[TOUCHE PAS À MES 80ϟs] : #92. Police Academy
© 1984 - Warner Bros. All rights reserved |
Nous sommes tous un peu nostalgique de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 80's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se balladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios (Cannon ❤) venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leurs mots à dire,...
Bref, les 80's c'était bien, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, mettez votre overboard dans le coffre, votre fouet d'Indiana Jones et la carte au trésor de Willy Le Borgne sur le siège arrière : on se replonge illico dans les années 80 !
#92. Police Academy de Hugh Wilson (1984)
À une heure ou l'on a fait, à juste titre, de la satire policière Brooklyn 99, l'une des meilleures séries comiques de la télévision US, il est de bon ton de se rappeler un brin de son ancêtre, la géniale quoique gentiment bancale saga Police Academy, chez qui le show est venue picoré - plus ou moins discrètement - deux, trois traits de personnages essentielles (Peralta est un Mahoney en puissance).
Pur fruit de sa génération frivole ne sachant jamais sur quel pied vraiment danser, avec un humour jouant la carte du burlesque, de l'énergie visuelle souvent imaginative, mais aussi d'une potacherie régressive un tantinet cul (le succès de Porky's n'a pas toujours aidé la comédie US) banalisant lourdement des clichés qu'on ne pourrait accepter dans une comédie contemporaine (l'homosexualité et le racisme facile, raillés sans être banalisés, avec quelques punchlines/scènes qu'il ne faut pas ôter du contexte de son époque), la péloche de Hugh Wilson, moins inventive et lunaire qu'une référence made in ZAZ, réussie pourtant là ou de nombreuses comédies échouent lamentablement - et encore plus aujourd'hui - : faire rire de tout à un rythme infernal, en provoquant une empathie immédiate pour sa (très) nombreuse galerie de personnages.
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Car c'est bien là sa plus grande force, avoir su créer, en faisant d'une intrigue facile et au fond totalement prétexte (pénurie de wannabe flics à l'académie de police, la maire de NY ouvre la porte à TOUS les citoyens de la ville pour s'inscrire, sans examen de passage), un mélange d'identification et de familiarité folle avec ses bras cassés divers et variés, un gang de losers magnifiques appelés à devenir des héros mais surtout des flics compétents, alors que tout laissait à penser qu'ils en seraient incapables.
Stéréotypes ambulants, on se prend d'affection et même de passion à suivre chacun d'eux, entre galères vachardes et vraies morceaux de bravoure improbable.
Que ce soit Carey Mahoney, leader né so cool qui fait tout pour se faire virer (génial Steve Guttenberg, visage important des 80's qui n'a jamais vraiment eu la carrière qu'il méritait par la suite) à Moses Hightower, véritable nounours au coeur d'or (feu le charismatique Bubba Smith), en passant par le génie du bruitage Larvell Jones (le talentueux Michael Winslow), la douce mais volcanique Laverne Hooks (Marion Ramsey), la tête brûlée accro aux armes Eugene Tackleberry (David Graf), le lunaire commandant Éric Lassart (George Gaynes, inspiré par Jacques Tati himself),
ou encore le très naïf Leslie Barbara (Donovan Scott) et l'imbuvable lieutenant Thaddeus Harris (immense G.W. Bailey); tous arrivent à nous toucher, nous faire rire et même nous émouvoir dans des séquences uniques (le test de conduite avec Hooks et Hightower, thématiquement forte dans ce qu'elle évoque, même involontairement) et même légendaires (la scène du podium avec Lassart - et sa réponse dans le final -, le catapultage de lieutenant dans un anus de cheval - true story -, le Blue Crystal Bar, véritable running gag de la franchise,...).
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À la lisière du film à sketches (pas aidé par la mise en scène sans saveur de Hugh Wilson), profitant encore pleinement de la nostalgie qu'il procure pour faire mouche, incarné par des comédiens totalement conscients pour la plupart, d'avoir trouvé le rôle d'une vie (sauf peut-être une Kim Cattrall débutante, qui ne reviendra d'ailleurs dans aucune suite), mais surtout sincèrement heureux de tourner ensemble (un esprit de famille et d'improvisation totale, qui se retrouvera dans tous les films de la franchise), le cultissime Police Academy invoque une implication certaine de son auditoire pour dépasser son statut de comédie foutrement banale.
Mais si, et seulement si son spectateur - tout comme l'auteur de ses mots, bercé depuis sa tendre jeunesse avec -, décide de se laisser séduire parce qu'il s'échine à dégainer avec dynamisme à l'écran, la magie opère instinctivement et fait du film, tout comme ses nombreuses et inférieures suites (que l'on ne visionne uniquement pour retrouver les personnages, et clairement pas pour leurs qualités technique et scénaristique), un plaisir coupable cartoonesque d'une époque surranée qui vieillit un peu mal (bon, beaucoup), tout en survivant étonnamment bien - pour les initiés - aux visions multiples.
Parce que oui, on ne peut pas toujours être dingue de grands films...
Jonathan Chevrier