[CRITIQUE] : Rocks
Réalisatrice : Sarah Gavron
Acteurs : Bucky Bakray, Kosar Ali, D’angelou Osei Kissiedu, Shaneigha-Monik Greyson...
Distributeur : Haut et Court
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Britannique.
Durée : 1h33min.
Synopsis :
Rocks, 15 ans, vit à Londres avec sa mère et son petit frère. Quand du jour au lendemain leur mère disparait, une nouvelle vie s’organise avec l’aide de ses meilleures amies. Rocks va devoir tout mettre en oeuvre pour échapper aux services sociaux.
Critique :
Film social britannique, #Rocks arrive à trouver un ton surprenant mais bienvenu, dénué de tout jugement moralisateur ou de lourdeur. Un beau portrait adolescent d’aujourd’hui, captant par son atmosphère douce-amère toute la complexité de la jeunesse. (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/foSQrWfFvH— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) September 10, 2020
Sarah Gavron revient après Les Suffragettes avec son nouveau long métrage présenté à tort comme le nouveau “Ken Loach au féminin”. Un film frais et vitaminé, malgré son propos sérieux sur les affres d’une jeune adolescente délaissée par sa mère.
La réalisatrice se défait du film historique, semi-biopic sur le mouvement féministe des suffragettes en Angleterre, d’une mise en scène structurée au profit d’une véritable expérience, avec son nouveau film Rocks. En collaboration avec ses co-scénaristes Theresa Ikoko et Claire Wilson, Sarah Gavron a fait appel à une troupe d'actrices non professionnelles, qui ont participé activement à l’écriture du scénario, en apportant leur propre vécu. Tourné dans le quartier de Hackney de Londres, ces véritables expériences apportent une touche de fraîcheur à ce film qui n’hésite pourtant pas à sonder des sujets graves et sérieux.
Rocks est le surnom de Shola (étonnante Bukky Bakray), jeune fille chaleureuse, mais arborant un aspect dur si besoin est. Le film débute par le personnage, entouré de sa bande d’amies sur un toit surplombant la City de Londres. Elles chantent, dansent, avec cette innocence adolescente, une séquence spontanée, fun, choses qui ponctuera le film par petite touche. Sarah Gavron abandonne sa caméra à ces jeunes filles, vibrant de leur jeunesse et de leur volonté de rire de tout. Rocks va vite déchanter cependant. Sa mère, aimante et dévouée l’abandonne, avec un petit mot sur le plan de travail de la cuisine, la laissant s’occuper seule de son petit frère Emmanuel. Le film nous dit bien vite que c’est une situation déjà expérimentée par la fratrie. Rocks prend alors cette nouvelle à la légère, certaine de son retour d’ici deux, trois jours. Elle va en cours l’air de rien, chahute avec ses camarades. Pourtant, à seulement quinze ans, elle porte maintenant le monde sur ses épaules. Elle doit s’occuper de son jeune frère, qui ne comprend pas bien la situation. Gérer le ménage, les factures impayées, la tension permanente. Mais Rocks ne veut pas se délester de ce poids en parlant de son problème à un adulte, même à ses amies, qu’elle finit par délaisser. Parce qu’elles ne partagent plus les mêmes centres d'intérêt, Rocks étant passée de la phase enfant à la phase adulte responsable en un éclair. Elle se rapproche de la petite nouvelle de la classe, Roshe, qui représente un moyen d’échapper aux regards de pitié de sa meilleure amie Sumaya. Elle peut même l’aider à gagner vite de l’argent. Il est parfois plus facile de fuir ses problèmes plutôt que les surmonter devant ses proches.
Malgré le propos du film, creusant profondément la détresse du personnage, Rocks est lumineux. Il porte en lui une énergie communicative, aidée par la mise en scène de Sarah Gavron laissant de côté le style ampoulé de son précédent métrage Les Suffragettes, pour venir capter les moindres gestes de ses héroïnes. La réalisatrice vient alors mettre en image ce passage d’une vie où tout est vécu intensément et où rien n’est constant. Les journées se parsèment de découverte. Dans le cas de notre protagoniste, elle va de déconvenue en déconvenue, le récit soulignant l’injustice qu’elle est en train de vivre. Une insaisissable détresse vient frapper Rocks, qui sans le vouloir va défier les autorités dans une impulsivité souvent liée à la jeunesse, expliquée ici par le l’amour qu’elle porte à son frère. C’est avec réussite que la réalisatrice arrive à gérer les deux tons de son film, réaffirmant de ce fait la nouvelle vague de film social britannique qui se détache du style de Ken Loach, malgré les dires du marketing.
Film social britannique, Rocks arrive à trouver un ton surprenant mais bienvenu grâce à l’aura des actrices, qui participent à éclaircir ce film de tout jugement moralisateur ou de lourdeur. Sarah Gavron nous offre un beau portrait adolescent d’aujourd’hui, captant par son atmosphère douce-amère toute la complexité de la jeunesse.
Laura Enjolvy
Laura Enjolvy