[CRITIQUE] : Relic
Acteurs : Emily Mortimer, Bella Heathcote, Robyn Nevin,...
Distributeur : Star Invest Film France
Budget : -
Genre : Épouvante-Horreur, Drame.
Nationalité : Américain, Australien.
Durée : 1h30min
Synopsis :
Lorsqu'Edna, la matriarche et veuve de la famille, disparaît, sa fille Kay et sa petite-fille Sam se rendent dans leur maison familiale isolée pour la retrouver. Peu après le retour d'Edna, et alors que son comportement devient de plus en plus instable et troublant, les deux femmes commencent à sentir qu'une présence insidieuse dans la maison. Edna refuse de dire où elle était, mais le sait-elle vraiment...
Critique :
Joliment influencé à l'horreur nippone aussi froide que féminine, tout en épousant comme #Hérédité, le thème du dysfonctionnement familial, #Relic est un bonheur de film d'épouvante, équilibre parfait entre drame du quotidien et visions cauchemardesques et gothiques. Petit bijou pic.twitter.com/Tn0KLgvvJL— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) September 4, 2020
Et si l'Australie était le nouveau fief de l'épouvante racée et intelligente, le nouveau giron sûr d'une horreur psychologique à l'universalité très personnelle, trifouillant les recoins délaissés par le fantastique grand public ?
Si Jennifer Kent et Greg McLean nous assénaient avec insistance cette possibilité, la nouvelle venue Natalie Erika James apporte elle aussi sa pierre à l'édifice pour en faire une vérité difficilement réfutable avec Relic, premier long-métrage à la mise en scène millimétrée.
Un film de maison hantée classique sur une cellule familiale bousculée et bouleversée par une entité maléfique, amenant plusieurs niveaux de lectures d'une pertinence bienvenue; notamment une allégorie inquiétante et tristement réaliste sur les ravages de la dépression et de la démence - surtout sur les personnes âgées -, se propageant au coeur des générations d'une famille somme toute banale, telle une pourriture insidieuse qui mène à la destruction du corps et de l'âme - et même de tout.
Copyright Star Invest Films France |
Résolue à donner du mordant à sa vision du genre, la cinéaste équilibre parfaitement drame du quotidien et visions cauchemardesques et gothiques, tellement précis même dans sa métaphore pourtant casse-gueule (relier la démence d'une habitante à sa maison, un cadre labyrinthique qui s'effondre pour ne plus devenir qu'un amas de murs impersonnels dans lequel on se perd et on est emprisonnés), qu'il en vient à entremêler le réalisme et le surnaturel pour mieux former un tout à l'intimité aussi sombre que lumineuse, totalement vissée sur l'interprétation habitée d'un trio totalement voué à sa cause - formidables Emily Mortimer, Bella Heathcote et Robyn Nevin.
Joliment influencé à l'horreur nippone aussi rêche et froide que féminine, articulé aussi bien autour de l'invisible et de l'audible, ou les éléments surnaturels s'immiscent lentement mais durement au coeur de l'intrigue, Relic avec ses trois générations d'héroïnes cite directement le mythe de Sekhmet (la déesse aux trois visages et aux trois personnalités bien distinctes), mais aussi et surtout du thème sociétale douloureux et cruel du vieillissement, un fardeau disproportionné porté par toute femme - et qui est d'autant plus pesant dans l'industrie du septième art -, et dont les ravages émotionnels se font parfois catastrophiques (une autre idée de l'inéluctabilité, qui est l'un des thèmes forts du métrage).
Touchant au plus près d'une peine insondable (quiconque a vu un être cher dépérir, ne pourra qu'être frappé la vision croquée sans fard et avec beaucoup d'acuité par James), le premier essai de Natalie Erika James peut aussi se voir comme le cousin australien d'Hérédité, explorant d'une manière totalement différente le thème de dysfonctionnement familial, tout en restant dans une zone d'inconfort détectable : les notions d'héritage, d'obligation et du sacrifice de soi, dans le besoin de s'occuper sans réserves de ses aînés, peut importe le coût qu'il en advient.
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Mieux, au-delà d'un récit volontairement simpliste, qui mise complètement sur une claustrophobie et une terreur psychologique croissante, mais aussi d'une photographie sinistre de Charlie Sarroff (qui scrute les méandres de la bâtisse ancienne tel un prédateur qui rode autour de ses proies, et qui épouse à merveille les décors soigneusement lugubres et le score entêtant de Brian Reitzell), le film partagé également avec le film d'Ari Aster, un final époustouflant et troublant (une double lecture à la clé, acceptation plein d'amour ou capitulation désespérée face à l'ineluctable).
Tellement confiante dans sa narration et ses effets, qu'elle lie profondément ses saillies sinistres dans la psychologie incroyablement fouillées de ses personnages, pour mieux les faire exploser à l'écran de manière savoureusement organique, Natalie Erika James fait de son premier essai une oeuvre d'épouvante assurée et saisissante, comme on en voit que trop peu dans le cinéma de genre moderne.
Fragile, délicat et empathique comme un beau cauchemar éveillé.
Jonathan Chevrier