[CRITIQUE] : Honeyland
Réalisateur/trice : Tamara Kotevska et Ljubomir Stefanov
Avec : Hatidze Muratova, Nazife Muratova, Hussein Sam,...
Distributeur : KMBO
Budget : -
Genre : Documentaire.
Nationalité : Macédonien.
Durée : 1h26min.
Synopsis :
Hatidze est une des dernières personnes à récolter le miel de manière traditionnelle, dans les montagnes désertiques de Macédoine. Sans aucune protection et avec passion, elle communie avec les abeilles. Elle prélève uniquement le miel nécessaire pour gagner modestement sa vie. Elle veille à toujours en laisser la moitié à ses abeilles, pour préserver le fragile équilibre entre l’Homme et la nature.
Critique :
Cinéma-vérité où se dévoile une histoire presque digne d’une fiction, entre partage et trahison, #Honeyland raconte la portée universelle d’une vie intime âpre et dure, où l’équilibre fragile entre la nature et les Hommes doit être conservé. (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/hBLckehJ4B— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) September 14, 2020
Malgré les aléas de l’année 2020, elle nous aura offert un panel de documentaires plus brillants les uns que les autres. Le nouveau film de Tamara Kotevska et Ljubomir Stefanov, qui filme le quotidien d’une apicultrice dans la Macédoine rurale, ne fait pas exception.
Copyright Trice Films/Apolo Media |
Alors que les deux cinéastes devaient filmer quelques plans en vu d’une vidéo pour le “Nature Conservation Project”, ils tombent sur Hatidze, une apicultrice vivant à plus de vingt kilomètres de la capitale, en Macédoine du nord. C’est de cette rencontre que né Honeyland, qui suit pendant trois ans les aventures d’Hatidze, de sa fabrication atypique du miel à ses déboires avec de nouveaux voisins envahissants.
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Tamara Kotevska et Ljubomir Stefanov décident d’être des observateurs, des témoins chanceux d’une façon de traiter la nature, de collecter le miel avec respect. Hatidze est la dernière de sa famille à utiliser cette méthode. À cinquante-cinq ans, elle a passé sa vie à s’occuper de ses abeilles et de sa mère, Nazife, maintenant alitée. La scène d’ouverture veut nous en mettre plein les yeux, avec ses plans larges où les paysages magnifiques, dénués de trace humaine, n’ont aucun secret pour l’apicultrice. Elle grimpe une montagne rocailleuse pour atteindre un nid d’abeilles, où elle collecte le miel sans attirail : pas de gants, ni de protection à la tête, mais aucune piqûres à l’horizon. Elle laisse à ses abeilles la moitié du miel, une règle d’or à ne jamais transgresser. Le quotidien d’Hatidze est modeste, rythmé par le dur labeur, sa mère dont elle s’occupe avec amour et des aller-retour à Skopje, où elle vend son miel au marché et ramène quelques emplettes (un éventail, une teinture pour cheveux). Mais son sourire ne s’estompe jamais, heureuse de son sort et fière de son miel, qu’elle vend à un prix conséquent, fort de sa pureté de par sa fabrication. Les choses s’enveniment quand une famille nomade vient s’installer non loin de sa petite cabane, avec perte et fracas. Ils s’installent, faisant fie de la tranquillité du lieu et du respect de la végétation. Si Hatidze espère une bonne entente entre voisins, sa patience va être mise à rude épreuve, quand le patriarche de la famille veut également s’essayer à l’apiculture après avoir entendu à quel prix sa voisine vend son miel en ville.
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En tant que témoins, les deux cinéastes n'interviennent jamais dans les interactions, même s’ils sont loin d’être neutres dans ce conflit. Nous sentons la responsabilité qu'ils ont éprouvé, de capter le moindre détail du quotidien de leur protagoniste, comme une preuve d’un style de vie révolu. Malgré la beauté picturale du village, renforcée par les plans à couper le souffle mis en lumière par Fejmi Daut et Samir Ljuma, Honeyland est bercé par l'âpreté de cette vie, où le courage et la force ne doivent jamais vous quitter. Hatidze a fait sienne la brutalité de ce monde rural, où les règles de la nature priment sur le confort matériel. La famille d’Hussein ne comprendra pas cette logique, aveuglée par l’appel du gain, d’un capitalisme qui se fout du bien être des abeilles. Aux confins de l’austérité du quotidien se cache une douceur infinie, que nous donne à voir ces séquences intimes entre l’apicultrice et sa mère, ou quand dans une extrême solitude, Hatidze chasse les esprits au crépuscule.
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