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[CRITIQUE] : Les Graines du figuier sauvage


Réalisateur : Mohammad Rasoulof
Avec : Misagh ZareSoheila GolestaniMahsa RostamiSetareh Maleki,...
Distributeur : Pyramide Distribution
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Iranien, Français, Allemand.
Durée : 2h46min

Synopsis :
Iman vient d’être promu juge d’instruction au tribunal révolutionnaire de Téhéran quand un immense mouvement de protestations populaires commence à secouer le pays. Dépassé par l’ampleur des évènements, il se confronte à l’absurdité d’un système et à ses injustices mais décide de s’y conformer. A la maison, ses deux filles, Rezvan et Sana, étudiantes, soutiennent le mouvement avec virulence, tandis que sa femme, Najmeh, tente de ménager les deux camps. La paranoïa envahit Iman lorsque son arme de service disparait mystérieusement...



Critique :



Dernier long-métrage tourné en Iran par Mohammad Rasoulof, il y a un parallèle douloureusement édifiant entre ce qu'évoque Les Graines du figuier sauvage et le parcours extraordinaire du cinéaste et de son aventureuse fuite et furtive à l'étranger, suite à une énième condamnation prononcée par le Tribunal Révolutionnaire (une fuite qui le fera échappé à huit ans de prison et de nombreux coups de fouet pour « collusion contre la sécurité nationale »), tant ce sont justement les tribunaux et les nombreuses manifestations contre le pouvoir à Téhéran, qu'il fait comme pivot central de son drame politique aussi captivant qu'il est furieusement tendu, vissé qu'il est sur l'explosion progressive des nombreuses contradictions de la société iranienne, au sein d'une cellule familiale au bord du gouffre.

Copyright RUN WAY PICTURES

Où quand le privé devient à la fois politique et collectif, frappé par les injonctions et les devoirs d'un père qui se répercute sur tous les membres du logis (ici intégralement féminins, histoire d'accentuer l'idée d'une destruction du patriarcat par la révolution familiale, dans son versant jeune et féminin).

Et le cinéaste ne traîne pas pour mettre son auditoire dans l'ambiance : dès les premières instants, avec l'introduction d'une arme à feu dans la chambre conjugale du fraîchement d'instruction au tribunal révolutionnaire de Téhéran, Imam (un temps coincé entre ses convictions éthiques et les impositions du gouvernement, puis dans une sorte de paranoïa cauchemardesque), dite arme qu'il conserve pour se " défendre ".

Le ver est dans la pomme, et Rasoulof, à l'image des fables dramatiques et morales de Farhadi (voire même Chabrolienne, dans sa manière de lier la soumission morale et éthique, à celle du confort du statut social), resserre lentement mais sûrement l'étau autour de ses personnages, avant de pleinement arpenter le territoire de la métaphore politique, culturelle et psychanalytique, avec un réalisme plus relatif (certaines situations apparaissent tout de même trop absurdes pour le bien de l'histoire) mais une subtilité toujours aussi intacte, l'arme se faisant autant le symbole d'un patriarcat remis en question, que celui d'un état répressif et paranoïaque, continuellement au bord de la folie.

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Charge politique dénuée de toute ambiguïté et de tout complexe, puisque nourrit autant par la métaphore que par une confiance sans réserve en sa propre narration, où la tension persistante qui habite l'écran épuise autant les personnages que les racines les plus profondes de leur cellule familiale (jamais pensée au-delà du moule imposé par la nation), Les Graines du figuier sauvage se fait un solide et captivant effort, tout autant drame familial explosif que thriller engagé et puissant, où Rasoulof inscrit son espoir d'un avenir meilleur dans la rébellion saine et essentielle de la jeunesse.

Reste à savoir ce que donnera la suite de la carrière du cinéaste, qui ne devrait plus tourner en Iran avant un bon moment - voire jamais -, tant il sera intéressant d'observer s'il saura offrir une exploration aussi authentique et pertinente d'une autre société, censé être plus démocratique, même si le mot perd de plus en plus de sens - notamment par chez nous.


Jonathan Chevrier





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