[CRITIQUE/RESSORTIE] : Les Petites Marguerites
Réalisatrice : Věra Chytilová
Acteurs : Ivana Karbanova, Jitka Cerhova, Marie Cesková,...
Distributeur : Malavida FIlms
Budget : -
Genre : Comédie, Drame.
Nationalité : Tchécoslovaque.
Durée : 1h14min.
Date de sortie : 15 novembre 1967
Date de ressortie : 31 août 2022
Synopsis :
Marie 1 et Marie 2 s’ennuient fermement. Leur occupation favorite consiste à se faire inviter au restaurant par des hommes d’âge mûr, puis à les éconduire prestement. Fatiguées de trouver le monde vide de sens, elles décident de jouer le jeu à fond, semant désordres et scandales, crescendo, dans des lieux publics.
Critique :
Chef-d'œuvre punk de la pionnière Věra Chytilová, sorte d'explosion délirante et dadaïste d'un film qui incarne viscéralement la Nouvelle Vague tchèque dans sa forme la plus radicale et captivante - mais aussi et surtout féministe -, Les Petites Marguerites se voit offrir les honneurs d'une ressortie en bon et dû forme à l'heure où l'été se fane, dans une version remasterisée qui ne fait que sublimer l'explosion de couleurs, de chaos et de confusion en son coeur.
Rejetant purement et simplement l'idée d'un cinéma naturaliste incarnant une science exacte - à la différence de son premier effort, Quelque chose d'autre -, la cinéaste épouse sans réserve les contours d'une démarche purement créative et expérimentale au travers des pérégrinations de deux jeunes femmes (Marie I et Marie II) refusant de jouer aveuglément selon les règles d'une société patriarcale qui ferait d'elle des marionnettes, passant les - très singulières - soixante-dix minutes du long-métrage à littéralement déchirer le monde qui les entoure.
Volontairement sans queue ni tête d'un point de vue narratif (l'intrigue n'a aucun sens et justement, son intérêt n'est pas sa finalité mais bien ce qu'elle invoque) autant qu'il revisite de manière tout aussi foutraque l'histoire même du cinéma à travers plusieurs codes (le burlesque des Marx Brothers, le réalisme du documentaire, le cinéma muet, le slapstick - ici anarchique -,...), la péloche ne se fait pas tant une fable absurde et irrévérencieuse qu'une charge puissante et féroce contre le conformisme et le productivisme, où deux jeunes femmes libertaires ne se contentent pas de se jouer de tout et de pester contre une société qui les considère comme des objets (des poupées, comme explicité clairement dans son ouverture) : elles sont existentiellement en colère et désemparées, elles qui n'arrivent pas à trouver leur place dans une société de consommation au sein de laquelle elles ne se reconnaissent pas.
En refusant de tisser un hypothétique lien psychologique entre le public et ses personnages faussement innocentes - qui semblent finalement n'avoir ni avenir ni passé -, tout en évitant tout sens d'élan narratif, Chytilová fait des Petites Marguerites autant une charge féroce contre une société Tchécoslovaque post-Seconde Guerre mondiale (et pré-Printemps de Prague) gangrenée par l'idéal soviétique et son consumérisme aveuglé, qu'un vrai message d'alerte inquiet tourné aux générations futures.
Un anéantissement social sur pellicule aux forts accents métacinématographiques et esthétiquement grandiose dans les nombreuses influences qu'il charrie, une merveille comme on en fait plus.
Jonathan Chevrier
Acteurs : Ivana Karbanova, Jitka Cerhova, Marie Cesková,...
Distributeur : Malavida FIlms
Budget : -
Genre : Comédie, Drame.
Nationalité : Tchécoslovaque.
Durée : 1h14min.
Date de sortie : 15 novembre 1967
Date de ressortie : 31 août 2022
Synopsis :
Marie 1 et Marie 2 s’ennuient fermement. Leur occupation favorite consiste à se faire inviter au restaurant par des hommes d’âge mûr, puis à les éconduire prestement. Fatiguées de trouver le monde vide de sens, elles décident de jouer le jeu à fond, semant désordres et scandales, crescendo, dans des lieux publics.
Critique :
Épousant les traits d'une démarche purement expérimentale au travers des pérégrinations de 2 femmes refusant de jouer selon les règles de la société patriarcale, #LesPetitesMarguerites est autant une fable absurde qu'une charge féroce contre le conformisme et le consumérisme. pic.twitter.com/Ta1MklrTme
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) September 2, 2022
Chef-d'œuvre punk de la pionnière Věra Chytilová, sorte d'explosion délirante et dadaïste d'un film qui incarne viscéralement la Nouvelle Vague tchèque dans sa forme la plus radicale et captivante - mais aussi et surtout féministe -, Les Petites Marguerites se voit offrir les honneurs d'une ressortie en bon et dû forme à l'heure où l'été se fane, dans une version remasterisée qui ne fait que sublimer l'explosion de couleurs, de chaos et de confusion en son coeur.
Rejetant purement et simplement l'idée d'un cinéma naturaliste incarnant une science exacte - à la différence de son premier effort, Quelque chose d'autre -, la cinéaste épouse sans réserve les contours d'une démarche purement créative et expérimentale au travers des pérégrinations de deux jeunes femmes (Marie I et Marie II) refusant de jouer aveuglément selon les règles d'une société patriarcale qui ferait d'elle des marionnettes, passant les - très singulières - soixante-dix minutes du long-métrage à littéralement déchirer le monde qui les entoure.
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Volontairement sans queue ni tête d'un point de vue narratif (l'intrigue n'a aucun sens et justement, son intérêt n'est pas sa finalité mais bien ce qu'elle invoque) autant qu'il revisite de manière tout aussi foutraque l'histoire même du cinéma à travers plusieurs codes (le burlesque des Marx Brothers, le réalisme du documentaire, le cinéma muet, le slapstick - ici anarchique -,...), la péloche ne se fait pas tant une fable absurde et irrévérencieuse qu'une charge puissante et féroce contre le conformisme et le productivisme, où deux jeunes femmes libertaires ne se contentent pas de se jouer de tout et de pester contre une société qui les considère comme des objets (des poupées, comme explicité clairement dans son ouverture) : elles sont existentiellement en colère et désemparées, elles qui n'arrivent pas à trouver leur place dans une société de consommation au sein de laquelle elles ne se reconnaissent pas.
En refusant de tisser un hypothétique lien psychologique entre le public et ses personnages faussement innocentes - qui semblent finalement n'avoir ni avenir ni passé -, tout en évitant tout sens d'élan narratif, Chytilová fait des Petites Marguerites autant une charge féroce contre une société Tchécoslovaque post-Seconde Guerre mondiale (et pré-Printemps de Prague) gangrenée par l'idéal soviétique et son consumérisme aveuglé, qu'un vrai message d'alerte inquiet tourné aux générations futures.
Un anéantissement social sur pellicule aux forts accents métacinématographiques et esthétiquement grandiose dans les nombreuses influences qu'il charrie, une merveille comme on en fait plus.
Jonathan Chevrier