[CRITIQUE] : The Ugly Stepsister
Acteurs : Lea Myren, Thea Sofie Loch Næss, Ane Dahl Torp, Flo Fagerli,...
Distributeur : ESC Films
Budget : -
Genre : Comédie, Épouvante-horreur.
Nationalité : Norvégien, Suédois, Polonais, Danois.
Durée : 1h45min.
Synopsis :
Dans un royaume où la beauté règne en maître, la jeune Elvira doit faire face à une redoutable concurrence pour espérer conquérir le cœur du prince. Parmi les nombreuses prétendantes, se trouve notamment sa demi-sœur, à l'insolente beauté. Pour parvenir à ses fins dans cette impitoyable course au physique parfait, Elvira devra recourir aux méthodes les plus extrêmes...
L’une des beautés des contes se trouve dans leur évolution, à force de se transmettre par diverses générations dans des formats variés, chaque nouvelle voix apportant une consistance différente au récit de base. Il suffit de voir ce que certaines personnalités comme Christophe Gans et Guillermo del Toro ont fait avec La Belle et la Bête et Pinocchio pour constater ce rajeunissement constant de récits d’époque qui conservent néanmoins une pertinence quasi contemporaine. À cette liste de réinventions de contes s’ajoute le surprenant Ugly Stepsister, entouré d’une très bonne réputation en festival que l’on se doit de confirmer.
En réorientant le conte de Cendrillon par le regard d’une des deux demie-sœurs de l’héroïne habituelle du récit, Emilie Blichfeldt amorce un nouvel axe narratif aussi drôle que désarmant. Le récit mêlange les rêveries naïves d’une jeune femme espérant juste être aimée par le prince et la réalité d’un monde où les confrontations s’orientent perpétuellement sur la question du corps. La mise en scène joue beaucoup d’une esthétique surappuyée pour mieux la pervertir, comme une manière de souligner la véracité sexiste d’une société où l’adaptation au regard de l’autre est jeu de pouvoir, quête perpétuelle de satisfaction de soi uniquement dans les yeux d’autrui.
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Vertigo Releasing/PA/ESC Films |
Dès lors, les sursauts organiques bien graphiques du récit sont aussi impactants que cohérents, cherchant à déconstruire et reconstruire ce corps féminin au centre du récit afin de rendre littéralement les rêves réels. Le film ne manque pas d’instants où des visuels emplis d’espoirs vains se confrontent à ceux d’une cruauté réaliste, tout en n’hésitant pas à aller aussi loin que son héroïne pour atteindre ses ambitions. La pression imposée par une mère en quête de pouvoir et d’argent appuie ce malaise du corps et cette violence aussi accentuée dans sa représentation qu’induite par le comportement extérieur.
En réaxant le point de vue de Cendrillon dans un autre regard où l’espoir est toxifié par l’ambition extérieure, The Ugly Stepsister réinvente intelligemment et graphiquement le conte avec une pertinence contemporaine aussi attirante que repoussante. Emilie Blichfeldt n’hésite pas à jouer la carte d’une provocation visuelle régulière tout en conservant au centre du long-métrage ses thèmes avec beaucoup d’amusement et de réflexion. La violence sexiste et classiste qui transparaissait auparavant se densifie par cette relecture brutale qui mérite largement d’être soutenue. Attention néanmoins aux plus sensibles, ses sursauts graphiques sont largement mémorables !
Liam Debruel