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[CRITIQUE] : Prisoners of The Ghostland



Réalisateur : Sono Sion
Acteurs : Nicolas Cage, Bill Mosley, Sofia Boutella, Nick Cassavetes,...
Distributeur : -
Budget : -
Genre : Action, Thriller, Épouvante-horreur.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h40min

Synopsis :
Hero, criminel notoire, est envoyé au secours d'une fille kidnappée ayant disparue dans un univers surnaturel. Au sein de ce territoire qu'on appelle le Ghostland, ils vont essayer de briser la malédiction qui les garde captifs de mystérieux revenants.



Critique :


Ce n'était qu'une question de temps pour que deux figures aussi imprévisibles et éclectiques telles que Sono Sion et Nicolas Cage, accessoirement deux bonhommes méchamment prolifiques (un défaut cela dit, pour le second), ne s'entrechoquent pour un projet en commun.
Restait à savoir où se localiserait cette rencontre folle, si Cage allait quitter ses DTV faisandés tournés entre le trou du cul du pays de l'oncle Sam ou entre deux usines à yaourt désaffectées bulgares, où si le Sono allait sauter le pas comme bon nombres de cinéastes nippons, et traverser l'Atlantique avec sa caméra.
Finalement, c'est le premier qui s'est décidé (suite à la crise cardiaque du second, qui prévoyait de tourner au Mexique courant 2019), alors que Sono a fait la concession pas forcément compréhensible, d'abandonner son irrévérence si reconnaissable pour embrasser un mood un poil plus sage mais néanmoins barré.
Et voilà qu'est né Prisoners of The Ghostland donc, sorte de thriller post-apocalyptique à l'humour idiosyncratique, de western spaghetti-gonzo sous néons et de récit rédempteur sauce samouraï-occidental, avec un Nic tout de cuir vêtu et à l'entrejambe - littéralement - piégé.

Copyright XYZ Films

Louchant d'une manière à peine masquée sur le pitch du diptyque Escape From New York/Escape from Los Angeles, tout autant que sur la fureur post-apo de Mad Max 2 (et les obsessions de Miller), le tout avec une grosse pointe de fièvre multidimensionnelle à la Terry Gilliam, le film fait s'affronter l'Est contre l'Ouest dans un déluge de balles et de coups d'épées; une bataille royale mi-Rashomon, mi-bis rital dans un étrange pays des merveilles peuplé de superfreaks, de rednecks turbo-nucléaires, de zombies et de psychopathes déchaînés.
À l'instar du Doomsday de Neil Marshall, vraie ode débrouillarde et couillue au post-nuke qui louchait déjà trop sur Miller et Carpenter (tout autant qu'il avait un script de fanboy génial mais atrocement fragile), Prisoners of The Ghostland a une générosité aveugle qui ne se refuse rien, convoquant instinctivement le plaisir régressif d'une époque folle ou les bandes décérébrées et honnêtes même si profondément perfectibles, squattaient abondamment dans les vidéo-clubs.
Dommage dès lors, que le scénario prétexte et totalement incohérent (tout du moins plus qu'il ne le devrait l'être), ne vienne un peu casser l'ambiance, laissant la furieuse impression qu'il n'appartient pas totalement à Sono Sion (malgré des éclats si familiers de son cinéma), ni même à Nic Cage (dans l'un de ses meilleurs rôles de la décennie, avec Joe et Mandy, même s'il semble avoir trop souvent le pied sur le frein), et qu'il ne peut de facto jamais répondre aux énormes attentes qu'il suscitait depuis longtemps.

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Et pourtant, dans cet immense chaos confus à la violence insensée fleurant bon l'amour du bis (pas la pièce la plus abordable de l'édifice puissant qu'incarne la filmo de Sion), où chacun a le temps de briller (que ce soit Bill Mosley, formidable en crevure absolue, Tak Sakaguchi et son charisme dingue où Sofia Boutella, dont la prestation ne dénote absolument pas dans la folie du métrage), le tandem semble toujours savoir où il se trouve et ce qu'il est censé faire (pas besoin d'apprécier l'intrigue pour se délecter de la folie de la mise en scène du génie nippon).
Raison de plus pour espérer un second rendez-vous entre les deux, ou le penchant sauvage qui bouillonne ici mais n'explose jamais totalement à la surface, puisse enfin pleinement se déchaîner et nous éblouir.


