[TOUCHE PAS À MES 80ϟs] : #140. Some Kind of Wonderful
Nous sommes tous un peu nostalgique de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 80's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se baladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios (Cannon ❤) venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leur mot à dire...
Bref, les 80's c'était bien, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, mettez votre overboard dans le coffre, votre fouet d'Indiana Jones et la carte au trésor de Willy Le Borgne sur le siège arrière : on se replonge illico dans les années 80 !
#140. L'amour à l'envers d'Howard Deutch (1987)
Au milieu des films totems de John Hughes, qu'il est opéré dans leur confection autant comme un simple scénariste ou tout simplement comme un cinéaste aux multiples casquettes, Some Kind of Wonderful - L'amour à l'envers par chez nous - d'Howard Deutch à des allures de vilain petit canard, sans doute, peut-être, parce qu'il n'a décemment pas connu un succès aussi monstrueux que ses illustres aînés (The Breakfast Club, Weird Sciences,...), ou alors parce qu'il est tout simplement un remake en bon et dû forme de Pretty in Pink/Rose Bonbon sorti à peine un an plus tôt...
Né d'une frustration personnelle de Hughes (le fait que le personnage d'Andy ne termine pas avec son BFF Dickie comme dans le montage initial, mais bien avec Blane), qui l'a même un temps brouillé avec Deutch avant qu'il ne le rappelle à la barre de ce remake déguisé (Martha Coolidge a été débauché tout comme Kim Delaney et Kyle MacLachlan, Molly Ringwald et Michael J. Fox ont déclinés le projet et le lead masculin est ironiquement revenu à Eric Stoltz, éconduit sur... Retour vers le Futur), le film arbore ni plus ni moins qu'un gender-reversed de Pretty in Pink, rendant de facto sa prévisibilité plus rédhibitoire pour le spectateur lambda.
Pourtant, ce remake hâtif et totalement assumé recèle en lui plus d'une qualité, tant il fait constamment fit de son aspect résolument classique, pour remettre en question l'essence même de toute romcom pour adolescents : la question n'est plus de savoir si le héros va terminer avec la fille de ses rêves, mais si leur relation était-elle vraiment celle qu'il lui faut.
Soit Keith, un jeune homme agréablement hirsute et artiste dans l'âme, qui est autant un ovni dans son lycée que sa meilleure amie, le garçon manquée Watts, qui craque pour lui alors qu'il n'a d'yeux que pour la fille la plus populaire du bahut, la BCBG Amanda...
Donnant toujours autant la possibilité à ses personnages d'être réels et d'aller bien au-delà de leurs archétypes (ce qui renforce pleinement notre empathie pour eux), Hughes, dans ce qui reste son dernier teen movie expurgé de tout cynisme face à la vie d'adulte, fait en sorte que tous ses protagonistes apprennent quelque chose sur eux-mêmes; évitant même la sempiternelle confrontation hystériques entre jeunes/adultes, au travers de la relation volubile et civilisée entre Keith et son père (excellent John Ashton).
Même la relation, assez masochiste au fond, entre Keith et Watts (superbe Mary-Stuart Materston), la seconde étant totalement négligé par le premier qui pense savoir tout sur elle, alors qu'elle-même est d'une douceur incroyable envers lui, est traité avec ce qu'il faut de justesse pour ne pas irriter (sans doute parce que Stoltz, incroyablement touchant, n'est pas un connard égoïste).
Vraie revanche sur Pretty in Pink (qu'il surpasse sans trembler, et encore plus dans son propos sur la lutte des classes ou l'angoisse adolescente, ici cristallisée par une sexualité assez pregnante même si jamais totalement explicite, et une hiérarchisation autant par le pouvoir de l'argent que de l'attraction physique que l'on provoque), qui permet de retrouver plus habilement les thèmes chers du cinéma de Hughes (insécurité, peur du rejet et du changement, difficulté à apprendre la dure vie d'adulte,...) à tel point qu'il laisse toujours planer le sentiment étrange - mais charmant - que ses adolescents sont plus adultes que les adultes de la majorité des productions contemporaines; Some Kind of Wonderful véhicule autant un (légitime) droit à la différence qu'une belle - et si rare - morale sur l'importance d'être soi-même, d'autant plus à une époque aussi charnière.
Moins léger que ses petits camarades et jouant judicieusement du gender-bender (Watts est plus masculine que Keith, assez sensible), qui trouve une résonance plutôt fine dans son titre VF (L'amour à l'envers, pour une fois que renommer un film étranger à du bon), le film est clairement l'un des plus beaux efforts de Hughes, et sans doute l'un de ses plus sérieux.
Il n'est jamais vraiment trop tard pour une réhabilitation...
