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[CRITIQUE] : Master


Réalisatrice : Mariama Diallo
Avec : Regina Hall, Zoe Renee, Julia Nightingale,...
Distributeur : Amazon Prime Vidéo France
Budget : -
Genre : Epouvante-horreur, Thriller, Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h31min

Synopsis :
Deux femmes débutent une nouvelle année à l'université d'Ancaster. Jasmine est une étudiante de première année ordinaire originaire du lointain Tacoma et fait ses premiers pas timide à l'université. Gail est un membre établi du corps professoral d'Ancaster et vient d'être nommé "Master". Les deux femmes, afro-américaines, vont devoir faire face à des expériences plus que troublantes au sein de cette université majoritairement blanche de la Nouvelle-Angleterre.



Critique :

Le succès imposant de Get Out a non seulement permis à Jordan Peele de s'offrir un solide ticket d'entrée dans la jungle Hollywoodienne, mais aussi et surtout de remettre au goût du jour l'horreur allégorique, terreau désormais plus où moins fertile permettant à une petite galerie de cinéastes d'aborder des sujets difficiles (et jusqu'alors sensiblement réservés au drame) avec une liberté de ton, d'émotion et de style quasi-totale.
Plus proche d'un His House que d'un Antebellum, Master, premier long-métrage écrit et réalisé par la wannabe cinéaste Mariama Diallo, jongle habilement entre un examen approfondi du racisme systémique/institutionnalisé et des cauchemars bien réels dans la maison hantée ambulante qu'est l'Amérique (une exploration nuancée des façons subtiles dont les attitudes racistes peuvent s'infiltrer dans la banalité du quotidien sans exploser au grand jour), et une sympathique - même si perfectible - incursion dans l'horreur surnaturelle sous fond de sorcellerie.

Amazon Studios

Concentré sur les voyages parallèles entre une étudiante de première année afro-américaine, la première doyenne noire (représentant l'image d'une évolution, même biaisée, des choses) et une professeure qui espère devenir titulaire au sein d'une université d'élite de la Nouvelle-Angleterre qui se présente comme avant-gardiste, la péloche, incroyablement réaliste dans sa retranscription de la vie universitaire et des institutions américaines, distille une ambiance tendue et troublante dont les pics horrifico-macabres pourtant brutaux, s'avèrent finalement moins effrayants que les micro-agressions et les politiques raciales tordues qui transforment chaque conversation en un champ de mines (tous ceux nés dans le privilège et se croyant agir comme des bienfaiteurs libéraux, ne voyant jamais la condescendance et l'hypocrisie derrière leurs actions). 
C'est cette atmosphère prégnante, entre inquiétude et aliénation, construite autour de frictions raciales de plus en plus importantes et empoisonnantes, qui empêche la narrarion de se transformer en une diatribe stérile et de faire mouche dans sa charge sophistiquée et pleine de sang-froid contre le suprémacisme blanc, ce système oppressant et à sens unique qui monte trois femmes les unes contre les autres, alors qu'elle ne demandait qu'à se faire une place par elles-mêmes.

Amazon Studios

Intensément incarné (Regina Hall trouve ici son plus beau rôle), évitant soigneusement l'exagération satirique pour mieux asséner sérieusement et frontalement sa charge contre le racisme institutionnalisé, Master, entre le drame social et le thriller psychologico-horrifique (son horreur macabre au cadre hivernale, riche en séquences chocs, cite directement Shining), trouve sa force dans sa propre ambiguïté contemplative et soutient de maniere convaincante qu'il n'y a finalement rien de plus terrifiant que la (notre) réalité et ses menaces omniprésentes.
Et c'est foutrement vrai...


Jonathan Chevrier