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[CRITIQUE] : Aya De Yopougon


Réalisateur : Marguerite Abouet et Clément Oubrerie
Acteurs :  Avec ls voix Aïssa Maïga, Tella Kpomahou, Jacky Ido,...
Distributeur : UGC Distribution
Budget : -
Genre : Animation.
Nationalité : Français.
Durée : 1h24min.

Synopsis :
Fin des années 1970, en Côte d’Ivoire à Yopougon, quartier populaire d’Abidjan. C’est là que vit Aya, 19 ans, une jeune fille sérieuse qui préfère rester étudier à la maison plutôt que de sortir avec ses copines. Aya partage ses journées entre l’école, la famille et ses deux meilleures amies : Adjoua et Bintou, qui ne pensent qu’à aller gazer en douce à la nuit tombée dans les maquis. Les choses se gâtent lorsque qu’Adjoua se retrouve enceinte par mégarde. Que faire ?



Critique :

C'est toujours très louable et compréhensible de vouloir adapter soi-même, que ce soit sur le petit ou le grand écran, sa propre création.
Après tout, qui pourrait être mieux placé que les propres auteurs pour mettre en image une oeuvre, la majeure partie du temps, riche et complexe.
A l'instar de Joann Sfar - ici d'ailleurs présent au poste de producteur - et de sa propre adaptation de son Chat du Rabbin, Marguerite Abouet et Clément Oubrerie s'attaque donc a une adaptation en live et tout en animation, de leur roman graphique à succès Aya de Yopougon, riche de six tomes publiés chez Gallimard entre 2005 et 2010.

Pas une mince à faire donc, et encore moins d'avoir la volonté de s'imposer en plein été des blockbusters saturé en bandes d'animations pour mioches jamais gavés, péloches gonlfées aux images de synthèses et autre 3D inutiles, et surtout bien plus friquées et pimpantes qu'une toute petite production made in France.
Et pourtant...


Sous ses allures pas franchement reluisante et bâclée - l'anime pique souvent les yeux - Aya de Yopougon n'en demeure pas moins un excellent et surprenant divertissement, débordant de vie et fraichement réjouissant.

En prenant pour personnage principale - mais malheureusement souvent traité au second plan -, la jolie Aya, jeune fille modèle du quartier populaire et gentiment déluré de Yopougon, aka Yop City, tiraillée par une dualité intérieur entre ses désirs de libertés et d'élans féministes mais également son attachement profond pour ses racines africaines (ses valeurs et ses coutumes), Abouet - qui s'inspire largement de ses souvenirs personnels - et Oubrerie assène une forte critique d'une société résolument patriarcal et misogyne (les hommes sont soit de jeunes playboys, soit des pères ivrognes et infidèles, à la main lourde), tout en faisant une habile apologie du système D à l'africaine, soit la débrouillardise jusqu'à son extrême.

Une image aussi rafraichissante qu'inhabituel de l'Afrique au cinéma.

Différente car plus qu'un petit Kirikou qui ne fait que courir à cent à l'heure entre les cases, ou une vision télévisé d'un continent gangrené par la guerre et la famine, Aya fuit l'idée souvent trompeuse d'une Afrique dramatisée et clichée - sans pour autant y masquer ses lourdes déviances (le mariage arrangée, la vision réductrice de la femme), pour en offrir une plus drôle et infiniment plus attachante.



Originale, colorée, juste et savoureuse, cette histoire universelle d'une ado dans l'âge délicat, studieuse et en quête de liberté et d'indépendance, aurait pu clairement postuler au titre de chef d’œuvre indiscutable, si certains de ces gros défauts ne venaient pas entacher sa bonne tenue finale.
Car outre une animation vraiment gênante - minimaliste, statique et manquant cruellement de fluidité -, la bande pâtit surtout de son portrait beaucoup trop choral de Yop City, un traitement des personnages assez limite dans la généralité, certains allant même franchement vers la caricature facile.

Fort heureusement, l'enthousiasme ambiant du métrage, bien aidé par la voix off sucrée d'une Aissa Maiga impliquée, d'une b.o afro-cubaine entrainante et d'un ton loufoque et décalé - mais judicieusement assumée -, et sa vision d'une Afrique digne même dans ses désillusions, font de cet Aya un joli et court (ça ne dépasse même pas les quatre-vingt minutes) moment de cinéma, pas entièrement abouti mais franchement intéressant.



En évitant soigneusement les clichés tout en s'assurant de reconstituer avec réalisme la Côte D'Ivoire des seventies - avec les pubs kitchissimes de l'époque en prime -, Marguerite Abouet et Clément Oubrerie s'en sortent remarquablement bien pour leur première incursion exigeante sur grand écran.

Certes loin d'incarner le feel good movie de l'été 2013, Aya n'en reste pas moins un divertissement dynamique parfait pour faire une pause entre deux blockbusters US pétaradant, et c'est déjà pas mal.


Jonathan Chevrier

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