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[FUCKING SERIES] : 13 Reasons Why saison 3 : Malaise à Liberty High


(Critique - avec spoilers - de la saison 3)



Gageons qu'avec un tout petit peu d'attention, on pouvait très (trop) facilement établir une encyclopédie en dix-huit volumes de tout ce qui n'allait pas au sein de l'intrigue foisonnante et totalement bancale des deux premières saisons de 13 Reasons Why, tout autant qu'il était pourtant bien ardu de ne pas en faire un vrai plaisir coupable dont il était très difficile de se détacher au moment du générique de fin d'épisode, la faute à des personnages certes croqués à la truelle, mais finalement férocement attachants dans leurs imperfections.


Copyright David Moir/Netflix

Une appréciation complètement contradictoire qui caractérise cruellement bien le show, entre empathie profonde et répulsion abjecte dans certaines de ses envolées "réalistes" et brutales souvent totalement gratuites (le viol de Tyler en tête), et à la justification proprement ridicule.
Un entre-deux que l'on pensait volontairement balayé par les showrunners via la troisième cuvée d'épisodes, enfin débarrassée à tous les niveaux du fantôme d'Hannah mais tuant sensiblement dans l'oeuf le rebondissement imposant de son intrigue mère, et ce dès les premières secondes d'une campagne promotionnelle maladroite mais heureusement plus timide que les précédentes - même sur les réseaux sociaux, où elle a tardivement pointée le bout de son nez.
Sans trop spoiler puisque le titre l'annonce tellement fort que même un aveugle l'aurait assimilé sans avoir à le lire, cette saison 3 s'articule, huit mois après les événements de la saison 2 (comprendre : le procès entourant la mort d'Hannah et le carnage avorté de Tyler), autour de la mort tant espérée de la crevure Bryce Walker - formidable Justin Prentice -, dans une sorte de Cluedo grandeur nature à Liberty High, impliquant tout le monde et mené par une wannabe Veronica Mars qui a tout de la tête à claque ambulante.
Exit les tergiversations d'un Clay plus mou du genou qu'un carambar ramoli au micro-ondes et dont les prises de décisions étaient un festival d'immaturité/imbécilité absolue (ne vous inquiétez pas, il est toujours là au premier plan), bonjour l'arrivée donc d'Ani, une Clay 2.0 encore plus insupportable et au raisonnement proprement indécent de ridicule, une "héroïne" écrite avec les pieds et dont l'antipathie totalement assumée frise avec un génie créatif définitivement sans bornes.


Copyright David Moir/Netflix

Catapultée voix-off totalement connectée aux autres (c'est ce qu'on appelle une intégration rapide hein) et plus où moins vedette/point de vue central d'un show dont elle est pourtant la dernière arrivante en date (bonne idée d'en faire LE garant de la morale quand elle est pourtant un modèle d'ingérence et de contradiction), on suit donc sa vision douloureuse - uniquement pour le spectateur - du "drame" de la mort de Bryce, dans un chamboulement des cartes et des personnages sournoisement abject, visant à rendre touchant un adolescent immonde pour lequel on n'a absolument pas envie de ressentir la moindre sympathie.
Car, au-delà de nous ressortir une intrigue policière à la temporalité brisée totalement réchauffée à la crédibilité plus que relative - pour être poli, puisque rien ne tient debout -, tentant vainement de maintenir un suspens sous Prozac durant treize très (très) longs épisodes au dénouement WTF-esque (plombé le personnage d'Alex pour en faire un tueur du pauvre, avant de créer un soutien de masse WTF-esque du "gang" pour faire accuser Monty, l'autre crevure du show, et le faire in fine mourir en taule sans que l'on sache réellement pourquoi d'ailleurs... ok), les showrunners ont la bassesse d'esprit et la morale aux abonnés absents, de tenter de faire gober à son auditoire la pillule d'une réhabilitation larmoyante d'un violeur et d'un agresseur sexuel, dans une glorification en prout majeur sur la possibilité d'être quelqu'un de sensible malgré tous les actes inhumains que l'on a pu commettre dans un passé excessivement proche.
De " qui a tuer Bryce ? ", on passera ni vu, ni connu je t'embrouille à un " pardonnons Bryce ", opéré avec une complaisance à la limite du supportable et un saccage en bon et dû forme de toutes les bonnes intentions - déjà fragiles - du show jusqu'à aujourd'hui (notamment la reconstruction de deux de ses victimes bien vivantes : Chloé, dont l'avortement est un passage puissant, et Jess, qui trouve son salut dans l'activisme).


Copyright David Moir/Netflix


Le rip-off mal torché de l'intégrale de Veronica Mars passe encore, idem pour ce souci totalement maladif de se garder des mêmes tics narratifs malgré l'absence d'Hannah (se borner à toujours se caler tout du long sur une seule et unique voix), mais chercher à humaniser un personnage - voir même deux - qui n'avait nullement besoin de l'être (on ne naît pas connard certes, on le devient mais cela ne justifie ni n'excuse pas les actes commis et surtout, répétés), le tout en accumulant une pléthore de thèmes placés au forceps (l'homosexualité refoulée en tête) et en ne se fatiguant même plus à developper des personnages centraux à la partition inégale - tout le monde fait du surplace, et s'en balance -; c'est l'ultime goutte de pisse qui fait déborder la cuvette de l'aberration.
Totalement à la rue face à une concurrence bien plus juste et à l'écriture nettement moins gênante sur des thèmes pourtant aussi cruciaux (la récente Euphoria lui fait très, très mal au jeu des comparaisons), glissant lentement, très lentement sur la pente savonneuse du teen drama ringard et ennuyeux à mourir malgré quelques fulgurances à peine notable (la bromance sympathique entre Clay et Justin, mais surtout les scènes d'émotions avec Tyler, qui est le rayon de soleil de cette saison, et peut-être tout simplement le meilleur personnage de la série, sans oublier la présence fantastique du grand Mark Pellegrino, parfait dans la peau du père flic d'Alex,...), cette saison 3 arrive à royalement user l'essence même de notre intérêt pour le show et des personnages que l'on appréciait sincèrement jadis.
Pire, au-delà d'un happy end à la limite du foutage de gueule profond (tout le monde passe un joyeux Thanksgiving comme si rien n'était, et Clay se met même en couple avec Ani... ok bis), le final met déjà en lumière les grosses ficelles d'une saison 4 qui va ssns doute tirer encore plus sur la corde d'une intrigue qui n'avait décemment pas besoin de cela pour paraître déjà interminable à nos yeux (Winston, bien décidé à ne plus faire accuser Monty du meurtre de Bryce, les pellicules de Tyler,...).

Copyright David Moir/Netflix

Faire de la psychologie irrationnelle et imprévisible de l'adolescence un moteur du récit est une idée louable et pas illogique en soit, surtout quand on se fixe à parler de vrais problèmes universels (même si toujours amenés sur le terrain du conflit, car c'est visiblement le seul moyen pour parler et admettre les choses...), mais en faire le justificatif constant d'une écriture paresseuse, caricaturale et rarement défendable (voire même totalement dangereuse dans ce qu'elle montre et défend, quand on sait que son public cible est adolescent), s'en est complètement une autre.
13 Reasons Why a décemment choisi son camp cette année, définitivement le mauvais...


Jonathan Chevrier