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[CRITIQUE] : Dahomey


Réalisatrice : Mati Diop
Avec : Gildas AdannouHabib AhandessiJoséa Guedje,…
Distributeur : Les Films du Losange
Budget : -
Genre : Documentaire.
Nationalité : Béninois, Français, Sénégalais.
Durée : 1h08min

Synopsis :
Novembre 2021, vingt-six trésors royaux du Dahomey s’apprêtent à quitter Paris pour être rapatriés vers leur terre d’origine, devenue le Bénin. Avec plusieurs milliers d’autres, ces œuvres furent pillées lors de l’invasion des troupes coloniales françaises en 1892. Mais comment vivre le retour de ces ancêtres dans un pays qui a dû se construire et composer avec leur absence ? Tandis que l’âme des œuvres se libère, le débat fait rage parmi les étudiants de l’université d’Abomey Calavi.



Critique :



On avait été de ceux à avoir pris en pleine poire la vision du premier long-métrage de Mati Diop, Atlantique, merveilleux coming-of-age movie sauce conte social rugueux et amer, dont la résonance politique vibrante n'avait d'égale que la chaleur mélancolique qui se dégageait d'un imaginaire à l'ésotérisme poétique, seule arme pour fragiliser la tristesse de la condition tragique d'une jeunesse sénégalaise attachante mais désespérée, déterminée à lutter contre la fatalité et à décrocher une lune qui leur est pourtant continuellement refusée.

Autant dire donc que Dahomet, son effort dit de la " confirmation " était méchamment attendu au tournant, d'autant qu'il avait été amoureusement adoubé par la dernière réunion Berlinoise - Ours d'or à la clé.

Copyright Les Films du Losange

Point de déception à l'arrivée, tant la cinéaste cherche toujours autant à se connecter à la vérité et aux racines de son continent, en documentant le rapatriement au Bénin d'une poignée - 26 - des milliers de trésors royaux et antiques du Royaume du Dahomey, pillés a la fin du XIXe siècle par une France colonisatrice et exploitante, puis gardés sans broncher pendant près de 130 ans.

Savoureusement anti-conventionnel (même si sensiblement dans l'ombre de Wiseman, notamment dans son refus de tout manichéisme et de toute simplicité artificielle), le documentaire trace sa propre ligne tout en réflexions complexes et en poésie puissante, sorte de réalisme surnaturel où Diop n'hésite pas à donner une voix à celles qui n'en ont pas (en fon, aux statues, et plus directement celle du roi Ghezo, qui exprime les sensations de son retour sur ses terres et la perception des changements qui s'y sont produits, véritable guide envoûtant porté par la narration fantastique de l'écrivain haïtien Makenzy Orcel), pour les inscrire dans un véritable courant de conscience autour de la question de l'importance du patrimoine culturel africain conservé jalousement et honteusement dans les musées des anciens pays colonisateurs, là où leur restitution légitime est refusé avec insistance, comme si passé le traumatisme du pillage, de l'esclavage et du colonialisme, on refusait encore à rendre une dignité historique, culturelle et humaine, à ceux à qui on l'a arraché avec force.

Copyright Les Films du Losange

Et de cette réflexion s'en substitue une autre, peut-être tout aussi captivante (même dans son montage, tant le troisième tiers se fait un petit peu plus nerveux, voire urgent, lui qui donne l'impression que cet événement est véritablement charnière pour l'avenir du pays), sur comment le passé parle aux nouvelles générations, sur le sens, la signification où même la représentation que peut avoir cette restitution pour la jeunesse béninoise, à travers de nombreuses ramifications culturelles, politiques et sociales.

Sans trembler et de manière juste et innovante, avec Dahomey, Mati Diop enlasse passé, présent et futur, sonde la complexité et les nuances de la reconquête de l'héritage culturel passé les traumatismes et le chaos du colonialisme, tout autant qu'elle nous invite à y réfléchir sans jamais fermer la porte à l'onirisime et à l'imaginaire.
Une merveille, rien de moins.


Jonathan Chevrier





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