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[TOUCHE PAS À MES 80ϟs] : #29. Beetlejuice

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Nous sommes tous un peu nostalgique de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 80's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se balladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios (Cannon ❤) venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leurs mots à dire,...
Bref, les 80's c'était bien, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, mettez votre overboard dans le coffre, votre fouet d'Indiana Jones et la carte au trésor de Willy Le Borgne sur le siège arrière : on se replonge illico dans les années 80 !



#29. Beetlejuice de Tim Burton (1988)

À une heure où il est sensiblement de bon ton de se demander si ce bon vieux Big Tim a toujours son mojo (la question se pose bien depuis Alice aux Pays des Merveilles, même si Miss Peregrine et le tout tout récent Dumbo, nous ont un peu rassurés quand aux capacités de faiseur de rêves du bonhomme), il n'est jamais trop futile de se replonger dans la maestria de ses premières heures sur grand écran, et encore plus à l'époque où sa créativité étrange n'était pas totalement muselée par les grosses majors Hollywoodiennes.
Second long-métrage du cinéaste après le laborieux Pee-Wee Big Adventure (laborieux pour le spectateur à cause de son agaçant héros titre incarné par Paul Reubens, mais aussi laborieux pour le cinéaste aux vues de la production chaotique), mais surtout le premier à avoir été entièrement produit sur sa personnalité singulière, le formidable Beetlejuice est clairement une oeuvre majeure au sein de la filmographie du génie de Burbank tant elle installe tout simplement l'essence de sa cinéphilie, qui atteindra son apogée la décennie suivante aussi bien avec Edward aux Mains d'Argent, qu'avec Batman Returns et Sleepy Hollow.

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Film de fantômes qui détourne savoureusement tous les codes du genre (ce sont cette fois les fantômes qui font tout pour faire déguerpir les vivants de leur maison !), la péloche ne traine pas pour démonter l'American Way of Life : dès son ouverture, le cinéaste s'amuse à survoler une petite ville qui n'est en fait qu'une miniature créée par Adam Maitland, soit une vision totalement figée de l'Amérique contemporaine, dont les vices cachées seront totalement désinhibés deux ans plus tard, face à la timidité d'Edward.
Pourtant, exit la fable sociale avisée opposant la norme oppressante à la marginalité oppressée (même si le matérialisme de l'américain urbain en prendra plein la poire), ou même la tragédie onirique qui prendra une place plus importante dans son cinéma par la suite, ici c'est bel et bien un bon gros délire foutraque et totalement génial, qui motive le bonhomme, et c'est tant mieux.
Hommage sincère aux cinéma de Ray Harryhausen et Robert Wise autant qu'aux artistes de l'expressionnisme allemand et à l'oeuvre sombre mais imposante d'Edgar Allan Poe, Burton s'éclate, laisse exploser toutes ses influences (tout en égratignant gentiment les classiques de Walt Disney) au sein d'une oeuvre infiniment personnelle déclarant plus que de raison, son amour pour les freaks, ici personnifié par un bio-exorciseur clownesque campé par un Michael Keaton merveilleusement déjanté, sorte de versant totalement dépravé de Ronald McDonald et du croque-mitaine post-Pennywise.

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Pur film d'horreur maquillé en une comédie familiale bordélique, gothique et faussement inoffensive (trouver de l'espoir et de l'amour dans la mort, il fallait oser), modernisant des influences diverses sous les sonorités géniales d'Harry Belafonte, Tim Burton fait de Beetlejuice la fondation sur pellicule de son discours poético-macabre, entre réel douloureux et imaginaire cotonneux et sombre à la fois, autant qu'un bonheur de cinéma dans ce qu'il a de plus loufoque et originel.
Et s'il ne faut pas prononcer Candyman cinq fois, gageons que prononcer Beetlejuice trois fois n'est définitivement pas aussi dangereux pour sa vie, même une fois mort !


Jonathan Chevrier