[CRITIQUE] : Koko-di Koko-da
Acteurs : Peter Belli, Leif Edlund, Ylva Gallon,...
Distributeur : Stray Dogs Distribution
Budget : -
Genre : Thriller, Drame.
Nationalité : Suédois.
Durée : 1h26min
Synopsis :
Pour surmonter les problèmes que traverse leur couple, Elin et Tobias partent camper au coeur de la forêt suédoise. Mais des fantômes de leur passé resurgissent et, plus que jamais, les mettent à l'épreuve.
Critique :
Dense et épuré, articulé autour d'une histoire tragique shooté à la folie d'Un Jour sans Fin, #Kokodikokoda est un gros ride sensoriel fascinant et immersif façon fable hallucinatoire sur l'acceptation, la gestion du deuil et l'impuissance face à l'inéluctable. #EtrangeFestival pic.twitter.com/vy4m7yu6xk— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) September 14, 2019
Ce qu'il y a de fantastique, et le double sens de ce mot est totalement volontaire ici, avec l'Étrange Festival, au-delà de nous faire découvrir une pléthore de bandes jouissives que l'on ne découvrira sans doute - malheureusement - jamais ailleurs, c'est sa propension à mettre en lumière une petite série de cinéastes jeunes ou chevronnés, qui ont pour passion commune de repousser les limites d'un septième art qui en a cruellement besoin, à une heure où l'on tente de le calibrer et de le lisser plus que de raison.
Des faiseurs de rêves comme le méconnu mais (très) talentueux Johannes Nyholm, réalisateur suédois que l'on avait découvert avec le sensiblement barré Jätten (narrant la rencontre improbable entre un jeune homme au visage difforme et... le monde de la pétanque !), et qui nous revient en cette fin de cuvée 2019 avec son second long, un cauchemar labyrinthique tout droit sortie des songes les plus perdus du pape de l'étrange David Lynch : Koko-di Koko-da, dont on en est tombé amoureux dès son titre singulier et génial, qui suggère subtilement la terreur et l'absurde qui se cache derrière sa pellicule.
© D.R. |
Oeuvre authentiquement dense et épurée, articulée autour d'une histoire tragique shooté à la folie d'Un Jour sans Fin (un couple, traumatisé par le deuil insurmontable du décès de leur fille suite à une crise d'allergie foudroyante, décide de partir faire un trip en forêt avant d'y revivre encore et encore, leur massacre par trois fous furieux à l'apparence grotesque), la péloche est un gros ride sensoriel terrifiant et immersif, une longue odyssée pleine de bruit, de douleur et de fureur (et d'un poil de lourdeur aussi, soyons honnêtes) dans laquelle il embourbe avec une angoisse sourde, aussi bien ses personnages qu'un auditoire totalement acquis à sa cause.
Une vraie proposition de cinéma fascinante dans sa manière de jouer du trouble entre la mémoire et l'imaginaire, de manier le si difficile art de l'ellipse au coeur d'une boucle qui se répète sans cesse sans ne jamais paraître une seule seconde redondante pour autant, avant de culminer dans un troisième acte intimement bouleversant même si un poil trop explicatif (tuant littéralement tout son mystère tout en lui donnant les clés de sa compréhension, aussi contradictoire que cela puisse paraître, via une poignante scène d'ombres chinoises), laissant transparaître les contours d'une fable hallucinatoire sur l'acceptation, la gestion du deuil et l'impuissance face à l'inéluctable.
Comme si, au fond, Koko-di Koko-da pouvait se voir bien plus comme un mélodrame tragique dans laquelle s'invite l'absurde et l'horreur, et non un cauchemar tétanisant mâtiné d'humour noir et de drame.
À moins que cela soit les deux en même temps, brillant qu'on vous dit, ce Johannes Nyholm.
Jonathan Chevrier