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[CRITIQUE] : The Piano Lesson


Réalisateur : Malcolm Washington
Acteurs : John David Washington, Danielle Deadwyler, Samuel L. Jackson, Ray Fisher, Michael Potts, Erykah Badu, Skyler Aleece Smith, Corey Hawkins,...
Distributeur : Netflix France
Budget : -
Genre : Drame, Historique.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h05min

Synopsis :
1936, Pittsburgh. Au lendemain de la Grande Dépression, les Charles vivent tous chez Doaker Charles, propriétaire des lieux. La maison abrite un piano, transmis de génération en génération, qui illustre l’histoire familiale grâce aux inscriptions qu’y a laissées leur ancêtre, esclave à son époque...



Critique :



Dans la famille Washington, on appelle à la fois John David devant la caméra (et même Olivia), mais avant tout et surtout le fils cadet, Malcolm, qui se lance sans filet dans le grand bain de la réalisation en s'inscrivant dans l'ombre de son paternel, Denzel (également - et assez logiquement - crédité à la production), puisqu'il adapte tout comme papa, une pièce de théâtre d'August Wilson : The Piano Lesson - déjà adapté à la télévision par Lloyd Richards en 1995 -, là où le comédien doublement oscarisé avait adapté Fences il y a huit ans.

Pas un petit pari donc, aux résonances étonnamment méta (ou fleurent bon le népotisme, pour les plus cyniques) tant cette adaptation questionne la notion d'héritage à travers un puissant drame générationnel prenant solidement les contours d'une ghost story poignante, vissée sur une famille afro-américaine doublement hantée par son passé (à la fois parce qu'elle est descendante directe d'esclaves, mais également parce qu'il est marqué par le sang), les Charles, qui se disputent un puissant héritage familial.

Copyright David Lee/Netflix © 2024

Soit un piano qui se fait le symbole à la fois direct et figuré de leur propre histoire (dont les visages de toute leur famille est sculpté dans le bois par leur grand-père, et indirectement imprégné de leur sang pat la vengeance), pour lequel le patriarche, décidé à le rapatrier au sein de la famille, avait été tué après l'avoir volé dans le manoir d'un propriétaire d'esclaves.
D'un côté de la discorde, il y a Boy Willie, qui tente de construire - et de se construire - un avenir sur ce que ses aînés lui ont laissé, a l'intention de le vendre d'acheter des terres (les mêmes sur lesquelles ses ancêtres ont été exploités et brutalisés) et de commencer une nouvelle vie dans le Sud.
De l'autre, il y a sa sœur Berniece, pour qui le piano représente un élément essentiel de l'héritage familial, qui se transmet de génération en génération, souhaite le conserver - sans pour autant y toucher - quand bien même il est le produit de leur douleur.

Mais comme si cela ne suffisait pas, l'équation se corse tant le dit piano, qui contient en lui à la fois un vrai potentiel de vie et un terrible souvenir de la mort, semble être attaché à un esprit malin (ou de la culpabilité des Charles), qui hante Berniece et sa jeune fille...
Où comment opposer l'idée de vouloir faire de ce totem mémoriel, à la fois familial et historique, l'unique réceptacle du souvenir des anciens - quitte à en faire un boulet de douleur, un catalyseur du mal - (Berniece, qui entend porter le poids du passé pour préserver sa fille de leur chagrin ancestral), mais aussi l'outil d'une potentielle indépendance par sa valeur marchande.

Copyright David Lee/Netflix © 2024

Soit le cœur même de la tension qui irrigue ce drame familial sur une famille en désaccord avec elle-même, son histoire et son avenir, qui ne trahit jamais ses origines théâtrales - ni ne se perd dans une surexplication condescendante -, et où le surnaturel (aux SFX un brin cheap, il est vrai), qui incarne au fond la peur de la famille de lâcher prise et de passer à autre chose, vient appuyer la nécessité d'exorciser, littéralement, les traumatismes du passé pour avancer.

Au travers des impasses et tribulations obsédantes des Charles, The Piano Lesson, vrai film d'acteur (au-delà des vieux briscards Samuel L. Jackson et Michael Potts, le tandem John David Washington/Danielle Deadwyler en impose, la colère désespérée du premier répond magnifiquement à la fierté déchirante de la seconde) pas exempt de quelques notes décevantes, distille néanmoins une mélodie suffisamment cathartique et vertigineuse pour se laisser enivrer.
Une rareté pour le catalogue de la firme au Toudoum.


Jonathan Chevrier