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[CRITIQUE] : Dieu existe, son nom est Petrunya


Réalisatrice : Teona Strugar Mitevska
Acteurs : Zorica Nuscheva, Labina Mitevska, Simeon Moni Damevski, Stefan Vujisic, ...
Distributeur : Pyramide Distribution
Budget : -
Genre : Drame, Comédie dramatique
Nationalité : Macédonien, Belge, Français
Durée : 1h40min

Synopsis :
A Stip, petite ville de Macédoine, tous les ans au mois de Janvier, le prêtre de la paroisse lance une croix de bois dans la rivière et des centaines d’hommes plongent pour l’attraper. Bonheur et prospérité sont assurés à celui qui y parvient. Ce jour-là, Petrunya se jette à l’eau sur un coup de tête et s’empare de la croix avant tout le monde. Ses concurrents sont furieux qu’une femme ait osé participer à ce rituel. La guerre est déclarée mais Petrunya tient bon : elle a gagné sa croix, elle ne la rendra pas.



Critique :


Tout part d’un fait divers, pendant l’année 2014. Une jeune femme a plongé récupérer une croix, une tradition dans les pays de l’est orthodoxe. Les femmes ne sont pas admises dans cette fête, pourtant cette femme n’a pas lâché et n’a pas voulu rendre la croix, ce qui lui a bien sûr valu un tollé de la part de la communauté religieuse masculine. La réalisatrice Teona Strugar Mitevska a donc trouvé le sujet de son prochain film, et Dieu existe son nom est Petrunya est né.



Petrunya est une jeune femme de trente-deux ans, vivant encore chez ses parents car elle n’a pas trouvé d’emploi après ses brillantes études d’histoire. Sa mère désespère et essaye de lui trouver un boulot, n’importe lequel, allant même jusqu’à lui demander de mentir sur son âge pour qu’un employeur accepte de l’embaucher (avoir vingt-cinq ans et non trente-deux aide il paraît). La Macédoine, bien qu’elle soit un jeune pays (existe depuis 1991 après la dissolution de la république yougoslave) est encore bien ancrée dans la religion, avec des traditions patriarcales. Les femmes sont donc priées de se marier, de faire des enfants. Les hommes se moquent du diplôme de Petrunya car il ne lui sert à rien. Tout ce qu’on lui demande c’est être belle et surtout de se taire. C’est pourquoi l’employeur trouvé par sa mère lui rit au nez, il n’a pas envie de lui donner sa chance car elle est “moche et pas baisable”.
Après cet entretien dégradant, Petrunya tombe sur la fameuse tradition. Le prêtre est sur le point de lancer la croix dans la rivière, les hommes sont sur la ligne de départ. Celui qui l’a prendra aura bonheur et prospérité pendant l’année. Sans réfléchir, Petrunya saute et attrape la croix. Les hommes sont en colère et elle s’échappe avant les représailles. Malgré les années, aucune femme n’a eu l’audace de sauter et les autorités font face à un événement sans précédent. Même si le geste de la jeune femme paraît sous le coup d’une impulsion il va se révéler être salvateur et libérateur pour elle, lui permettant de défier les pouvoirs mis en place par une société qui veut la museler. Mais elle n’est pas prête à se laisser faire.
Teona Strugar Mitevska a choisi une actrice de théâtre pour interpréter sa Petrunya. Zorica Nuscheva joue donc pour la première fois dans un long métrage. Pourtant, l’actrice crève l’écran. Venant du monde de la comédie, Nuscheva a un sens inné du rythme, lui permettant de débiter ses répliques cinglantes avec panache et conviction. Il est aussi intéressant de souligner qu’elle ne fait pas partie d’une beauté normée à la sauce hollywoodienne, et que son poids n’est pas le centre de l’intrigue. Il est peut-être temps, en 2019, de suivre cet exemple.



La réalisatrice a choisi de nommer uniquement son personnage principal, l’entourant donc d’entité pour l’enfermer un peu plus dans une société qui ne fait rien pour les femmes. Le père, la mère, les policiers, le prêtre, la journaliste, etc … Ils ont tous un trait de caractère définissable et unique, tandis que Petrunya est complexe et passe par toutes sortes d’émotions. Le père est protecteur, la mère trop collante à la limite du toxique, le prêtre la juge, les policiers essayent de la culpabiliser de leur faire perdre leur temps et la journaliste voit dans cette histoire un moyen d’en faire un sujet féministe (comme la réalisatrice ?). Petrunya est entourée de violence. Que ce soit sa mère qui la dénonce aux autorités, le prêtre qui la menace, les hommes (ceux de la rivière) qui l’attendent de pied ferme devant le commissariat, hurlant à la justice et montrant avec justesse comment une femme peut être la cause d’une concentration de haine par un groupe d’hommes. Cela fait froid dans le dos. D’abord effrayée, Petrunya ne se laissera pas faire. La deuxième moitié du film, qui se passe en presque huis-clos dans le commissariat va lui apprendre à résister à la pression de la société. Elle va apprendre à se faire confiance et à se révéler, une jeune femme intelligente dont les codes d’un ancien monde ne lui conviennent pas. La réalisatrice veut faire de cet acte de résistance un modèle pour toutes les femmes, appuyé par la fin où elle filme de face tous les visages des femmes du film. Petrunya marche dans un chemin de neige, libérée du joug patriarcale. La jeune femme amère et en colère a disparu, laissant place à une femme déterminée sachant qui elle est.



Tout combat a son importance. C’est que veut démontrer Teona Strugar Mitevska dans Dieu existe son nom est Petrunya. Car chaque combat peut faire effet boule de neige, incité d’autres personnes et ainsi de suite. C’est comme cela que nous construirons une nouvelle société, laissant de côté les codes sexistes qui régissent encore. La réalisatrice nous donne à avoir un beau portrait de femme courageuse, qui par un acte innocent défie toute une société patriarcale.


Laura Enjolvy



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