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[CRITIQUE] : Une Promesse


Réalisateur : Patrice Leconte
Acteurs : Rebecca Hall, Richard Madden, Alan Rickman, Toby Murray,...
Distributeur : Mars Distribution
Budget : -
Genre : Drame, Romance.
Nationalité : Français, Belge.
Durée : 1h38min.

Synopsis :
Allemagne, 1912. Un jeune diplômé, d’origine modeste, devient le secrétaire particulier d’un homme âgé, patron d’une usine de sidérurgie. L’état de santé du patron se dégrade et lui impose de rester à domicile. Il y accueille le jeune homme pour travailler.
L’épouse du patron est une femme de trente ans, belle et réservée. Le jeune homme s’éprend d’elle, sans oser révéler ses sentiments. Dans le huis-clos de la demeure, couve cette passion amoureuse, sans geste ni parole, tout en regards et en silences.
Brusquement, le patron décide d’envoyer son protégé au Mexique, afin d’y superviser l’exploitation de mines de fer. L’annonce de ce départ provoque chez l’épouse une réaction désespérée. Le jeune homme réalise qu’il est aimé d’elle, lui aussi, en secret. Mais la présence du mari malade interdit à leur amour de s’accomplir ici et maintenant. L’épouse fait une promesse : au retour du jeune homme, dans deux ans, elle sera à lui.



Critique :

Un drame d'époque peu d'avant guerre, avec un amour impossible comme on les aime et le tout incarné, entre autres, par le génial Alan Rickman, le charismatique Richard " Robb Stark " Madden et la sublime Rebecca Hall...

Force est d'admettre que pour son nouveau long, Une Promesse, le frenchy Patrice Leconte sait salement alléché son cinéphile.
Et que dire de l'affiche, sobre et élégante, avec la Rebecca seule et regardant le ciel, pensive, qui nous laissait rêver d'une bande totalement vouée à son talent et à sa beauté.

C'est simple, depuis le superficiel mais enivrant Vicky Christina Barcelona de Woody Allen, je suis éperdument amoureux de la madame, et ce n'est pas ces excellents performances dans le puissant The Town et les précieux Frost/Nixon et The Awakening - on passera sous silence le piteux Lay The Favorite ou elle tient la vedette, et son apparition anecdotique dans Iron Man 3 -, qui mettront en doute ma passion débordante à son égard.


En attendant de voir ce qu'elle saura nous proposer dans le thriller SF attendu Transcendence, la voilà donc de retour avec le drame historique, genre qui lui a plutôt bien réussi dans l'excellente série BBC Parade's End, ou elle jouait Sylvia Tietjens, la femme un brin difficile du personnage principal, campé par l'inestimable Benedict Cumberbatch.

Une Promesse donc, ou la libre adaptation du roman de Stefan Zweig, « Le Voyage dans le passé », ou l'histoire d'une jeune ingénieur, Friederich, qui, en plein Allemagne d'avant Première Guerre Mondiale, gravit rapidement les échelons de la hiérarchie d'une fonderie dont le patron, Karl Hoffmeister, malade et sur ses derniers jours, pourrait bien voir en lui un potentiel successeur.

Mais le contact direct entre cet homme séduisant, devenu son secrétaire particulier, et la femme de celui-ci, Charlotte,  pourrait bien déboucher sur une liaison, vu que Friederich en tombe très vite follement amoureux ...

Réalisateur de péloches, pour la plupart, populaire (Les Bronzés font du Ski, Les Bronzés 3,...) et dramatique (L'Homme du Train, le sublime La Fille sur le Pont notamment), Patrice Leconte avait déjà tâter du film à costumes via Ridicule en 1996, mais jamais de la production européenne à aussi grande échelle, et en langue anglaise.

Et si l'on est encore une fois abasourdi devant le ridicule apparent de cette proposition cinématographique très commercial - une nouvelle allemande aux personnages allemands, joués par des britanniques dans la langue de Shakespeare, le tout signé par un français (!) -, difficile pourtant de ne pas tomber follement sous le charme de cette fameuse Promesse, merveilleux drame plein de douleur sur un amour aussi beau qu'impossible.


Il y a beaucoup du romantisme interdit et tortueux d'Anna Karenine dans Une Promesse, tant le couple Friedrich et Charlotte ressemble énormément à celui formé par Anna et Vronski, eux aussi obligé de masquer leur sentiment mutuel au grand jour, au risque de se heurter au cadre traditionnel de la société allemande/russe d'il y a un siècle.

Il y a même énormément du cinéma de la précieuse Jane Campion dans la manière très pure, gracieuse et élégante qu'à Leconte de décrire avec délicatesse et sans aucun pathos de supermarché, la tragédie de ces destins confrontés à leurs propres scrupules et aux conventions strictes de l'époque.

A la fois formidable portrait de femme moderne prisonnière de son milieu et drame intime sur un langoureux triangle amoureux - enjeux principal du récit malgré le tourment de la guerre en toile de fond -, ou le désir se doit d'être caché et ou la passion résiste au poids du temps et de la distance, à la fois fiévreux et intense mais surtout dénué de tout esprit académique, théâtral et faussement larmoyant, le film est surtout l'occasion pour trois acteurs de génies de montrer toute l'étendue de leur talents.

Définitivement trop rare, Alan Rickman est parfait dans le rôle du mari malade, à la fois jaloux et admiratif d'un Richard Madden impeccable, donnant étonnement de la profondeur au personnage de Friederich.
Mais la palme de l'excellence revient évidemment à Rebecca Hall, éblouissante en Charlotte Hoffmeister, épouse tiraillée entre son devoir d’épouse fidèle et les sentiments qu'elle ressent pour son fougueux amant.
Chacun de ces gestes, chacun de ses regards transpirent la sensualité et illumine la péloche de sa sublime silhouette.


Beau comme du Beaudelaire (belle photographie et surtout excellente b.o signée Gabriel " Le Patient Anglais " Yared), subtile, généreux et poétique, après le surprenant film d'animation Le Magasin des Suicides, Leconte semble vouloir de plus en plus s'éloigner de l'étiquette de cornaqueur de films populaires que le cinéma français lui avait coller sur le dos depuis plusieurs décennies, et ce n'est pas plus mal aux vues de ces deux dernières œuvres hautement plus personnelles.

Ou la Promesse d'un renouveau cinématographique des plus intéressants...


Jonathan Chevrier