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[CRITIQUE] : Kinds of Kindness


Réalisateur : Yórgos Lánthimos
Acteurs : Emma Stone, Willem Dafoe, Jesse Plemons, Margaret Qualley, Hong Chau, Joe Alwyn, Mamoudou Athie, Hunter Schafer,...
Distributeur : Bac Films
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Irlandais, Britannique, Américain.
Durée : 2h44min

Synopsis :
Kinds of Kindness est une fable en tryptique qui suit : un homme sans choix qui tente de prendre le contrôle de sa propre vie ; un policier inquiet parce que sa femme disparue en mer est de retour et qu’elle semble une personne différente ; et une femme déterminée à trouver une personne bien précise dotée d’un pouvoir spécial, destinée à devenir un chef spirituel prodigieux.




Critique :



Sur le papier, l'attrait le plus alléchant du récit épisodique et grotesque qu'incarne Kinds of Kindness, second film de l'année pour un Yórgos Lánthimos plus prolifique que jamais, ne résidait pas tant dans sa distribution méchamment pimpante (Emma Stone, Willem Dafoe, Jesse Plemons, Margaret Qualley, Hong Chau, Joe Alwyn, Mamoudou Athie et Hunter Schafer), mais bien dans la réunion entre le cinéaste et son scénariste fétiche, Efthymis Filippou, avec qui il n'avait plus collaboré depuis La mort du Cerf Sacré.

D'autant que la plume singulière du second promettait de ramener sur la table aussi bien l'esprit sardonique qui nourrissait les veines narratives des précédents film de Lánthimos, que la vision désespérée et désabusée d'une humanité qui l'est tout autant.
L'aura tutélaire de Stanley Kubrick n'est jamais loin donc, et celle de David Cronenberg encore moins.

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Soit l'opposé même de l'odyssée déglinguée et définitivement plus spirituelle, de Bella Baxter dans Pauvres Créatures, et ce jusque dans une mise en scène sensiblement plus sobre, qui abandonne les grands angles autant que la présence marquée des images de synthèse, pour se concentrer d'une maniete minimaliste sur son/ses histoires " Twilight Zonesques " aux cadres terriblement uniformisés, petite anthologie de trois segments science-fictionnels aux structures un peu trop semblables et au contenu bien trop artificiel pour son bien (un homme se fait dicter le moindre détail de son quotidien par son patron, avant de " se rebeller "; une femme disparue revient soudainement à la maison, ce qui fait douter son mari doute de son identité; une secte cherche l’élu capable de dépasser la mort).

Car quelque chose cloche à la vision de ce neuvième long-métrage du bonhomme - son huitième en solo -, dans cette autosatisfation étrange qui fait tâche et qui tranche avec la maturité évidente de ses précédents efforts, comme s'il était revenu aux premières heures de Kinetta et Canine (mais avec une caméra bien plus sûre de ses effets, évidemment), un cinéma de la cruauté qu'il n'avait jamais totalement quitté certes, mais qu'il arpente à nouveau en terres américaines avec une distance froide et clinique, qui n'a d'égale que son écriture mécanique aux dialogues artificiels, d'autant plus plombé par une interprétation générale exagérée jusqu'à l'excès.

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Certes, s'il n'est - vraiment - pas difficile de déceler à travers son voile déchiré entre réalité et fantasmes, une réflexion peu engageante et criarde sur l'identité versatile de l'humanité, jamais ses personnages n'apparaissent justement humains, tout juste incarnent-ils des marionnettes sans âmes entre les mains malhabiles d'un conteur qui les bouscule, les violente, les renverse à sa guise.
Des oiseaux amputés qui gravitent autour d'une cage dorée metaphorique (reflet exacerbé de notre système capitaliste et patriarcal) dont le diamètre ne cesse de rétrécir, qui tentent d'ouvrir des ailes qu'ils n'ont pas pour s'en échapper; des âmes incapables d'aimer sans réduire l'être aimé à la condition d'objet.
Des animaux en captivité aux confins de la folie, prompts aux pires ignominies (cannibalisme, viols, meurtres,...).

Et pourtant, tout n'est évidemment pas à jeter, loin de là même, dans ce canevas acide et bizarre sous fond d'emprise et de dépendance, d'assujettissement et d'abus de pouvoir(s), de libre arbitre biaisé et de nécessité de croire sans réserve en quelque chose - même au chaos.
À dans ce jeu des chaises musicales où tous les rôles changent d'un comédien à l'autre à chaque histoire, c'est définitivement le trio Stone/Dafoe/Plemons qui s'en sort le mieux, la première, dont la dévotion envers le cinéaste n'est plus à prouver, se retrouvent continuellement au strate le plus bas de cette dynamique toxique et violente du pouvoir - là où le second y est continuellement au sommet -, tandis que le dernier bouffe littéralement l'écran comme rarement.

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Fable en tryptique à la durée fleuve, sans morale qui use et abuse du vide de ses protagonistes, Kinds of Kindness ou une œuvre dystopique grotesque et abstraite, par un Yórgos Lánthimos qui oublie ses élans récents d'expressionnisme baroque, pour mieux se rappeller à ses racines surréalistes et sa méchanceté d'antan, véritable boule de démolition cinématographique, qu'il peine sensiblement à reproduire.


Jonathan Chevrier


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