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[CRITIQUE] : Les Poings contre les Murs


Réalisateur : David McKenzie
Acteurs : Jack O'Connell, Ben Mendelsohn, Rupert Friend, David Ajala,...
Distributeur : Wild Side Films/ Le Pacte
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Britannique.
Durée : 1h45min.

Synopsis :
Eric est un jeune délinquant violent prématurément jeté dans le monde sinistre d’une prison pour adultes. Alors qu’il lutte pour s’affirmer face aux surveillants et aux autres détenus, il doit également se mesurer à son propre père, Nev, un homme qui a passé la majeure partie de sa vie derrière les barreaux. Eric, avec d’autres prisonniers, apprend à vaincre sa rage et découvre de nouvelles règles de survie, mais certaines forces sont à l’œuvre et menacent de le détruire..



Critique :

Voilà plusieurs années maintenant que l'excellent et talentueux irlandais Jack O'Connell, arpente de son joli minois, le septième art du bon gout, avec des prestations - pour les plus notables - dans les bouillants This is England et Eden Lake (sans oublier son passage remarqué à la télé dans la cultissime série Skins).

Mais jamais le bonhomme n'a été aussi proche d'être la next big thing de la profession, qu'aujourd'hui.
Tout comme son ainé Michael Fassbender, qui a bouffé de la vache maigre pendant des années avant de devenir l'une des stars que l'on s'arrache le plus dans le business, O'Connell a dut faire ses preuves plus que de raison pour obtenir la chance d'être enfin sous les spotlights de la gloire.

Et si tout le monde l'attend avec une impatience non-feinte en vedette du prochain long métrage d'Angelina Jolie, Unbroken - ou il incarnera Louis Zamperini, athlète olympique prisonnier de guerre des Japonnais -, c'est clairement sa composition tout en colère et en violence dans le nouveau film de l'excellent David McKenzie, Les Poings contre les Murs, qu'il aura prouver qu'il méritait bel et bien sa place dans la cour des grands.


Prix du jury du dernier festival international du film policier de Beaune, ce drame carcérale suit l'histoire d'Eric Love, un jeune délinquant méchamment violent, habitué à la taule et qui va pourtant faire la douloureuse expérience de passer de façon prématurée de l’environnement carcéral pour adolescents à celui, beaucoup plus sinistre, de la prison pour adultes, suite au meurtre d'un junkie.
On appelle ça être " surclassé ", d’où le titre de la péloche en v.o, Starred Up.

Dans une lutte constante pour s'affirmer aussi bien face aux surveillants qu'aux nombreux autres détenus, le bonhomme va devoir se mesurer également à son propre père, Nev, qui lui aussi, a passé la majeure partie de sa vie derrière les barreaux.
Mais si lui et d'autres prisonniers apprennent petit à petit, les règles d'une vie à la dure en prison et à canaliser leur rage intérieur, il va très vite réaliser que certaines forces présentent autour de lui, vont constamment tenter de le détruire...

Alternant aussi bien le drame que les comédies romantiques, mais surtout le très bon (Perfect Sense, Young Adam) et le passablement mauvais (Toy Boy, Rock’n’love), David McKenzie s'essaye cette fois au genre très codifié du film de prison, le tout sous fond de drame social et familial.

Autant dire que le pari est méchamment casse-gueule, tant il nous paraissait très difficile, voir improbable, qu'un cinéaste tel que lui puisse offrir un regard neuf et raffraichissant au film carcéral qui s'est vu récemment bien mieux en valeur sur le petit (Oz, Prison Break, Orange is The New Black) que sur le grand écran (Un Prophète d'Audiard, R, Dog Pound et dans une moindre mesure, Bronson), malgré des cultes encore bien ancrés dans la psyché des cinéphiles endurcis (L'Evadé d'Alcatraz, Midnight Express, La Grande Évasion ou encore Les Évadés pour ne citer que).


Et pourtant, même si il est obligé de jongler avec le lourd cahier des charges et les clichés obligés des films carcéraux (la nécessité de faire son trou entre les passages à tabac et les rites de d'initiations aux gangs, la présence logique des surveillants malhonnêtes ou encore d'un directeur incarnation même du mot pourriture), Les Poings contre les Murs est une bouffée d'air frais dans le genre, un poignant et intense huit-clos carcéral sur le thème de la survie et des relations père-fils difficiles.

A l'instar du chef d’œuvre d'Audiard, le cinéaste privilégie une approche réaliste dans un milieu gangrenée par la violence, même si il préférera bien plus la suggérer via un habile suspens et une tension réellement prenante - difficile de ne pas être impressionner par certaines bastons de regards entre prisonniers -, que de l'exposer pleinement face caméra.

Dès l'ouverture, la virtuosité de la mise en scène du cinéaste laisse lentement mais surement présager que le sanguin Eric n'est pas la pour simplement purger sa peine et servir de sac à frappes - ou à foutre - aux autres détenus, mais clairement pour se faire un nom, voir même s'imposer et marquer son territoire.
Une intention loin d'être anodine dans le sens ou son paternel a de son côté, énormément de pouvoir dans la prison, lui qui connait les lieux comme sa poche, et qui est cerise sur le gâteau, ami avec le big caïd du coin.

Sans repère mais surtout sans aucun lien avec un géniteur qu'il ne connait ni d'Adam ni d'Eve puisque celui-ci s'est fait incarcéré à perpétuité alors qu'il était tout jeune, Eric va donc chercher à se faire tout seul et à s'opposer à son père, coupable de l'avoir abandonner et fait ce qu'il est aujourd'hui, à savoir un criminel violent mis en cage.


Une dualité sur une cohabitation forcée absolument bouleversante, qui incarne indiscutablement la plus grande réussite du métrage, dont l'émotion palpable des liens du sang et de la fibre paternel, est captée à merveilles lors de scènes joliment touchantes (la scène du transfert, ou encore celle de la mise en isolement), qui apporte un décalage salvateur à la brutalité de leur environnement.

Mieux, à la différence de beaucoup, McKenzie pose la question du " et après ? ", de la possibilité de réinsertion sociale des détenus souvent effleurée mais rarement pleinement abordée, instaurée ici via un groupe de parole de gestion de la violence, auquel Eric participe.
Si ses scènes, parfois cocasses, aèrent le récit et apportent un véritable plus à la quête de rédemption d'Eric, elles nuisent en revanche un brin à la tension du métrage et ce, malgré le plaisir d'y retrouver l'excellent Rupert Friend en psychologue/médiateur patient et courageux.

Dans la peau meurtri et bouillonnante d'Eric, Jack O'Connell crève littéralement l'écran dans ce qui est indiscutablement à ce jour, sa meilleure prestation sur grand écran.
Complétement habité - au point qu'il rappelle souvent le Tom Hardy de Bronson - , il incarne une véritable tête brulée, un animal blessé qui ne cherche dans le fond, qu'une rédemption paternelle.

Celle-ci est d'ailleurs incarnée à la perfection par le précieux Ben Mendelsohn, touchant en taulier protecteur envers son rejeton.


Porté par une direction d'acteur exceptionnel, un casting totalement voué à sa cause et une histoire aussi rafraichissante et référencée qu'intense et poignante, Les Poings contre les Murs est une péloche coup de poing qui vous prend au tripes et qui vous tabasse constamment là ou ça fait mal pendant un tout petit peu plus d'une heure trente.

Entre amour et haine, tendu, bestial et bouleversant à la fois, après le sublime Perfect Sense, McKenzie en impose de nouveau et nous fait impatiemment attendre son prochain long sur grand écran.

Il en va évidemment de même pour Jack O'Connell...


Jonathan Chevrier


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