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[CRITIQUE] : The Homesman


Réalisateur : Tommy Lee Jones
Acteurs : Tommy Lee Jones, Hilary Swank, James Spader, David Dencik, Meryl Streep, Grace Gummer, William Fichtner, Miranda Otto, John Lithgow, Hailee Stanfield, Tim Blake Nelson, Jesse Plemons,...
Distributeur : EuropaCorp Distribution
Budget : -
Genre : Drame, Historique.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h02min.

Synopsis :
En 1854, trois femmes ayant perdu la raison sont confiées à Mary Bee Cuddy, une pionnière forte et indépendante originaire du Nebraska.
Sur sa route vers l’Iowa, où ces femmes pourront trouver refuge, elle croise le chemin de George Briggs, un rustre vagabond qu’elle sauve d’une mort imminente.  Ils décident de s'associer afin de faire face, ensemble, à la rudesse et aux dangers qui sévissent dans les vastes étendues de la Frontière.




Critique :

Tommy Lee Jones est, indiscutablement, l'un des derniers grands rois du cinéma ricain, au même titre que Clint Eastwood et Robert Redford, pour ne citer qu'eux.

Beaucoup pourront contredire cette affirmation, en arguant que le bonhomme s'est toujours évertué - certes maladroitement - à alterner tout au long de sa longue carrière, entre péloches douteuses et films de Vrais cinéastes.
Mais pourtant, un seul film, un seul ne peut que mettre tout le monde des cinéphiles d'accord sur l'immensité du talent du Jones, Trois Enterrements, sa première réalisation pour laquelle il s'est également offert le premier rôle.

Sublime quête existentielle à la fois mélancolique et patriotique suivant le sillage d'un Texan ramenant le corps de son meilleur ami au Mexique, abattu par la police des frontières, pour l'inhumer, le film d'une beauté sans nom, citait autant le cinéma de John Ford que celui de Sam Peckinpah, dans une puissante déclaration d'amour à son Texas chérit, prenant aux tripes son spectateur de la première et la dernière bobine de pellicule.

Bref, un pur chef d’œuvre, sans autre qualification possible.



Neuf ans plus tard, et une maturité encore plus imposante, le cinéaste nous revient donc avec The Homesman, de nouveau en compét au Festival de Cannes (Trois Enterrements était reparti avec le prix du scénario pour Guillermo Arriaga, et un prix d'interprétation pour Tommy Lee), pur western dont on supputait d'avance que sa richesse nous exploserait au visage, au moins tout autant que lorsque Eastwood s'était lui aussi essayé au genre qui l'avait intronisé au panthéon des légendes.

Adapté du roman de Glendon Swarthout, The Homesman ou l'histoire de Mary Bee Cuddy, qui dans le Nebraska des années 1850, est une fermière endurcie et solitaire, ayant tentée le pari fou comme nombreuses et nombreux pionniers de l'Amérique, à avoir décidé de s'installer dans les contrées vierges et hostiles de l'Ouest continent Nord Américain.
Avec sa foi en la Bible pour seul réconfort, elle décide de venir en aide et de convoyer trois femmes ayant perdu la raison, des épouses et des mères qui retrouveront la raison - ou pas - dans un refuge chrétien situé à l'Est dans l'Iowa.

Sur sa route, Mary Bee sauve un vagabond, le vieux soldat fatigué George Briggs, à qui elle propose finalement de l'argent en échange de son aide...

Sublime et intime voyage existentiel d'un duo un peu improbable - un mercenaire vieillissant et une femme forte mais désespérée -, à complet courant de la conquête de l'Amérique (soit d'Ouest en Est) dans une structure à rebours rappelant fortement Trois Enterrements, le film, d'une richesse de ton incroyable, est surtout et avant tout un incroyable portrait de femmes comme on en voit rarement sur grand écran.
Ces femmes d'hier qui, peu préparés à la dureté de la vie qui les attendait, sombre peu à peu d'une démence qui si de prime abord peu choquée, n'en reste pas moins infiniment logique.



