[TOUCHE PAS NON PLUS À MES 90ϟs] : #70. The Addams Family

Copyright Splendor Films

Nous sommes tous un peu nostalgique de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 90's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se balladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leurs mots à dire,...
Bref, les 90's c'était bien, tout comme les 90's, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, prenez votre ticket magique, votre spray anti-Dinos et la pillule rouge de Morpheus : on se replonge illico dans les années 90 !

#70. La Famille Addams de Barry Sonnenfeld (1991)

Il aura fallu pas moins de cinq décennies pour que le septième art s'intéresse mais surtout concocte, une version cinématographique digne des dessins savoureusement étranges de Charles Addams, passé la plus ou moins sympathique - mais à qui les années n'ont absolument pas rendu service - version télévisée des 60's signée David Levy.
Tout vient à point à qui sait attendre, et force est d'admettre que le premier passage derrière la caméra de l'excellent - mais pas toujours défendable - Barry Sonnenfeld, a su débarquer à l'époque parfaite (le début des 90's, baignée dans la folie gothique enivrante d'un Tim Burton en pleine hype, et qui avait d'ailleurs refusé la réalisation du film), pour gentiment marquer les rétines des mômes avides de loufequeries que nous étions tous - ou presque.

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Heureusement plus proche des dessins originaux publiés dès le milieu des 30's dans The New Yorker que de la version TV (ce qui lui a permit de conserver la verve et l'intégrité sombre et rafraîchissante qui manquait si cruellement au show), taillant gentiment dans le gras des conventions Hollywoodiennes - fuck le politiquement correct -, La Famille Addams première du nom est un bonheur de comédie satirique et au savoureux double niveau de lecture, à l'humour mortellement cynique et macabre, et dont la générosité n'a d'égale que son absurdité totalement volontaire.
Cartoonesque comme ce n'est pas permis, bourré de trouvailles formelles incroyable - rare pour une comédie dite " populaire " - qui servent pleinement sa narration (et qui ne sont pas de simples gagdets visuels pour la forme) et même un chouïa Hitchcockien dans son complot comico-familiale, l'histoire s'articule autour du come-back louche de Fétide au coeur de la maison Addams, vingt-trois ans après l'avoir quitté de manière abrupte.
Le hic, c'est que son retour est le fruit d'une manipulation d'Abigail Craven - qui l'a recueilli amnésique, et en a fait son faux fils adoptif -, qui en veut à la richesse de sa famille, définitivement pas matérialiste pour un sou, et qui garde tout leur trésor dans les souterrain sous leur immense propriété...

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La plus grande prouesse de Charles Addams, tout autant que de Sonnenfeld qui s'inscrit totalement dans son ombre - entre hommage sincère et micro-réappropriation -, c'est sa propension folle à nous rendre littéralement dingue de personnages qui le sont tout autant, à nous rendre passionnante et empathique une famille dont le bonheur/malheur se résume à jouir d'une agonie lente et piquante, une délectation profonde de tout ce qui est fui par le commun des mortel (comme les deux enfants, jouant avec de l'arsenic et une chaise électrique comme nos propres bambins s'amuseraient avec des petites voitures ou des Legos).
Ironiquement, cette marginalité/excentricité profonde, ces statuts d'inadaptés sociaux incroyables (la société elle-même est inadaptée pour eux) couplés à un attachement profond à leur racine et au sentiment familial (quitte à vivre en autarcie), en ferait presque pourtant la plus saine des familles du cinoche américain.
L'anti-WASP absolue complètement dans le déni de l'American Dream (et l'épanouissement personnel qu'il vend en bandoulière), des affres de la société consumériste moderne ou même de la religion (encore mieux pour savater le puritanisme du pays de l'oncle Sam), à la sensualité affirmée (de part l'amour passionné et démesuré que se voue les deux parents, Gomez et Morticia) et dont la maturité se trouve uniquement chez les enfants : enfin surtout Mercredi, toute solennité et innocence vêtue de noir, qui est véritablement le cœur juvénile et adulte de cette lignée de freaks étrangement attachante, refusant toute sympathie d'autrui.

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Satire sociale hilarante qui dégomme tout ce qui bouge (et en priorité, l'idée du foyer familial modèle), ode féroce à la singularité (et à la nécessité de l'affirmer aux yeux de tous et de s'y accrocher coûte que coûte), La Famille Addams ne serait sans doute rien sans son casting, totalement acquis à sa cause.
D'un feu Raul Julia étincelant et charismatique en Gomez Addams (dans le rôle de sa vie, qui lui permit de cabotiner comme un roi sans la moindre retenue) à une Anjelica Huston littéralement à tomber (ange macabre au timing comique inégalable), en passant par un Christopher Lloyd délirant (même grimé à outrance, il est exceptionnel, aussi drôle qu'émouvant) et une jeune Christina Ricci savoureusement perturbante; tout le monde est au diapason, et fait de cette fable poético-gothique jouissive et irrévérencieuse (quoique moins que sa brillante suite, tournée deux ans plus tard), une pièce majeure de ce que la comédie US nous a donné de meilleur dans les 90's.
Rien que de se rappeler à son bon souvenir, nous donnerait presque l'envie de danser une Mamushka, aussi dangereuse soit-elle...


Jonathan Chevrier