[CRITIQUE] : Les Quatre Fantastiques : Premiers Pas
Réalisateur : Matt Shakman
Acteurs : Pedro Pascal, Vanessa Kirby, Joseph Quinn, Ebon Moss-Bachrach, Julia Garner,...
Distributeur : The Walt Disney Company France
Budget : -
Genre : Action, Fantastique.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h55min.
Synopsis :
Avec pour toile de fond un monde rétro-futuriste inspiré des années 1960, “ Les 4 Fantastiques : Premiers pas ” de Marvel Studios présente la première Famille Marvel : Reed Richards/M. Fantastique, Sue Storm/La Femme Invisible, Johnny Storm/La Torche Humaine et Ben Grimm/La Chose alors qu'ils affrontent leur plus grand défi.
Qu'on se le dise, on ne pourra décemment pas reprocher à Marvel d'avoir voulu simplifier au maximum, le point de départ d'une Phase 6 décisive passé cinq années de productions à l'enchevêtrement proprement bordélique, qui impliquait de devoir se fader même les projets les moins défendables, pour déceler un semblant de lien/cohérence au coeur d'une saga multiverselle qui a in fine croulée sous le poids de sa propre maladresse.
À vrai dire, Les Quatre Fantastiques : Premiers Pas de Matt Shakman adopte plus où moins (la nuance reste importante) le même esprit créatif que le Superman de James Gunn, une sorte de nouveau point de départ simple auprès de personnages plus où moins connu de tous, qui ne nécessite aucune connaissance préalable de la franchise (malgré une révérence marquée à son pendant sur papier glacé), ni même de tout le MCU, ce qui en fait, clairement, le projet le plus simpliste de la firme depuis très, très longtemps... tant mieux.
Évoluant dans un univers différent que celui du MCU principal (l'univers 626), le monde rétro-futuriste (et franchement génial) de la Terre 838, tout en se débarrassant, une nouvelle fois comme Superman, de manière concise et intelligente, des oripeaux de l'origin story redondante (là où les films de Tim Story et Josh Trank se perdaient sur près de deux heures, dans une exploration de l'acquisition des super-pouvoirs de chacun, Shakman condense soigneusement le tout dans l'introduction d'une émission télévisée spéciale célébrant le quatrième anniversaire, du fameux voyage spatial où l'équipe a été frappé par une tempête cosmique et bâti sa légende), le film déroule ainsi plus sereinement (rare pour un film du MCU, toute phase confondue) une première partie introduisant sans encombre ses personnages comme leur hauts faits.
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Un parti pris louable justifiant ainsi facilement leur statut de super-héros (affrontement face à l'Homme-Taupe, négociation d'une paix mondiale,...), tout en rendant empathique une dynamique familiale appelée à être bousculée à la fois de l'intérieur - le futur bébé de Reed Richards/Mister Fantastic et Sue Storm/La Femme Invisible -, et de l'extérieur - l'arrivée de Shalla-Bal/Surfer d'Argent, qui annonce à la Terre qu'elle sera le nouveau plat de résistance de Galactus.
Un enjeu apocalyptique dont la tension est nettement plus palpable qu'à l'accoutumée, puisque le monde qui nous est montré n'a absolument pas besoin de survivre pour que la franchise comme les aventures de ses super-héros, continuent.
Mais c'est, une fois encore, à l'image du Thunderbolts*/The New Avengers d'un Jake Schreier qui voulait lui aussi renverser la vapeur de la popote familière de la firme (ce qu'il a réussit en partie, pour tout spectateur un minimum honnête), moins dans ses intentions que dans son exécution que Les Quatre Fantastiques : Premiers Pas se ramasse un tantinet la tronche : le décalage tonale entre une narration qui fonctionne admirablement bien lorsqu'elle s'attache avec sérieux à l'intimité de ses personnages - authentiquement bons - et de leurs liens (à la cohésion joliment retranscrite, tant chacun veille clairement sur les autres), mais moins lorsqu'elle épouse les codes Marvelesques d'une aventure super-héroïque pulp et kitsch mais férocement attendue, à l'action tout aussi peu entraînante que son humour est enfantin et fade (aux tentatives de gags souvent trop étendues pour leur bien).
Le film ne fonctionne jamais aussi bien que lorsqu'il colle au pessimisme profond d'un Reed Richards/Mister Fantastic (un Pedro Pascal juste parfait) qui peine tout autant à sécuriser le monde que son propre cocon familial soudé (un double statut de figure paternel renforcé par l'arrivée future de sa propre paternalité), dans une sorte de paternalisme à la fois sain et malsain (ce qui crée un réel point de friction avec sa femme, Sue Storm/La Femme Invisible, tant s'il se revendique comme le " père protecteur " du monde, elle se fait une figure maternelle symbolique pour le monde, bien plus douce et naturelle), qui rappelle exactement les dérivés d'un Tony Stark post-Avengers qui mèneront à la création de Ultron, première pierre fondatrice qui mènera à la division entre l'équipe de super-héros.
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Dans un sens, Les Quatre Fantastiques : Premiers Pas à même des faux airs des Indestructibles, de l'aspect merveilleusement loufoque de sa famille centrale (dont l'approche légère et " sitcom-esque " de Shakman, à l'image de ce qu'il a pu produire avec WandaVision, fait ici des merveilles) jusque dans son ludisme assumée (aux effets spéciaux pas toujours heureux, certes), bien qu'il n'est ni le sens du montage du bijou de Bird, ni l'écriture aussi adroite, notamment dans sa manière d'insérer au chausse-pieds Shalla-Bal comme Galactus (appelé à revenir, d'où le sentiment de ne pas avoir su convenablement le caractériser), dans une seconde moitié maladroite et précipitée qui dévoile le souci même de la structure familière aux péloches récentes du MCU, tout autant qu'un refus de s'inscrire dans une approche contemporaine du genre superhéroïque en théorisant un minimum sur les répercussions de l'utilisation des pouvoirs de ses figures héroïques (quitte à ne plus rien signifier, là où les premières phases plaçait cette question en son cœur... comme le Superman de James Gunn).
Mais, paradoxalement, juger sa simplicité reviendrait dans le même temps à fustiger sa qualité propre : ce n'est pas une déconstruction du genre super-héroïque, mais bien un blockbuster familial gentiment décalé (au score génial de Michael Giacchino) qui se suffit à lui-même tout en nous introduisant (enfin) convenablement ses figures incroyablement populaires.
C'est justement en misant petit, dans un cocktail à la fois spectaculaire, trivial et intime, que le MCU pourra, peut-être, durablement renaître de ces cendres.
Jonathan Chevrier