Des pionnières dont l'éducation ne prêtait pas réellement à une vie à l'état presque sauvage, ou la dureté de leur condition dans une terre hostile (la pauvreté extrême notamment) n'a d'égale que la violence qu'elles peuvent subir, aussi bien physique (la violence conjugale, leur objectivation) ou psychologique (le manque de vie sociale, la solitude).
Un constat que trace Jones avec une honnêteté et une lucidité bouleversante, au point que sa description peut parfois, à certains égards, faire écho à la condition de la femme aujourd'hui, que ce soit par la violence qu'on peut lui faire subir, ou sa lutte pour l'égalité dans notre société actuelle.

Profondément politique et patriotique dans ses entrailles, The Homesman est également un hommage aux pionniers à la force d'évocation puissante, ne masquant rien de la violence et de la misère rencontré par la marche en avant d'une nation ne croyant pleinement quand la force de ses armes, du mérite et de la Bible.
Face à eux-mêmes, dénués de tout ou presque, les protagonistes du film vont devoir résister, se transcender aussi bien contre la dureté de dame nature (les immenses paysages américains, autant majestueux que désertiques et dangereux) que celle de l'être humain, pour mener à bien leur périple aussi spirituel qu'initiatique.

Une démystification de la conquête de l'Ouest ou tous les hommes ne sont pas forcément des héros, ou l'idée de partir vers l'Ouest n'est pas forcément qu'une volonté de Dieu, et ou toutes les quêtes, même les plus nobles, ne sont pas forcément les plus aisées et les moins douloureuses à mener.

Comme pour Trois Enterrements, Tommy Lee Jones parle de ses racines, de son Amérique qu'il connait si bien (et ou la terre et le ciel semblent se rejoindre comme nulle part ailleurs), et son vocabulaire visuel - une esthétique à tomber alliée à une habile gestion de l'espace et du cadre -, sonore - sublime composition tout en percussion de Marco Beltrami - et mythologique, définissent ce film comme une vision originale, personnelle et à plusieurs niveaux de lectures, de l'histoire américaine.



Péloche au récit épuré allant directement à l'essentiel, minimaliste, intimiste, remplie jusqu'à la gueule de scènes mythiques (du face à face tendu entre Jones et le précieux James Spader, en passant par l'expulsion de " squatteur " à l'explosif ou encore la rencontre avec des indiens assez terrifiants), d'hommages aussi bien à la complexité dramatique des westerns de John Ford qu'à la violence graphique de Sam Peckinpah, et portée par une gestion du rythme remarquable, l'impact du film ne serait cependant pas aussi imposant sans la composition parfaite d'un casting totalement voué à sa cause.

Un Jones des grands jours en premier lieu, bougon et tout en pudeur, entre le magnétisme d'Eastwood et le mutisme de Mitchum, et qui incarne un héroïque vieux mercenaire lessivé, qui trouve dans la quête de Mary Bee Cuddy, une ultime raison de vivre.
Cette dernière, campée par la sublime Hilary Swank, que l'on avait un peu perdu de vue - et que l'on ne veut plus jamais perdre de vue -, à la fois attachante, déterminée et indépendante, est quasiment à elle seule, la force motrice du métrage.

Flamboyant, enivrant, cruel, passionnant et vibrant, The Homesman est un classique instantané, un pur moment de cinéma offert aux cinéphiles de la part d'un Tommy Lee Jones qui prouve qu'il est décemment bien plus qu'un simple cinéaste doué, puisqu'il signe ni plus ni moins ici que le plus beau western (mais pas que) tourné depuis belle lurette.

Espérons juste que la prochaine fois - si il y en a une -, le bonhomme n'attend pas neuf nouvelles années pour nous faire mal, ce serait quand même bien con de nous priver de son génie pendant encore près d'une nouvelle décennie...


Jonathan Chevrier


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