Breaking News

[CRITIQUE] : Sorry, Baby



Réalisatrice : Eva Victor
Acteurs : Eva Victor, Naomie Ackie, Lucas Hedges, John Carroll Lynch,...
Distributeur : Wild Bunch
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h44min.

Synopsis :
Quelque chose est arrivé à Agnès. Tandis que le monde avance sans elle, son amitié avec Lydie demeure un refuge précieux. Entre rires et silences, leur lien indéfectible lui permet d'entrevoir ce qui vient après.




Certes, c'est totalement contradictoire mais c'est ce qui fait, exactement, toute la force du brillant premier long-métrage de la wannabe cinéaste Eva Victor - également derrière le scénario et en vedette -, Sorry, Baby : user d'un humour à la fois juste et incroyablement ironique, pour traiter d'un sujet intimement douloureux - les conséquences dévastatrices d'une agression sexuelle -, en faisant du rire non pas un artifice pour adoucir le propos, mais bien pour en renforcer la puissance comme la profondeur.

Copyright A24

Oscillant intensément entre ironie et douleur à travers un récit volontairement non linéaire, le film, à l'image même de son héroïne (incarnée par la réalisatrice elle-même donc, avec une résilience absolument incroyable), aborde son sujet d'une manière faussement désinvolte mais avant tout et surtout infiniment humaine : voir le malheur comme quelque chose qui arrive - malheureusement - tout le temps, dont on préfère ne pas se souvenir même s'il faut admettre qu'il nous a profondément traumatisé.

Mais l'accepter est rendu difficile non seulement par le propre blocage que l'on s'inflige à soi-même (le désir, humain une fois encore et compréhensible, de s'imposer une distanciation pour effacer cette tragique expérience de sa mémoire), mais également par la réponse négative que nous inflige un entourage plus ou moins intolérant.
Et Agnès, ancienne étudiante prometteuse en littérature qui a fui la fac après l'incident, en a un corsé (jusqu'à son médecin, qui exprime implicitement qu'elle était quasiment coupable de ce qui lui est arrivé), à tel point que seule sa meilleure amie (une géniale Naomie Ackie), Lydie, prend véritablement soin d'elle et l'empêche de rester enfermé dans sa prison psychologique tout en rage et en impuissance...

Copyright A24

D'une honnêteté naturelle et authentique, dénuée de tout sentimentalisme putassier, Eva Victor aborde sans prétention mais avec empathie et modestie le sujet des VSS et la nécessité d'avancer après avoir vécu le pire, tout autant qu'elle fustige la misogynie institutionnalisée (à la compréhension et au soutien soit absent, soit pervers tant il est proprement est absurde que tout le monde s'accorde sur la vérité, terrible, de ce qui lui est arrivé, sans que rien ni personne, des médecins aux universitaires, ne semble vouloir y remédier), au coeur d'un premier effort tragi-comique à la fois triste et tendre, rageur et sarcastique à la complexité émotionnelle rare.

Une sacrée réussite - et le mot est faible.


Jonathan Chevrier