Jonathan Chevrier
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se baladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios (Cannon ❤) venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leur mot à dire...
Bref, les 80's c'était bien, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, mettez votre overboard dans le coffre, votre fouet d'Indiana Jones et la carte au trésor de Willy Le Borgne sur le siège arrière : on se replonge illico dans les années 80 !
#140. L'amour à l'envers d'Howard Deutch (1987)
Au milieu des films totems de John Hughes, qu'il est opéré dans leur confection autant comme un simple scénariste ou tout simplement comme un cinéaste aux multiples casquettes, Some Kind of Wonderful - L'amour à l'envers par chez nous - d'Howard Deutch à des allures de vilain petit canard, sans doute, peut-être, parce qu'il n'a décemment pas connu un succès aussi monstrueux que ses illustres aînés (The Breakfast Club, Weird Sciences,...), ou alors parce qu'il est tout simplement un remake en bon et dû forme de Pretty in Pink/Rose Bonbon sorti à peine un an plus tôt...
Né d'une frustration personnelle de Hughes (le fait que le personnage d'Andy ne termine pas avec son BFF Dickie comme dans le montage initial, mais bien avec Blane), qui l'a même un temps brouillé avec Deutch avant qu'il ne le rappelle à la barre de ce remake déguisé (Martha Coolidge a été débauché tout comme Kim Delaney et Kyle MacLachlan, Molly Ringwald et Michael J. Fox ont déclinés le projet et le lead masculin est ironiquement revenu à Eric Stoltz, éconduit sur... Retour vers le Futur), le film arbore ni plus ni moins qu'un gender-reversed de Pretty in Pink, rendant de facto sa prévisibilité plus rédhibitoire pour le spectateur lambda.
CREDITS: EVERETT COLLECTION |
Pourtant, ce remake hâtif et totalement assumé recèle en lui plus d'une qualité, tant il fait constamment fit de son aspect résolument classique, pour remettre en question l'essence même de toute romcom pour adolescents : la question n'est plus de savoir si le héros va terminer avec la fille de ses rêves, mais si leur relation était-elle vraiment celle qu'il lui faut.
Soit Keith, un jeune homme agréablement hirsute et artiste dans l'âme, qui est autant un ovni dans son lycée que sa meilleure amie, le garçon manquée Watts, qui craque pour lui alors qu'il n'a d'yeux que pour la fille la plus populaire du bahut, la BCBG Amanda...
Donnant toujours autant la possibilité à ses personnages d'être réels et d'aller bien au-delà de leurs archétypes (ce qui renforce pleinement notre empathie pour eux), Hughes, dans ce qui reste son dernier teen movie expurgé de tout cynisme face à la vie d'adulte, fait en sorte que tous ses protagonistes apprennent quelque chose sur eux-mêmes; évitant même la sempiternelle confrontation hystériques entre jeunes/adultes, au travers de la relation volubile et civilisée entre Keith et son père (excellent John Ashton).
Même la relation, assez masochiste au fond, entre Keith et Watts (superbe Mary-Stuart Materston), la seconde étant totalement négligé par le premier qui pense savoir tout sur elle, alors qu'elle-même est d'une douceur incroyable envers lui, est traité avec ce qu'il faut de justesse pour ne pas irriter (sans doute parce que Stoltz, incroyablement touchant, n'est pas un connard égoïste).
CREDITS: EVERETT COLLECTION |
Vraie revanche sur Pretty in Pink (qu'il surpasse sans trembler, et encore plus dans son propos sur la lutte des classes ou l'angoisse adolescente, ici cristallisée par une sexualité assez pregnante même si jamais totalement explicite, et une hiérarchisation autant par le pouvoir de l'argent que de l'attraction physique que l'on provoque), qui permet de retrouver plus habilement les thèmes chers du cinéma de Hughes (insécurité, peur du rejet et du changement, difficulté à apprendre la dure vie d'adulte,...) à tel point qu'il laisse toujours planer le sentiment étrange - mais charmant - que ses adolescents sont plus adultes que les adultes de la majorité des productions contemporaines; Some Kind of Wonderful véhicule autant un (légitime) droit à la différence qu'une belle - et si rare - morale sur l'importance d'être soi-même, d'autant plus à une époque aussi charnière.
Moins léger que ses petits camarades et jouant judicieusement du gender-bender (Watts est plus masculine que Keith, assez sensible), qui trouve une résonance plutôt fine dans son titre VF (L'amour à l'envers, pour une fois que renommer un film étranger à du bon), le film est clairement l'un des plus beaux efforts de Hughes, et sans doute l'un de ses plus sérieux.
Il n'est jamais vraiment trop tard pour une réhabilitation...
Jonathan Chevrier