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[CRITIQUE] : Les Veuves


Réalisateur : Steve McQueen
Acteurs : Viola Davis, Michelle Rodriguez, Elizabeth Debicki, Cynthia Erivo, Liam Neeson, Colin Farrell, Daniel Kaluuya,...
Distributeur : Twentieth Century Fox France
Budget : -
Genre : Thriller, Drame
Nationalité : Britannique, Américain.
Durée : 2h09min.

Synopsis :
Chicago, de nos jours. Quatre femmes qui ne se connaissent pas. Leurs maris viennent de mourir lors d’un braquage qui a mal tourné, les laissant avec une lourde dette à rembourser. Elles n'ont rien en commun mais décident d’unir leurs forces pour terminer ce que leurs époux avaient commencé. Et prendre leur propre destin en main…



Critique :


Sur le papier, imaginer un cinéaste aussi engagé et brillant que Steve McQueen, quitter la veine politico-sociale qui régissait jusqu'alors son cinéma pour aller se frotter, non sans risque, au genre ultra-codifié et exigeant du film de casse, dans l'idée de se l'approprier en adoptant un show britannique oublié des 80's dont il s'est entiché depuis l'adolescence (le tout avec l'appui au scénario de Gillian " Gone Girl " Flynn), avait de quoi surprendre... ou pas, quand on connaît la passion du metteur en scène anglais pour narrer des odyssées réalistes sur de véritables marginaux, des outsiders victimes à différentes échelles, de la société aussi bien d'hier qu'aujourd'hui.



Et quoi de plus marginales que quatre femmes d'univers et d'origines complètement différentes, obligées de se lancer dans un dangereux braquage autant pour éponger la dette comune contractée par leurs défunts maris, que pour littéralement sauver leur peau ?
Plus encore que ses précédents essais, Les Veuves de Steve McQueen est presque faîte pour diviser, pour titiller et instaurer le débat au sein de son auditoire, à la fois pour la richesse des thématiques qu'il aborde, que de par la manière dont il les couche sur la pellicule.
Véritable roaller-coaster tendu façon survival haletant et nerveux riches en rebondissements, McQueen use de l'énergie du film de braquage (à la crédibilité discutable, plus proche du tout commun que d'un millésime " Mannien") pour mieux brosser un regard féroce et acéré de l'Amérique contemporaine au sein du bouillant cadre de Chicago (sublimé, véritable personnage à part entière du métrage), loupe parfaite pour pointer du doigt la corruption - surtout politique -, le racisme, la religion, les inégalités économiques et sociales et le sexisme, en plaidant intelligemment la cause des femmes et de leur émancipation par la force.



Car au-delà du simple pitch volontairement bis, Les Veuves est une vraie oeuvre féministe dans le corps et dans l'âme, porté par des personnages féminins à la psychologie chirurgicale, coutumière de la violence (elles sont confrontées autant aux violences intimes qu'à la vérité humaine de la cité dans laquelle elles vivent) et qui peuvent s'avérer dangereuse, embrassant leur noirceur autant par choix que par nécessité.
Un beau jeu sur les apparences et le déterminisme bigger than life, dans lequel Viola Davis les débats avec prestance dans la peau de la veuve d'un notable friqué se muant en leader d'une meute de lionnes attachantes même dans leurs fêlures (d'une Elizabeth Debicki touchante à une Michelle Rodriguez tout en sobriété, en passant par la révélation Cynthia Erivo, hypnotique).
Mention également à Colin Farrell, parfait en politicien véreux et Daniel Kuluuya, terrifiant et charismatique en diable.



Polar viscéral et sec porté par une mise en scène enlevée (quelques plans-séquences incroyables séduisent franchement la rétine), élégant même s'il se perd parfois dans ses innombrables virages idéologiques et scénaristiques (McQueen semble vouloir tout donner sur à peine deux heures), Les Veuves est un film de braquage au féminin hanté et hantant concocté par un cinéaste averti, pointant du doigt les maux du monde qu'il observe avec autant de colère que d'intérêt.
Peut-être l'oeuvre la moins percutante de sa filmographie (c'est dire l'infinie qualité de son cinéma), où tout est toujours une douloureuse question de survie, et qui risque de sensiblement rebuter plus d'un spectateur... mais pas nous.


Jonathan Chevrier