Jonathan Chevrier



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Sono Sion est un réalisateur ultra-prolifique, enchaînant les projets qui oscillent entre commandes à la qualité variable et grandes œuvres. Il est rare que tous ses films arrivent en France mais l’Etrange Festival nous a fait le plaisir, cette année, de présenter Prisoners of the Ghostland dans le cadre de sa compétition Nouveau Genre. La première production américaine de Sono Sion met en scène Nicolas Cage et a provoqué, lors de l’annonce du projet, de grands émois chez les fans du réalisateur. Dans ce nouveau film, un homme est fait, à la suite d’un braquage qui a mal tourné, prisonnier dans une sorte de communauté au sein d’un monde post-apocalyptique. Le grand gourou de cette communauté, un homme au costume blanc, qui rappelle la tenue des colons du sud des Etats-Unis au 19ème siècle, charge son prisonnier d’une mission : retrouver sa petite-fille (Sofia Boutella) disparue dans le monde rude qui les entoure. S’il échoue, la tenue qu’il porte explosera.

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Prisoners of the Ghostland commence par esquisser un univers à la direction artistique fascinante, alignant des symboles Occidentaux comme Orientaux, mêlant des décors traditionnels à l’ultra-moderne, dans une sorte de ville sortie tout droit d’un western. Cette relation entre Orient et Occident est l'une des thématiques chefs du film, qui l’accompagne tout le long, comme si Sono Sion souhaitait démontrer en images la production de son premier film américain et le rapport qu’il entretient avec ce pays. Sa ville imaginaire est peuplée de geishas, de cowboys et d’hommes de main issus de divers horizons (on note la présence de Constant Voisin, un francophone qui s’est démarqué pour son travail sur le réalisateur et qui semble désormais participer à ses films). Ce premier monde, sorte de décor théâtral, n’est qu’un microcosme au sein d’un désert aride qui est une référence clairement assumée à Mad Max et plus particulièrement au dernier film de la franchise : Fury Road. Le parcours du héros, cherchant la rédemption, est similaire. Il est accompagné d’une jeune femme qui fuit l’oppression des puissants – qui représentent aussi son asservissement. Sous ses volontés psychédéliques (au sens étymologique du terme), Prisoners of the Ghostland est un film qui s’appuie de manière quasi-systématique sur ses références et symboles. Le personnage principal se voit, à travers une scène comique, atteint dans la représentation de sa virilité, le peuple d’une ville dans laquelle il fait escale est soumis à un travail manuel éreintant… Le tout sur fond d’extraits des Hauts de Hurlevents – on connait l’amour du réalisateur pour l’insertion de la littérature dans ses créations, et ce depuis le début de sa carrière même si l’exemple le plus évident est Guilty Of Romance. Il est dommage de constater que si l'on ne connaît pas l'oeuvre (qui traite, sous couvert d'un amour rude, de luttes des classes et de racisme), on est un peu perdu face à cette intégration qui représente paradoxalement, dans le récit, une volonté d'apporter une culture académique à tous.

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Le résultat est une œuvre extrêmement riche, dans laquelle chaque plan représente une part de notre monde actuel, face à un désastre social et écologique, mais aussi très déroutante. Sono Sion ne se soucie guère, dans un premier temps, de la compréhension du spectateur et ne lui facilite pas la tâche à travers des conventions scénaristiques balayées d’une main moyennement habile. Le déroulé comme le fond sont pourtant relativement simples quand on connaît le travail du réalisateur. Il convoque, une nouvelle fois, la pop culture autant que les traditions, pour obtenir un résultat qui, aurait dû (ou du moins semble-t-il) invoquer autant les masses que les spécialistes. Pourtant, Prisoners of the Ghostland souffre de gros défauts. En multipliant les symboles, il finit par s’appuyer uniquement sur eux, proposant quelque chose d’à la fois abstrait et indigeste. La sensation que le réalisateur n’est pas parvenu à s’approprier le scénario (qui n’est pas de lui) persiste, comme s’il était resté bloqué entre deux chaises et n’avait pas trouvé de ton directeur pour son film. Il plaque parfois des images un peu trop évidentes dans le cadre, comme si le texte ne lui avait pas permis de mieux les accorder.

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Prisoners of the Ghostland est finalement un film-musée, qui cherche à jouer avec les codes du film de gangsters, du western, mélangés à des motifs du pays natal de Sono Sion, mais qui ne parvient pas à se hisser au-delà de ses expositions. Ni le film le réussi ou le plus abordable de Sono Sion, ce curieux objet postmoderne est inabouti, bien qu’il demeure extrêmement riche et fascinant, proposant un mélange détonnant de cultures, abordant les sujets du capitalisme, des conditions sociales, sur fond d’écologie. C’est, dans ce sens, un pur produit de notre époque. 

 
Manon Franken