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[CRITIQUE] : The Outrun


Réalisatrice : Nora Fingscheidt
Acteurs : Saoirse Ronan, Stephen Dillane, Paapa Essiedu, Saskia Reeves,...
Distributeur : UFO Distribution
Genre : Drame.
Nationalité : Britannique, Allemand, Espagnol.
Durée : 1h58min. 

Synopsis :
Rona, bientôt la trentaine, brûle sa vie dans les excès et se perd dans les nuits londoniennes. Après l’échec de son couple et pour faire face à ses addictions, elle trouve refuge dans les Orcades, ces îles du nord de l’Écosse où elle a grandi. Au contact de sa famille et des habitants de l’archipel, les souvenirs d’enfance reviennent et se mêlent, jusqu’à s’y confondre, avec ceux de ses virées urbaines. C’est là, dans cette nature sauvage qui la traverse, qu’elle trouvera un nouveau souffle, fragile mais chaque jour plus puissant. 


Critique : 


Alors oui, évidemment, c'est assez stupidement factuel de dégainer ce genre de vérité générale pour débuter une chronique mais, merde, qu'est-ce que Saoirse Ronan a pu changé depuis le fantastique Reviens-moi de Joe Wright en 2007, dix-sept années comme tout un monde qui nous sépare de son incarnation de Briony Tallis, toute une époque où elle a eu le temps de mûrir, de se challenger (notamment avec la casquette de productrice), de parfaire ses talents de comédiennes pour devenir, purement et simplement, l'une des plus douées de sa génération. 

Le temps écoulé n'est pas tant un choc pour quiconque n'a eu de cesse de la suivre depuis ses débuts, mais le coup de rétroviseur n'en est pas moins impressionnant alors qu'elle aborde, sans aucun doute, avec sa nouvelle performance, un virage important, véritablement charnière et même presque transformateur. 

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Le comparatif est d'ailleurs tout aussi pertinent à faire, même s'il est résolument moins étalé dans le temps, entre le troisième long-métrage de la cinéaste allemande Nora Fingscheidt, The Outrun, adaptation des mémoires éponyme d'Amy Liptrot, et son premier effort, la petite (grosse) claque Benni, qui avait atteint l'hexagone au moment de la difficile réouverture des salles post-premier confinement.
Un drame bouleversant de sincérité, qui se faisait constat objectif des ravages des carences affectives et la détresse abyssale qui en découle, vissé sur le parcours psychologique et institutionnel autant que sur le calvaire intime, d'une môme victime d'une négligence maternelle assumée, mais surtout l'otage de ses propres pulsions erratiques et de sa rage brûlante, qui la consume de plus en plus. 

Dramatiquement parlant, il a tout d'une version alternative, presque complémentaire, à Benni, tant certains parallèles s'avèrent évidents dans ses deux odyssées rédemptrices, que ce soit à travers leurs héroïnes qui défient leur monde et leur entourage par la force d'un comportement explosif, excessif, où la manière qu'à la cinéaste de capturer leur odyssée avec une véracité agressive et intense, tout en images naturalistes.
Seuls les parcours différent, drastiquement même. 

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Si Benni était une gamine de neuf ans confrontée de plein fouet au traumatisme d'un amour maternel qui lui est refusé, Rona elle, est une biologiste un brin excentrique aux abords de la trentaine, qui se perd lentement mais sûrement dans les limbes vicieuses de la dépendance et de l'autodestruction - elle est alcoolique.
Ce sont ses pas difficiles vers une existence sobre qui sert de toile de fond à une intrigue non linéaire parsemée de flashbacks (une chronologie éparse, à l'image de 500 jours ensemble, avec des dates/marqueurs pas toujours adroits nous éclairant sur sa sobriété), elle qui est de retour sur les terres familiales - les idylliques îles Orcades -, loin des tentations dévastatrices de Londres, pour suivre une programme de désintoxication auprès d'un père souffrant de troubles bipolaires, autant que pour se reconnecter avec une dame nature réconfortante et inspirante, terreau de sa passion académique (voire même mystique) - l'étude de la faune locale.  

D'un sérieux constant tout en s'autorisant quelques saillies expérimentales (quelques images animées et autres inserts non-fictionnels, une voix-off offrant des petits détails mythologico-biologiques), Fingscheidt s'échine à rendre le plus palpable et empathique possible le lent et sinueux voyage vers la guérison, par la force d'une caméra tremblante et au plus près des corps, épousant le flou d'une jeune femme perdue aussi bien au coeur de la jungle urbaine, que dans son propre cercle familial (une mère absente, un père dont l'état de santé peut, peut-être, être un facteur de sa dépendance). 

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Juste et delicat, The Outrun ne serait sans doute rien sans la partition imposante de Saoirse Ronan (dont la filiation avec feu l'immense Gena Rowlands, devient de plus en plus évidente), qui ne recule jamais devant la volatilité, la vulnérabilité et l'imprévisibilité de Rona, dont elle embrasse toute la complexité et les contradictions avec une dévotion rare, l'imposant à l'écran comme une formidable force de la nature à l'image de ses recoins des îles Orcades qui la fascine tant : imparfaite mais d'une beauté indescriptible, à la fois fermement ancrée dans la terre mais merveilleusement libre, sans attaches. 

Dans ce retour aux sources qui n'est pas tant un rétropédalage qu'une vraie évolution pour son personnage, dans la solitude de ce cadre familier, majestueux et isolé, sa Rona a enfin trouvé la paix et le spectateur lui, un superbe drame brut et poétique, un portrait sensible et sans jugement sur la dépendance.


Jonathan Chevrier 







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