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[TOUCHE PAS À MES 80ϟs] : #143. Better off Dead

Copyright Warner Bros.

Nous sommes tous un peu nostalgique de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 80's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se balladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios (Cannon ❤) venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leurs mots à dire,...
Bref, les 80's c'était bien, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, mettez votre overboard dans le coffre, votre fouet d'Indiana Jones et la carte au trésor de Willy Le Borgne sur le siège arrière : on se replonge illico dans les années 80 !


#143. Gagner ou Mourir de Savage Steve Holland (1985)

Il y a désormais belle lurette que l'on ne croit décemment plus en l'aura magnétique de ce bon vieux John Cusack, étoile montante à la fin des 80's, ayant su opérer avec intelligence le dur passage à la vie d'adulte des teen stars Hollywoodiennes en alternant entre des films indépendants finement choisis, et des grosses productions certes calibrées mais plaisante à suivre.
La cassure s'est dans doute véritablement faîte avec le tâcheron 2006 de Roland Emmerich, blockbuster de destruction massive à la qualité fantomatique et à la cohérence encore plus absente, où le bonhomme surnage à défaut de savoir réellement ce qu'il foutait là.

Depuis, à l'instar des Nicolas Cage, Bruce Willis et autres Jason Patric qu'ils croisent assez régulièrement (c'est tellement navrant que s'en est d'une tristesse absolue), le bonhomme s'échine à souiller son talent dans des DTV de luxe à peine défendables, histoire de récolter suffisamment de billets vert pour pérenniser des vieux jours et payer des impôts - où l'inverse.

Copyright Warner Bros.

Pourtant on le sait, l'excellent et sous-estimé comédien qu'il est toujours est là, tapis dans l'ombre et totalement oublié par des cinéastes ne voyant jamais plus loin que le peu qu'il se borne à montrer ces derniers temps même si parfois, juste parfois, il s'amuse à se rappeler - et à nous le rappeler par la même occasion -, le solide performeur qu'il est.
À défaut de profiter de ses bons rôles au présent, profitons donc du passé et encore plus de ses prometteurs débuts, comme dans Better of Dead de Savage Steve Holland, sorte de comédie burlesque made in frères Farrelly avant l'heure, accroché aux basques d'un ado supposément heureux et comme les autres, Lane Meyer, qui voit pourtant son goût pour la vie le quitter dès lors que sa petite amie Beth le largue brutalement pour le capitaine de l'équipe de ski du lycée (oui, on a pas tous eu les mêmes cours de sport), Roy Staline - apparemment parce qu'il est le meilleur skieur.
Alors que son petit frère férocement précoce attire plus de femmes que lui (et il construit également sa propre navette spatiale dans sa chambre, inutile de dire qu'il est définitivement plus cool que lui), que son statut social au sein de la jungle scolaire fond comme neige au soleil, il n'a que son ami nerd Booger pour garder un poil la tête hors de l'eau.

Et alors qu'il manque désespérément toutes ses tentatives de suicide, peut-être que sa rencontre avec la jeune étudiante française Monique, ici grâce au fruit d'un échange scolaire international, pourra changer son quotidien... en bien.
Qu'on se le dise et aussi contradictoire que cela puisse paraître vu ce qu'ils dégagent parfois, rien ne brille plus chaleureusement dans la nostalgie des 80s, que les teen movies (sans doute le genre le plus ancré dans son temps et symptomatique d'une époque), ses bandes à part dont le niveau d'affection provient autant des souvenirs réconfortants qu'ils chérissent que de tout mérite créatif/artistique retentissant.
D'autant plus des efforts - volontairement - absurdes tel que celui-ci, frappé par le sceau d'un humour aussi savoureusement maladroit que surréaliste, et d'une inventivité de chaque instant.

Copyright Warner Bros.

Ne s'autorisant aucune limite (genre vraiment, qu'elles soient fantastiques ou totalement barrées comme des hamburgers dansant avec des frites tout en chantant du Van Halen...) tout en étant particulièrement à l'écoute des petits traumas de l'adolescence ou même de leur cruel besoin de distraction, Better Off Dead se démarque de ses contemporains par sa volonté justement, de boxer dans la même catégorie - clichés faciles et écriture prévisible en prime - qu'eux sans pour autant jamais totalement leur ressembler, en s'appuyant autant sur une esthétique bizarre que la capacité de Cusack à naviguer dans le chaos avec un mélange de charisme improbable, d'intelligence et de lassitude charmante du monde.
Une intention qui marque au fer rouge sa pellicule jusque dans la caricature outrancière de ses défauts, que ce soit via des sous-entendus glauques (littéralement l'esclavage sexuel induit par l'arrivée de Monique chez les Smith, avec le prédateur sexuel qui leur sert de rejeton) ou des blagues politiquement incorrectes qui ont très mal vieillis et serait profondément mal acceptés aujourd'hui (même si le film tend à laisser penser parfois qu'il prend les horribles insensibilités de son genre pour les faire exploser dans l'absurdité la plus totale).

Un " mal d'époque " que l'on retrouve malheureusement à différentes échelles de gravité sur d'autres péloches (À l'ère #MeToo, la majorité des teen movies sont épouvantablement mysogines et racistes, là où même certains films du pape John Hughes sont incroyablement problématiques - Seize Bougies pour Sam en tête), mais qui est ici contrebalancé par un surréalisme presque salvateur - voire même potentiellement analytique, comme dit plus haut.
À la fois témoignage progressiste (son effort de traiter du thème tabou et tragique du suicide chez les adolescents par la comédie, sans pour autant en masquer l'horreur et la détresse) et bande subversive irritante (tant il exagère à outrance les tropes familiers du genre), épouvantable - sur certains points - et rédempteur, Better Off Dead impose un degré massif de suspension d'incrédulité de la part de son auditoire tout autant qu'une propension à supporter un humour parfois inconfortable.

Copyright Warner Bros.

En surface, le film présente les mêmes traits dérangeant que nombre de ses pairs, méritant pleinement une grande partie du mépris que nos valeurs modernes et plus inclusives leur attribuent; mais dans son coeur, il semble assez souvent dans son étrangeté, capter les idéologies dérangeantes et sous-jacentes du genre pour pousser avec une pointe de surréalisme, leurs hypothèses au-delà de leurs points de rupture.
Une cartographie du passé en somme, dans ses défauts donc, comme dans ses qualités.


Jonathan Chevrier