à faire le deuil de son fils mort à 17 ans dans une rixe. Quand elle croise par hasard son agresseur, tout juste sorti de prison, elle décide d'échafauder un plan pour se venger. Aussi déterminée soit-elle, Aline commence à douter au fur et à mesure qu’elle apprend à connaître le jeune homme.



Critique :

La colère. Ce feu intérieur qui embrase tout sur son passage. Le sentiment a souvent un genre, celui d’hommes exprimant leur violence par toutes sortes d'actes. La colère féminine, de son côté, n’est pas souvent montrée à l’écran, peut-être par peur de dévoiler tout un pan de caractéristiques féminines fébriles et non lisses. Pour son premier long métrage en tant que réalisatrice, Sylvie Audcoeur se penche sur la dichotomie des différentes colères. Dans Une mère, elle explose ou se confine dans des regards dévastateurs.

C’est d’ailleurs par un regard que débute le film. Celui d’une mère dévisageant le meurtrier de son fils. Karin Viard prête ses traits à Aline qui vient de perdre son fils. Elle lui donne son visage marqué, ses yeux bleus intenses et son talent pour s'immerger dans des destins amères. Il n’y a pas de mot pour définir la perte d’un enfant et c’est peut-être parce qu’elle ne peut nommer ce deuil qu’Aline se jette à corps perdu dans la colère. Tandis que Maxime est jugé à neuf ans de prison, elle crie son impuissance, elle le gueule dans la rue, elle se jette sur un mur et donne des coups à son ex-mari Farid (Samir Guesmi) qui, lui, ne sait pas comment la contenir. Farid finit par passer à autre chose. Cinq ans plus tard, il est de nouveau marié, à de nouveau un enfant. Mais Aline reste coincée dans sa douleur. La chambre de Sammy n’a pas bougé. Elle a repris la passion de son fils pour les maquettes d’avions et passe ses soirées à coller les minuscules morceaux de plastique. Si seulement c’était les morceaux d’elle-même qu’elle tentait de recoller… Cependant, Aline n’existe plus. Engoncée dans des pulls trop grands et des immenses parkas, sa silhouette est floue et ne s’agrippe nulle part. Alors, quand elle croise Maxime, au hasard d’une allée de supermarché, son sang ne fait qu’un tour. Et ses yeux lancent de nouveau des éclairs.

Copyright Memento Distribution

Sylvie Audcoeur comprend qu’elle ne peut pas plonger ses personnages dans la réalité. Si la confrontation doit avoir lieu, elle doit prendre place dans un décor, pour permettre à son récit d’explorer son côté dramatique et d’exploser face au manque de repère. Aline choisit sa maison d’enfance, construite par son père, loin de la civilisation. Une maison dont elle n’arrive pas à se débarrasser, comme les souvenirs de son fils. Elle invite Maxime dans ses terres pour y verser son sang. Le plan est simple : lui administrer lentement mais sûrement de la mort au rat tandis qu’il effectue des travaux dans sa salle de bain (il est devenu apprenti plombier à sa sortie de prison). Et si nous pensions qu’Aline n’irait pas jusqu’au bout, nous avions tort. Le geste tremble mais il demeure : le poison, en forme de poudre rouge sang, est versé dans les plats ou dans le café.

Une mère n’a pas d’autres ambitions que de déployer une histoire qui vient titiller notre morale et de se servir de tous les moyens du mélodrame pour venir cueillir les émotions vivaces de ses personnages. La mise en scène explore l’enfermement extérieur et intérieur des protagonistes, dont les sentiments sont l’extension du drame vécu. Sylvie Audcoeur veut faire les bons choix, et elle y arrive la plupart du temps. Les bonnes idées apparaissent, comme le fait de confronter Aline à la nouvelle maternité de la compagne de son ex-mari, ou de la mère en devenir qui vient visiter la maison à l’improviste. L’ambivalence provoquée par cette mère prête à tuer pour venger son fils et la mère, absente et démissionnaire de Maxime, vient nuancer ce rôle si particulier, de ce parent sans cesse mis en avant comme la principale responsable de l’enfant dans notre société.

Copyright Memento Distribution

Hélas, le récit esquisse des choses qu’il met bien vite de côté et ne veut surtout pas creuser du côté d’une analyse sociale de cette histoire tragique. Si la colère d’Aline nous semble bien légitime, celle de Maxime nous semble disproportionnée et lorgne du côté des écueils des films sociaux dont le regard, cliché, préfère mettre de la colère un peu partout parce qu’un jeune des cités est forcément en colère. Sa violence n’a pas de nuance, tandis que celle d’Aline en possède. Son histoire n’est pas féconde, tandis que celle d’Aline ne cesse d’apporter des couches de compréhension multiples. Comment peut-il y avoir une confrontation digne de ce nom si l’équilibre, instable, penche dangereusement du côté d’un mélodrame pâlichon au lieu d’un drame malsain aux confins de la morale et de l’abnégation ?

Mélodrame intimiste au cœur de la campagne, Une mère puise dans la colère pour raconter le fantasme d’une vengeance et la perte d’un enfant.


Laura Enjolvy


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