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[CRITIQUE] : La Trilogie d’Oslo / Désir


Réalisateur : Dag Johan Haugerud
Acteurs :  Jan Gunnar Røise, Thorbjørn Harr, Siri ForbergBirgitte Larsen,...
Distributeur : Pyramide Distribution
Budget : -
Genre : Comédie Dramatique, Drame.
Nationalité : Norvégien.
Durée : 1h58min.

Synopsis :
Un ramoneur, heureux père de famille, en couple avec son épouse depuis des années, a une aventure inattendue avec un client ... Il ne la considère ni comme l’expression d’une homosexualité latente, ni comme une infidélité, juste comme une expérience enrichissante. Il s’en ouvre à son épouse, qui le prend mal, puis à son patron, marié comme lui, qui lui avoue faire toutes les nuits des rêves dans lesquels il est une femme, objet du désir de David Bowie...




Petit retour en arrière.
La première monture de ce qui est LA trilogie de l'été, La Trilogie d’Oslo du romancier et cinéaste Dag Johan Haugerud (dont chaque opus, on le répète, fonctionnent indépendamment des autres et n'impliquent pas une vision chronologique, quand bien même tous sont liés par le même cadre urbain : la pittoresque capitale norvégienne), Rêves, incarnait un récit initiatique et introspectif touchant et clinique, tout en contrastes (comme son esthétique à la fois chaleureuse et austère) et profondément littéraire d'un amour intense et romanesque, attaché à la vérité douloureuse du béguin de Johanne, une adolescente résolument privilégiée de dix-sept ans, pour sa professeure de français - un amour interdit qu'elle transformera en roman.

Copyright Pyramide Distribution

Le second opus, Amour lui, se faisait peut-être encore plus volubile que son aîné, cloué aux basques des pulsions plurielles de deux âmes qui aspirent à la fois à être en couple, tout en étant attirée par les rencontres fortuites, terrain propice aux échanges émotionnels et physiques intenses.
L'occasion parfaite pour Haugerud de remettre en question les conventions (et si nos désirs n'était au fond, qu'un acte rationnel dans une société ou les certitudes s'effondrent et où la promiscuité avec l'autre se fait de plus en plus rare ?), dans un voyage émotionnel parallèle et choral certes loin d'être frappé par le sceau de l'originalité, mais in fine profondément grisant et d'une délicatesse des plus charmantes, belle chronique de cœurs incertains et hésitants aux corps aventureux, catapulté dans le bal chaotique des sentiments et de la (réelle) découverte de soi.

Place enfin, au dernier effort, Désir, définitivement le plus littéraire des trois et, dans le même mouvement, le plus sensiblement logé dans l'ombre des cinémas de Rohmer et Bergman (plus encore que Amour), avec cette fois quelques pincées salutaires d'un humour purement Roy Anderssonien.
La narration s'attache aux bouleversements qui naissent de deux confessions, celle d'un ramoneur (rien de graveleux, calmes-toi), heureux mari et père de famille, qui a une aventure inattendue avec un client mais qu'il ne considère ni comme l’expression d’une homosexualité latente, ni comme une infidélité (ce qui n'est, évidemment, pas du goût de son épouse, qui n'a clairement pas la même définition de cette expérience); et celle de son patron, marié tout comme lui, qui rêve chaque nuit d'être l'objet du désir, féminin, de David Bowie...

Copyright Pyramide Distribution

Deux confessions, filmées en longs plan-séquences, qui servent de base solide à une exploration psychanalytique captivante sur une masculinité en crise et sur les nuances - comme la fragilité - de l'identité sexuelle au sein d'une vie enfermée dans un cadre hétérosexuel préétabli, à travers deux hommes décidant, quitte à tout bouleverser et à être en guerre avec un monde conformiste et répressif (mais plus avec eux-mêmes), de ne plus nier leur propre individualité dans une conscience de soi à la foi claire et libératrice.
Embaumé dans la sublime photographie de Cecilie Semec, Désir, dénué de tout jugement et de tout moralisme putassier, déjoue son apparente banalité pour mieux croquer une introspection modeste et élégante sur la nécessité d'être libre d'être soi-même et de s'accepter/s'aimer autrement.

Le point final de l'une des plus belles (et triple) invitations de l'été en salles.


Jonathan Chevrier