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[CRITIQUE] : Une Nouvelle Amie


Réalisateur : François Ozon
Acteurs : Romain Duris, Anaïs Demoustier, Raphaël Personnaz, Isild Le Besco, Aurore Clement,...
Distributeur : Mars Distribution
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français.
Durée : 1h47min.

Synopsis :
À la suite du décès de sa meilleure amie, Claire fait une profonde dépression, mais une découverte surprenante au sujet du mari de son amie va lui redonner goût à la vie.


Critique :

François Ozon est un cinéaste pervers (dans son style de réalisation hein, attention je ne connais pas sa vie privée au bonhomme pour affirmer de telles choses), ou au minimum un metteur en scène franchement attiré par ce côté obscur de la nature humaine.

Si pendant longtemps, ce versant de sa personnalité ne s'était que partiellement dévoilé, il fut cependant entièrement assumé et affirmé avec la conception de ses deux précédents longs, les excellents Dans la Maison et Jeune et Jolie, aussi pervers donc, que manipulateur.

Confirmant son nouveau virage hautement alléchant, l'un des réalisateurs frenchy les plus doués et intéressants de ses vingts dernières années nous revient donc cette semaine avec son quinzième long, Une Nouvelle Amie, porté par un nouveau thème à traiter aussi osé et casse-gueule que passionnant : le travestissement.


Loin de se la jouer " Tellement Vrai " ou " Confessions Intimes " du pauvre en mode guide prude et voyeur à outrance dans l'univers de la différence et du sexe façon TF1, NRJ12 et Cie, Ozon, aussi décomplexé que sans grande morale, évite tous les écueils faciles et possibles dans cette chronique mystérieuse, émouvante et troublante adaptée plus ou moins librement du roman Une amie qui vous veut du bien de Ruth Rendell.

Une Nouvelle Amie donc, ou l'histoire des trentenaires Claire et Laura, deux meilleures amies depuis leur plus tendre enfance.
Inséparables, elles ont vécu côte à côte toutes les étapes de leurs vies, jusqu'au mariage de Laura avec David, et la naissance de sa fille.
Mais tout bascule quand celle-ci meurt d'une maladie incurable.

Dès lors, et même si elle tombe en dépression, Claire jure de s'occuper au mieux de son enfant et de l'époux de son amie.
Un matin, alors qu'elle passe par surprise, elle découvre que ce dernier, pour combler l'absence de son épouse, se déguise... en femme !
Celui-ci lui explique qu'il s'agit d'un désir enfoui en lui depuis longtemps, et qu'il ne faut pas le juger trop vite.
Après l'avoir un temps repoussé, Claire finit pourtant par apprécier David en tant que travesti.

Elle reprendra peu à peu gout à la vie et s'amusera même à lui donner un nouveau prénom, Virginia...


Retrouver le cultissime Xavier de la trilogie globe-trotteuse de Cédric Klapisch, dans une robe qui colle au plus près de sa fine silhouette et coiffé d'une perruque blonde, avouons que l'on a déjà connu des affiches plus étonnantes dans le cinéma hexagonales ces dernières années, mais pas beaucoup.

Thriller sombre et glauque purement Hitchcockien - la figure majeure qui plane sur tout le cinéma d'Ozon - et même Polanskien, respectant à la lettre les codes du film noir, qui vire peu à peu vers le drame social émouvant - non sans quelques pincées d'humour joliment piquante voir même grinçante -, Une Nouvelle Amie est un portrait un brin tordu, riche et troublant sur la gestion du deuil, de l'amitié, de la fidélité et de l'acceptation de soi tout autant qu'un hymne à la différence et à la tolérance.

Troublant puisque le cinéaste s'amuse (et ce, même si il s'ampute souvent à vouloir toujours tout justifier à l'écran) à constamment flirter sur le fil tendu de l’ambiguïté et de la norme via le dévoilement des personnalités profondes des deux personnages titres finement croqués, deux héros meurtris et en plein doute identitaire, liés dans une relation clandestine et méchamment étrange.

Que ce soit David, père de famille efféminé qui se cherche et se travestit par jeu avant de réellement devenir un besoin presque obsessionnel ou l'instable Claire, dont l'homosexualité latente (déjà sous-entendue dans sa relation plus que fusionnelle d'avec Laura) semble ressurgir au contact de Virginia; tout le métrage n'est qu'un chassé-croisé des sentiments et des désirs fascinant, parfois confus mais intensément déroutant - voir même franchement dérangeant dans certaines scènes - entre deux êtres unis dans la douleur, qui se cherchent (dans tous les sens du terme) et qui vont finir par se trouver, ensemble.


Référencé (on pense évidemment, d'une certaine manière, aux Psychose et Pas de printemps pour Marnie du grand Alfred, mais pas uniquement), sans repères de lieux ou de temps, nourrit des thématiques habituelles du cinéaste (la marginalité, le désir de corps impatients et sexués, l'identité trouble, son attachement aux figures féminines fortes) ouvert sur une impressionnante et précise introduction - comme pour Dans la Maison -, cependant jamais transcendé par la suite puisque la mise en scène du bonhomme, au demeurant très soignée, reste encore une fois prévisible et sans grand artifice; involontairement politique (notamment dans son plan final, très symbolique) et surtout, ne tombant judicieusement jamais dans la caricature burlesque, le film jouit surtout pour lui d'un casting de talents totalement voué à sa cause.

Romain Duris en tête, dans ce qui est tout simplement l'un de ses meilleurs rôles.
Intense, sensible, d'une douceur étonnante et habillé comme une femme fatale tout droit sorti d'un polar des 60's, il incarne à la perfection la personnalité aussi puissante que touchante et fragile de David, l'homme qui aimait les femmes au point qu'il fantasme même d'en devenir une, libérée et affranchit du regard des autres.

A ses côtés, la jolie Anaïs Demoustier confirme tout le bien que l'on a pu penser d'elle, d'une justesse merveilleuse et d'un naturel pur et rafraichissant sous les traits de la (très) charmante Claire.
Derrière eux, difficile de ne pas mentionner le jeu tout en sobriété du génial Raphaël Personnaz, il est vrai ici un poil en retrait.


Si il n'est pas dénué de défauts (le manque d'empathie pour les personnages, le rythme en dent de scie et quelques grosses ficelles scénaristiques, entre autres) le nouveau Ozon ensorcelle par son mélange des genres pour mieux mettre en valeur le mélodrame qu'il incarne, une chronique pour un public averti sur couple étrange qui cherche, entre désirs et fantasmes, à se reconstruire après la perte de leur idéal commun.

C'est une certitude, le cinéma français ne s'est jamais aussi bien porté que durant le dernier tiers de cette année 2014...


Jonathan Chevrier


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